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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы

-- B. Tomaševskij : «La nouvelle école d'histoire littéraire en Russie», Revue des Études slaves, tome VIII, 1928, fasc. 3-4, p. 226-240.

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        Depuis les premières années du XXe siècle, on aperçoit en Russie un intérêt prononcé, et qui va toujours croissant, pour l'appréciation esthétique des œuvres littéraires. A la critique des publicistes succède celle des critiques littéraires proprement dits. Mais les essais critiques et historiques inspirés par cet intérêt nouveau sont restés assez longtemps épars, et il a fallu attendre l'avènement d'un groupe d'écrivains organisés pour qu'une école fut créée qui consacrât ses efforts à l'application systématique des nouvelles tendances[1]
        La poésie russe, en 1916, subissait une crise. Le symbolisme était à son déclin, et les jeunes s'en détournaient pour chercher d'autres sources qu'une philosophie indécise s'exprimant en créations vagues et en paroles diffuses. Des écoles nouvelles venaient de surgir, tapageuses à vrai dire, se frayant le chemin par des manifestations bruyantes, s'employant à «épater le bourgeois». Mais, sous cet extérieur exubérant si vivement reproché aux jeunes
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écrivains, derrière les extravagances et parfois les simples mystifications il y avait une persévérance constante vers la découverte d'inspirations mâles, vers la création d'un art «palpable» s'opposant à la poésie efféminée des symbolistes, à leur culte de l'imprécis. Parmi les créateurs de l'école futuriste russe (qui n'a de co,mun que le nom avec ses homonymes de l'Europe occidentale) un mot d'ordre fut prononcé: «la parole comme telle!» (Slovo kak takovoe!); l'attention se porta sur les moyens d'expression, sur le fonds linguistique de la poésie. Quelques jeunes gens, enthousiastes de poésie, concoururent à construire une théorie nouvelle qui, d'abord, ne répondait qu'à des vues pratiques: c'était la technique qui les intéressait plus encore que la doctrine. Pour la plupart élèves de M. Baudouin de Courtenay, ils étaient impatients de trouver des voies neuves dans le domaine de l'art aussi bien que dans celui de la science. Ainsi, de l'alliance de la science, de la critique d'art et de la poésie naquirent les premiers fascicules des Recueils d'études sur la théorie du langage poétique (Sborniki po teorii poètičeskogo jazyka), et bientôt un groupement se forma, dont les premiers membres étaient Šklovskij, Brik, Jakubinskij, Kušner, Polivanov, et ce groupement se constitua, vers 1918, en Société pour l’étude du langage poétique (Obščestvo izučenija poètičeskogo jazyka, ou, suivant la mode des abréviations militaires et révolutionnaires, Opojaz)[2]. Quelques jeunes historiens de la littérature, peu satisfaits de l'état présent de la philologie et préoccupés de trouver dans les Recueils les éléments d'une nouvelle conception de l'œuvre littéraire, se rallièrent au mouvement qui s'annonçait. C'est durant les années 1919-1921 que la Société Opojaz fut le plus animée. C'est alors aussi que fut fondé le Cercle linguistique de Moscou (Moskovskij lingvističeskij kružok), où les jeunes représentants de l'école de Fortunatov, présidés par Roman Jakobson, s'orientaient dans la même direction.
        Ce furent trois années de polémique. Conférences, articles dans de minces périodiques placardés sur les murs (faute de papier, les journaux avaient disparu) forcèrent la citadelle de la vieille science académique, et Ies «formalistes» s'installèrent peu à peu dans leurs places fortes. La création d'une Faculté des Lettres, grâce
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à Žirmunskij, à l'Institut d'histoire de l'art de Leningrad, permit d'atteindre un jeune auditoire que n'intimidaient ni le froid ni parfois le manque d'éclairage. Cette époque fut celle du «formalisme militant». La victoire, remportée dès 1920, entraîna quelques dissidences à l'intérieur de l'école : des discussions s'engagèrent sur des questions de méthode; on parlait d'une crise, de la nécessité d'une synthèse, de révision, etc. Mais le temps n'était pas propice à ces querelles, les questions abstraites de méthodologie n'attiraient plus les travailleurs. On se mit à la besogne sans s'attarder aux disputes. Et la polémique avec l'école sociologique (marxiste), survenue un peu plus tard, tornba pareillement d'elle-même, pour les mêmes causes, sans avoir suscité de grandes passions. Quelques essais parurent, résumant les recherches faites par les formalistes. De nouveaux problèmes se présentèrent. On sentit le besoin de connaître de manière plus approfondie les différentes époques de la littérature russe, dont l'étude avait été si peu poussée par les précurseurs; on voulut reconstruire le développement des formes littéraires dans notre Iittérature. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on s'attaque enfin à ces problèmes capitaux et qu'on s'apprête aux grandes et larges recherches: les premiers travailleurs sont entourés dès à présent de jeunes, tout autrement préparés aux travaux qui leur incombent, et de qui les forces ne sont pas usées dans la lutte contre les traditionalistes.

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Les premières idées de la nouvelle école portaient l'empreinte des polémiques au milieu desquelles elles s'étaient affirmées : souvent outrées, paradoxales, c'étaient certaines tendances générales opposées à celles des traditionalistes qu'elles exprimaient avec force plutôt que le sentiment exact de ceux qui les formulaient. Aussi bien n'étaient-ce pas les idées de Potebnja ou de Veselovskij[3] qui étaient mises en cause, en tant qu'ayant inspiré pour une bonne part la tradition de l'histoire littéraire. Si souvent que les noms de ces savants fussent prononcés, il s'agissait moins des idées que des usages traditionalistes. C'est à ces usages que la guerre était décla-
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rée dans les trois principales directions que leur donnait l'histoire littéraire, à savoir: histoire biographique, histoire sociale, histoire philosophique.
        L'école «biographique», dont les adeptes s'étaient multipliés au cours des dernières années, ne voyait dans l'œuvre littéraire que l'acte individuel de l'auteur, un fait de sa vie intime et privée. On y cherchait I'indication de tels détails purement personnels; on pensait «expliquer» l'œuvre par tels événements de la vie de l'auteur. Les formalistes opposaient à ces errements deux ordres d'arguments. 1° L'analyse de l'historien, disaient-ils, ne doit pas sortir du domaine auquel l'œuvre appartient, c'est-à-dire du domaine de la littérature. Ce qui est donné dans l'œuvre même doit lui suffire, et c'est cela seul qu'il est fondé à prendre en considération pour déterminer la valeur littéraire véritable de cette œuvre. Ce qui est caché au lecteur n'a pas à intervenir et ne peut que fausser notre impression. 2° D'autre part, le fait biographique, même dans le cas où il est la source d'une inspiration poétique, n'explique point l'œuvre du poète, de même que la biographie d'un modèle n'explique pas l'œuvre du peintre. Expliquer l'œuvre — c'est montrer sa valeur littéraire, son influence sur la littérature, son rapport avec le milieu littéraire où elle a été créée. Les faits biographiques ne peuvent fournir qu'une impulsion occasionnelle précédant la création: les causes profondes de l'œuvre résident, et nous devons les y découvrir, dans tout le développement de la littérature qui détermine les voies et pose les problèmes. On comparait les historiens biographes aux agents subalternes de la police secrète qui s'informent chez les domestiques des menus faits de la vie des maîtres sans oser aborder ceux-ci ouvertement et de front. On alla jusqu'à refuser toute utilité aux enquêtes biographiques, et de fait les indications biographiques ne trouvent guère de place dans les travaux des formalistes, sauf parfois, à Ia rigueur, dans les notes.
        Les publicistes considéraient la littérature comme un assemblage de documents d'histoire sociale. Ils se plaisaient à écrire l'histoire de la société russe d'après les œuvres de nos romanciers (Ovsjaniko-Kulikovskij, Ivanov-Razumnik). Ils traitaient les héros de Pusˇkin, de Lermontov, de Turgenev comme des personnages historiques, comme des types représentant les idées politiques, sociales et morales répandues dans les différentes classes de la société. Les formalistes, par contre, tenaient toute œuvre littéraire pour un mauvais document historique. La vie réelle n'est pas réfléchie dans les romans : elle y est déformée. Le poète en combine les faits de
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son point de vue esthétique. L'art le conduit à fausser la réalité, à déroger à la nature, ou du moins à faire une sélection suivant les convenances et les besoins de son temps. Il est impossible de tirer d'une œuvre littéraire des connaissances positives sans savoir exactement comment le poète réagit aux impressions et aux faits extérieurs, ni quelles sont les lois intrinsèques des genres littétaires, les conditions de l'illusion littéraire. L'histoire des idées doit s'écrire d'après des documents authentiques, et non point d'après les dits et gestes de héros de romans qui ne sont que des fantômes de la vie réelle.
        L'école philosophique, représentée par les symbolistes (V. Ivanov, L. Šestov, D. Merežkovskij, Geršenzon), se jouait à interpréter le sens ésotérique des œuvres : elle y trouvait des doctrines religieuses et philosophiques, revêtues de symboles et d'allégories. Les formalistes estimaient que les recherches de ce genre n'aboutissent qu'à des commentaires arbitraires, fantaisistes et contradictoires, et ils les caractérisaient volontiers, de manière ironique, par l'expression figurée qu'emploient fréquemment les disciples de ces philosophes désorientés par l'extérieur persuasif de leur raisonnement : «l'âme du poète aux multiples facettes» (mnogogrannaja duša poèta).

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        La nouvelle école entreprit l'étude de la littérature considérée comme un phénomène particulier ayant ses propres lois. Elle disposait, dès ses débuts, de queIques notions qui ont constitué comme les premIeres marques originales de sa méthode, «formal’nyj metod », comme on l’appelait.
        Le titre même des Recueils édités par Opojaz nous indique l'une de ces notions, à savoir la distinction du langage poétique et du langage pratique. Scrupuleusement observée dans les premiers écrits des formalistes, cette distinction venait tout droit des travaux de Potebnja et d'Alexandre Veselovskij (en particulier du chapitre III de la Poétique historique de ce dernier), sous la réserve de l'abandon de la théorie de la forme intérieure. On cherchait à édifier ainsi une nouvelle doctrine sur un fondement purement linguistique : la prose était opposée à la poésie en tant que langage pratique et utilitaire en face d'autres langages ayant leurs lois propres et dont le trait principal est de ne plus présenter l'expression comme un simple moyen ou le jeu d'un mécanisme automatique, mais comme un élé-
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ment ayant acquis une valeur esthétique originale et devenu une fin en soi du langage.
        Considéré sous cet angle, le langage poétique était défini et étudié dans une série d'articles de Jakubinskij. L'auteur s'y limitait à la phonétique, et principalement à la phonétique du vers. Il constatait que certains faits phonétiques, d'origine purement mécanique et n'ayant aucune valeur sémantique dans le langage pratique, jouent un rôle important dans le langage poétique et sont consciemment observés et mis en œuvre par les poètes; tel est le cas de certaines nuances phonétiques par lesquelles le langage poétique se rapproche du langage émotionnel. Ce fut le point de départ d'une série d'études sur le rôle des sons dans le vers. Il convient de citer particulièrement, parmi ces études, celle de O. Brik sur «la répétition des sons» (zvukovye povtory) qui présente un développement des idées de M. Maurice Grammont sur l'harmonie dans le vers et un essai de classement des phénomènes observés, lequel a servi de modèle aux travaux postérieurs. Ce mouvement de recherches bénéficia de l'influence des idées de Sievers sur la «philologie auditive» (Ohrenphilologie) et de celles de l'école expérimentale française (Verrier, Landry), ainsi que des travaux anglais de Scripture. On en vint naturellement, en partant de la notion de langage poétique, à chercher dans l'analyse linguistique des œuvres l'explication scientifique de leur signification littéraire. La littérature fut même qualifiée de dialecte et tenue pour un objet d'étude auquel devraient être appliquées les méthodes de la dialectologie générale (voir le travail de Jakobson sur Chlebnikov).
        Pendant que se poursuivaient ces recherches sur le langage poétique, Victor Šklovskij consacrait plusieurs mémoires à la structure des thèmes, au sujet. Il passait en revue une série de romans, pour y découvrir les lois intrinsèques de leur construction ; il s'attachait notamment à cet égard à l'œuvre de Sterne. A la différence de Veselovskij, il dirigeait son attention sur le tout de l'œuvre plutôt que sur le détail des thèmes qui s'y trouvaient rassemblés. Il déterminait ainsi un certain nombre de notions qui prenaient leur place dans la doctrine de la nouvelle école.
        La première était celle du sujet même. Le sujet cessa d'être considéré comme la somme des événements présentés dans l'œuvre. A la masse amorphe des faits et des incidents (la fabula, suivant sa terminologie) Šklovskij opposait la mise en œuvre de l'auteur, la disposition des matériaux imposée par l'artiste, en un mot le sujet. Le sujet, en effet, n'est autre à ses yeux que le mode d'utilisation
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des événements suivant lequel l'écrivain règle le développement de son œuvre. C'est en fonction de ce développement que l'écrivain introduit tel ou tel fait, emploie tel ou tel procédé esthétique. Šklovskij s'est proposé d'examiner les conditions dans lesquelles se développe le sujet du roman. Il a formulé la notion de retardement ou de suspension de l'action comme une loi nécessitant une certaine distribution des motifs en jeu. Il a montré le rôle de la motivation des incidents introduits. Il a fait ressortir aussi la valeur esthétique de la dénudation des moyens d'art (c'est-à-dire l'introduction d'événements non motivés, n'apparaissant que dans le seul intérêt du récit). Il a mis en lumière les mérites de la forme difficile qui exige du lecteur un certain effort de pénétration et fait ainsi mieux sentir le sens de l'œuvre. L'application à trouver une forme difficile et le souci de donner une impression de nouveauté conduisent à voir d'un oeil étranger, pour les décrire de manière originale, des objets connus ou même familiers (c'est ce que Šklovskij appelle d'un néologisme: ostranenie) : ainsi, par exemple, Guy de Maupassant décrit parfois la vie des paysans comme un monde entièrement inconnu; ainsi encore Tolstoj décrit le Conseil de Fili à travers la compréhension incomplète d'une fillette (cf. de même Xolstomer, où l'écrivain ne cherche pas à évoquer la psychologie du cheval, mais à décrire la vie humaine observée d'un nouveau point de vue). Ce sont là autant de notions qui se rattachent à l'étude du développement du sujet en tant que procès essentiellement esthétique, et qui n'influencent aucunement les événements figurant dans le récit.

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        Le nom de la nouvelle méthode (méthode formelle), bien que souvent désavoué même par ses adeptes, nous amène au troisième problème qui se trouva mis en avant. L'école traditionnelle fondait à l'ordinaire ses travaux sur la distinction assez vague de la forme et du contenu, et l'on croyait avoir épuisé l'œuvre d'un écrivain lorsqu'on l'avait étudiée sous ces deux aspects. On appelait contenu l'ensemble des idées, des sentiments, des thèmes, du sujet de l'œuvre, en somme l'élément idéal; on entendait par la forme le Iangage, le rythme, etc., en somme l'élément matériel. Il n'est que trop facile de comprendre que, dans ces conditions, le critique négligeait volontiers le matériel pour le spirituel, et qu'il tendait à ne s'intéresser qu'à l'analyse des idées. On le voyait diriger toute
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son attention sur les objets mis en cause par l'auteur et étudier ces objets comme des réalités sans prendre garde à leur incarnation littéraire; on le voyait passer, sans s'en apercevoir à travers l'œuvre même, ne sachant que faire des faits d'ordre esthétique, indifférent aux principes constructifs de la création poétique. C'est à l'école symboliste que nous sommes redevables de Ia réhabilitation des problèmes de l'art pur dans l'étude de la littérature. Les essais critiques et historiques d'Andrej Belyj[4], de Vjačeslav Ivanov, de Valerij Brjusov ont attiré notre attention sur l'élément que les traditionalistes laissaient dans l'ombre.
        Les «formalistes» nièrent l'utilité, du point de vue de la méthode, de cette opposition de la forme au contenu. Ils admettaient encore l'opposition de la matière à la forme, mais en considérant que tous les éléments de l'œuvre, l'idée aussi bien que le rythme, sont des facteurs artistiques et ne sont actifs qu'en tant que tels, et par suite doivent être étudiés comme tels. Ils s'attachaient surtout, par une réaction naturelle, à ce que leurs prédécesseurs avaient ignoré. D'où l'impression qu'ils étudiaient la forme aux dépens du contenu, suivant l'ancienne opposition de ces deux mots. D'autre part, la confusion avec l'école linguistique de Fortunatov (l’école formelle) favorisa aussi l'appellation de méthode formelle: quelques adeptes d'Opoiaz s'en emparèrent, d'autres essayèrent un peu timidement de décliner cette caractéristique. Mais l'appellation resta et, malheureusement, ne fut pas sans quelque influence sur la représentation vulgaire que le public a souvent de l'œuvre de la nouvelle école.
        A l'opposition du langage pratique et du langage poétique correspond l'opposition de la prose et de la poésie. La prose, dépourvue de qualités esthétiques, a des moyens d'expression automatisés. La poésie est un phénomène essentiellement esthétique, où tout a sa valeur propre et doit être apprécié et senti comme un objet immédiat d'impression esthétique. L'impression esthétique se réduit à la formule: le but n'est rien, les moyens sont tout. Il faut, pour comprendre une œuvre d'art, faire revivre l'acte de sa création non pas en tant que procédant de la psychologie individuelle de l'au-
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teur, mais en tant qu'opération de son art, on disait de son métier[5]. Il faut concentrer nos efforts d'observation sur l'ohjet tout artificiel qu'est l'exercice de ce métier. L'œuvre littéraire est la somme des procédés artistiques que le poète a mis au service de sa création et qui se sont imprimés en eIle.
        Cette notion — assez vague, il faut en convenir — de procédé ou moyen artistique (xudožestvennyj priem) joue un grand rôle dans les recherches des formalistes. Les jeunes comprenaient ce terme assez largement : tantôt simple procédé technique, tantôt tout élément constitutif de l'œuvre. Ils entendaient surtout définir d'un mot le point de vue auquel ils se plaçaient plutôt qu'un objet précis. Mais ce furent bien les procédés de l'artiste, tels qu'ils apparaissent dans une œuvre donnée, tels qu'ils sont sentis par le lecteur, qui devinrent le véritable objet de la critique littéraire.

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          Les historiens traditionalistes ne considéraient guère une œuvre d'art en elle-même et en tant que telle. Ils se complaisaient à discourir à propos de la littérature; ils ne parlaient jamais de la littérature proprement dite. L'étude des procédés artistiques leur eût fait saisir la liaison qui existe entre les divers éléments de l'œuvre et le secret de leur équilibre; mais, faute de cette étude, ils n'apercevaient que de simples phénomènes qui leur paraissaient neutres et déterminés par les seules idées de I'écrivain suivant un choix où le libre arbitre était à peu près souverain. Ainsi l'évolution propre de la littérature leur échappait, et ils en récusaient même la notion. La littérature n'était pour eux qu'un objet amorphe, et ils substituaient de bonne foi à son étude celle des influences extérieures, des mœurs, des conditions sociales, du milieu, comme s'ils pouvaient trouver là les causes premières expliquant l'origine et le développement des sujets et des éléments du style.
        Du moment où l'on concevait la nécessité d'admettre des correspondances intérieures entre les différents éléments de la création poétique, on arrivait à en conclure que: d'une part, le poète n'est pas aussi Iihre qu'on le suppose dans la distribution des éléments de son œuvre où chaque détail est assujetti à l'ensemble, où l'un entraîne l'autre, si bien que l'écrivain ne choisit pas ses procédés
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artistiques comme des unités, mais sous la forme de combinaison, — d'autre part, les divers systèmes de ces procédés sont susceptibles d'évoluer spontanément, car, à l'usage, ils s'usent, s'automatisent et perdent ainsi leur fonction esthétique, leur dynamisme.
        Cette notion de causes internes, s'unissant aux influences extérieures pour provoquer l'évolution spontanée de la littérature, et la constatation parallèle que l'âge des procédés littéraires donne la mesure de leur pouvoir esthétique devaient orienter naturellement les chercheurs vers l'histoire littéraire, alors que c'étaient les spéculations théoriques qui les avaient absorbés jusque-là. Leur conception historique de l’évolution devait se préciser, et cela, à quelques égards, sous une certaine influence des idées de Ferdinand Brunetière.
        Les historiens traditionalistes se contentaient de suivre à travers les siècles la ligne dominante dans la littérature. Ils n'étudiaient que les chefs reconnus, les maîtres. A la place de l'idée d'évolution, ils avaient mis celle de succession. Lermontov succédait à Puškin, Nekrasov à Lermontov, comme dans la poésie française Hugo succédait à Voltaire, Leconte de Lisle à Hugo, etc. Leur analyse balançait entre la notion d'influence et l'idée de l'individualité absolue et par suite, incomparable de l'œuvre du poète. Cette dernière tendance écartée — et elle n'aboutissait à rien de moins qu'à nier la possibilité de poursuivre l'étude historique de la littérature! — il restait du moins la notion d'influence, influence toujours positive et fondée seulement sur l’idée de la perfectibilité indéfinie de l'espèce humaine. Tout maître (et l'histoire traditionnelle, encore une fois, ne s'intéressait qu'aux maîtres) était le légataire universel de ses prédécesseurs; il montait sur le trône de ses ancêtres. pour y recueillir leur héritage et pour conserver, développer et perfectionner leur œuvre. On n'avait d'yeux, dans l'arène littéraire, que pour les vainqueurs; on ne parlait des vaincus que pour les plaisanter (comme on faisait en France, avant le romantisme, des poètes du XVIe siècle).
        A cette histoire officielle de la paix perpétuelle en littérature on opposa une nouvelle histoire riche de guerres, ou tout au moins de luttes et de querelles. A l'influence positive, par attraction, on opposa l'influence négative, par répulsion. Une formule était à la mode : «l'héritage de l'oncle au neveu». Elle impliquait que le premier mobile de l'évolution littéraire était la répulsion, c'est-à-dire la tendance a réagir contre les formes littéraires dominantes du siècle. Le romantisme n'était pas l'héritier direct du classicisme :
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il en était l'adversaire. Ce n'est pas dit père au fils, en littérature, que passe le règne. Sans doute chaque nouvelle école a-t-elle ses précurseurs; les romantiques ont eu Chénier, et nous savons bien aujourd'hui ce qu'a été l'époque préromantique en tant que période préparatoire. Mais les précurseurs ne sont jamais des mîtres de leur domaine. Ils apparaissent toujours comme une lignée mineure, comme les frères cadets et méconnus de l'école dominante. L'avènement d'une nouvelle école n'est souvent que la canonisation de l'effort d'écrivains négligés durant l'époque précédente. La petite littérature passe dans la grande, comme par exemple le mélodrame français engendre le drame romantique, comme la poésie de Majakovskij est fa fille des formes comiques du vers russe.  
        L'étude des divers groupes, de leur antagonisme mutuel, de leurs conflits passait ainsi à l'ordre du jour. L'attention ne fut plus réservée aux seuls maîtres; elle s'étendit aux représentants secondaires de la littérature, aux petits genres, aux mouvements de masse. On prit soin d'examiner dans le détail la polémique entre les groupes, de fixer la véritable position des faits littéraires par rapport au milieu, d'évoquer les témoignages des contemporains souvent trop négligés, de suivre la presse, la correspondance. Il y eut un ensemble de travaux d'analyse historique tendant à reconstruire d'une façon authentique les conceptions littéraires de telle ou telle époque, et l'on en arriva tout naturellement à prêter le même intérêt au mouvement littéraire de nos jours observé suivant la même méthode; on en vint aussi à concevoir un certain déterminisme de l'évolution littéraire.
        La littérature contemporaine est un domaine riche de données et qui présente un tout complet, alors que la reconstruction, la restauration d'un tableau du passé en sa totalité à l'aide de témoignages épars offre à l'historien des époques plus ou moins reculées une tâche singulièrement difficile. La littrature contemporaine a aussi l'avantage de permettre pour ainsi dire, des expériences: le critique est ici un témoin oculaire, et qui peut voir de ses propres yeux le mécanisme du mouvement littéraire. Il ne s'en suit pas, assurément, que l'étude du contemporain soit la seule où l'on trouve un tout, ni même la plus facile. Elle comporte, au contraire, telles difficultés dont sont exemptes les études purement historiques : défaut de perspective, ignorance de l'avenir (tandis que le passé est toujours éclairé par la connaissance des résultats ultérieurs). Mais il n'en reste pas moins que l'histoire ne peut que gagner beaucoup à la comparaison des faits passés avec
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les faits présents, et que, notamment, la connaissance de ces derniers apporte le moyen sûr d'introduire, dans la reconstruction complète d'une époque les corrections nécessaires aux témoignages historiques.
        La tendance à découvrir une détermination interne de l'évolution littéraire est attestée par le grand nombre des recherches orientées vers l'inventaire des forces et des causes qui interviennent dans cette évolution. La pluralité des programmes des divers groupes, les victoires et les défaites sont considérées comme l'expression d'une certaine vitalité de telle ou telle forme littéraire, et cette vitalité se trouve déterminée par la correspondance entre les problèmes littéraires que se pose une époque et la solution qu'elle leur donne. La littérature dominante de cette époque sera celle qui a trouvé la solution la plus admissible des problèmes posés par la littérature de l'époque antérieure.
        Cette notion de la détermination interne de l'évolution littéraire a particulièrement attiré l'attention des chercheurs sur les causes nationales dans les révolutions littéraires; elle a entraîné quelque négligence des influences étrangères. Les relations internationales sont l'objet d'une étude scrupuleuse, mais en constatant le transfert des idées et des faits Iittéraires d'un pays à l'autre, on se préoccupe surtout d'éclaircir quelles sont les causes nationales qui ont déterminé le recours aux modèles étrangers. Par exemple, l'étude de l'influence de Shakespeare en France durant la période du drame romantique doit se fonder sur l'étude du développement de la tragédie nationale en France : c'est la crise de cette dernière qui a déterminé les dramaturges à emprunter aux Anglais certains éléments tragiques; l'évolution du théâtre français, en d'autres termes, a spontanément déterminé un emprunt devenu nécessaire. Ainsi l'influence de Dostoevskij et de Tolstoj sur le roman français est un problème de l'évolution nationale du roman français, el non point un fait imposé de l'extérieur qui aurait détourné la littérature française de son cours naturel. L'assimilation d'éléments étrangers est essentiellement un acte d'adaptation préalable. La littérature des traductions doit donc être étudiée comme un élément constitutif de la littérature de chaque nation. A côté du Béranger français et du Heine allemand il a existé un Béranger et un Heine russes qui répondaient aux besoins de la littérature russe et qui, sans doute, étaient assez loin de leurs homonymes d'Occident.
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        Ainsi dans les recherches de la nouvelle école, l'histoire et la doctrine — (les Russes disent «la poétique») — se sont croisées, et elles se sont influencées l'une l'autre. La poétique s'est orientés vers l'étude de la fonction historique des procédés artistiques. L'histoire a reconnu la nécessité d'une description préalable de l'architecture interne de l'œuvre étudiée.  
        Les monographies relatives à la technique caractérisent les premières étapes de la route où les formalistes se sont engagés. On étudiait le rythme à part, le langage à part, ainsi que la mélodie du vers, le système des images, la composition lyrique, la rime, la versification, etc. Il vaut de rappeler à cet égard les études de Žirmunskij sur la composition des poèmes lyriques, son analyse comparée de la poésie de Puškin et de Brjusov, une étude développée d'Eichenbaum sur la mélodie des poèmes lyriques et de nombreuses recherches sur le rythme des vers[6], l'étude de Tynjanoy sur la sémantique poétique, les recherches fécondes de Vinogradov sur la stylistique de la prose de Gogol' et de Dostoevskij, etc. On cherchait les éléments dominants constituant l'originalité de l'œuvre, on en établissait la série, et c'est à quoi l'on s'attachait particulièrement en négligeant en quelque sorte le reste de l'œuvre. Les travailleurs avaient le souci de préciser les limites séparant la poétique de la linguistique, et les questions se rattachant à ces deux domaines de la philologie tenaient presque toujours dans leurs travaux la plus grande place.
        Mais peu à peu on se rapprocha des problèmes que pose la conception d'une œuvre en son ensemble : des monographies consacrées à divers écrivains consacrèrent ce rapprochement. On dut passer de l'étude de faits et de séries séparés à celle de systèmes entiers où se trouvaient combinés les éléments étudiés à part. On observa dès lors les procédés artistiques en fonction de
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leur valeur relative dans le système que représente l'œuvre intégrale d'un écrivain. La notion de fonction poétique apparut dans toute son importance. Aux études purement descriptives de la première période succédèrent des études «fonctionnelles» qui rattachaient les observations particulières aux conceptions générales. Le mécanisme de l'évolution littéraire se précisa de la sorte peu à peu : il se présentait non comme une suite de formes se substituant les unes aux autres, mais comme une variation continuelle de la fonction esthétique des procédés littéraires. Chaque œuvre se trouve orientée par rapport au milieu littéraire, et chaque élément par rapport à l'œuvre entière. Tel élément qui a sa valeur déterminée à une certaine époque changera complètement de fonction à une autre époque. Les formes grotesques, qui étaient considérées à l'époque du classicisme comme des ressources du comique, sont devenues, à l'époque du romantisme, l'une des sources du tragique. C'est dans le changement continuel de fonction que se manifeste la vraie vie des éléments de I'œuvre Iittéraire. Rien ne renaît dans sa forme et sa fonction primitives. Une parole répétée n'est plus identique à elle-même : il suffit du souvenir de son énonciation première pour en modifier la portée.

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        Il serait difficile de suivre plus avant le développement de la doctrine de la nouvelle école. Rassemblés pour la lutte, ses adeptes avaient marché les rangs serrés tant que la lutte avait duré. Aujourd'hui, après l'apaisement des polémiques, chacun a passé à ses propres travaux, à ses recherches particulières. On a peine à voir clair dans Ies efforts dispersés et dans les idées qui sont encore en voie de formation. Ce sont les personnes qu'il importe maintenant de considérer, plutôt qu'une école en tant que constituant une unité intellectuelle. Les historiens contemporains de la littérature peuvent être classés, suivant leurs rapports avec la nouvelle école, en trois groupes : les orthodoxes, les indépendants, les influencés. Les orthodoxes, ce sont les fidèles de l'Opoiaz. Ils représentent l’extrême-gauche du formalisme. Les plus connus d'entre eux sont Šklovskij, Eichenbaum, Tynjanov. Les indépendants ont pris part à la création de récole formaliste, contribué à ses travaux; mais ils n'acceptent pas la discipline de l’écoile et se sont choisi une voie à part : ainsi Zˇirmunski] et Vinogradov. Quant aux influencés,
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il serait chimérique de prétendre en préciser le nombre. On peut n'être pas d'accord sur la valeur des idées du formalisme et des travaux de ses disciples, mais un fait est incontestable: leur influence est féconde et stimulatrice. Et cette influence est due à deux causes. L'une d'abord, plutôt d'ordre social : les jeunes ont porté leur doctrine des sanctuaires académiques dans la rue; leurs discussions ont mobilisé la jeunesse, réveillé l'intérêt pour les questions littéraires parmi de très nombreux lecteurs; le mot de «poétique», c'est-à-dire «doctrine de l'art poétique», si pédantesque il y a quelque vingt ans, est entré dans l'usage de l'enseignement, et la nouvelle génération est mieux préparée que ses aînées à juger en connaissance de cause des questions de littérature. D'autre part, — et c'est la seconde raison de l'influence du formalisme, les formalistes ont accompli une œuvre critique qui comptera : leur révision des idées transmises par la tradition a ranimé l'histoire littéraire et ramené les historiens à la littérature considérée en elle-même et pour elle-même. On sait maintenant qu'on ne peut négliger les éléments spécifiques de I'œuvre poétique sans tomber inévitablement dans des erreurs grossières. On sait que la constatation, la description et l'interprétation des faits sont susceptibles d'être conduites avec une précision méthodologique qui en garantit l'objectivité. La «poétique» — jadis domaine des sensations toutes subjectives, des impressions personnelles presque inconscientes et inexprimables autrement que par des formules d'admiration qualificatives — est devenue un objet d'études rationnelles, le problème concret de la science littéraire. Il n'est pas exagéré de dire, à voir les choses de haut et de loin, que le mouvement créé par le fomalisme n'est rien de moins, pour une large part, qu'un mouvement de renaissance de la philologie russe.

Leningrad, février 1927.  



[1] Cet article ne prétend point présenter un tableau complet des travaux concernant l'histoire de la littérature russe qui ont paru en Russie pendant ces dernières années. Seule, l’école dite formaliste, et plus particulièrement ses représentants de Leningrad, qui en constituent. le. groupe le plus actif, seront pris en considération. Cette école n’est pas une, mais il est permis de négliger les petites diversités dans un aperçu aussi sommaire que celui-ci pour insister surtout sur les idées plus ou moins communes à tous. On remarquera, d'autre part, que, l’évolution des conceptions littéraires au sein de la nouvelle école étant assez rapide, il serait difficile de fixer Ies idées du jour, et c'est pourquoi mon exposé aura un caractère essentiellement historique. Je n’ai pas cru nécessaire de délimiter la part de chacun dans la création et le développement de nos idées. Il va de soi que ce qui sera dit ici n'engage que moi-même, et non pas le groupe auquel j'appartiens.

[2] Opojaz n'a jamais été une société régulière possédant la liste de ses membres, un siège social, des statuts. Cependant, durant les années les plus laborieuses, elle avait un simulacre d'organisation sons la forme d'un bureau qui se composait du président Victor Šklovskij, de son adjoint Boris Eichenbaum et du secrétaire Jurij Tynjanov.

[3] La nouvelle école, à plusieurs points de vue, a fait son profit des idées de Potebnja et Veselovskij (voir, pour Veselovskij, l'étude de Kazanskij sur l'idée de la poétique historique dans le recueil Poètika, 1926; cf. l'exposé des idées de Veselovskij par Engelhardt dans son livre sur Veselovskij).

[4] Dans ses études du recueil Le Symbolisme (1910), Andrej BeIyj a, sous certains rapports, devancé les formalistes. Ses recherches sur le vers ïambique russe ont beaucoup influencé les travaux postérieurs. Sa notion d'esthétique expérimentale contenait un germe du formalisme. Cependant le système des idées de Beiyj n'a jamais été accepté par les formalistes, et ses dernières études (Glossolalie, etc.) ont été vivement attaquées par ceux même qui étaient sans doute ses élèves.

[5] On remarquera les titres des premières études publiées par Opojaz : Kak sdelana Šinel’ et Kak sdelan Don Kixot.

[6] La vieille école étudiait Ie rythme en dehors de sa réalisation. Le langage n'était que la matière neutre mise en creuset du principe musical, Notre effort se porta sur l'analyse des éléments constituant le vers et sur les phénomènes rythmiques. La poésie n'est pas la somme de certaines règles et du Iangage de la prose: elle est un langage sui generis, ayant ses lois propres, qui sont autres que celles du langage ordinaire; elle est née du langage même et participe essentiellement à la nature de la parole, mais elle est transformée par l'usage esthétique. Donc ce ne sont ni la musique ni quelque principe abstrait qui sous dévoileront le secret du vers : c'est l'art de parler.