Accueil | Cours | Recherche | Textes | Liens

Projet FNRS :

Epistémologie comparée du discours sur la langue en URSS (1917-1953).

Responsable : Patrick SERIOT

Assistants de recherche :

Elena SIMONATO KOKOCHKINA

Katja VELMEZOVA

Sébastien MORET

Descriptif du projet :


1. Résumé du plan de recherche

Cette recherche s'intègre dans le cadre général de l'histoire et de l'épistémologie de la linguistique soviétique et des pays slaves, sur lesquelles le requérant travaille depuis plusieurs années (séminaires de 2e et de 3e cycles, colloques et publications, cf. point 2.2.2.).
Il s'agit de vérifier l'hypothèse qu'en URSS le pouvoir politique a entretenu un rapport spécifique avec la langue, la représentation et le signe en général, et que l'étude de ce rapport est une clé pour la compréhension de ce pays. La période envisagée ici est 1917-1953, et le matériau est l'activité professionnelle des linguistes, ainsi que, de façon plus générale, le « discours sur la langue » de la part des non-linguistes. Dans ce dessein on s'attachera essentiellement au thème de la comparaison, sur deux plans :

• comparaison inter-culturelle avec la linguistique en Europe occidentale à la même époque:
la linguistique soviétique est-elle une branche particulière du savoir, comme on le prétendait à l'époque stalinienne, ou bien s'inscrit-elle dans le paradigme dominant des sciences du langage de l'Europe occidentale à la même époque?
• comparaison inter-disciplinaire :
quels sont les rapports entre l'activité linguistique en URSS et les autres domaines du savoir que sont l’histoire, la sociologie et la psychologie, domaines ultra-sensibles pour l’idéologie scientifique dominante (par exemple autour du couple individu / collectif, question–clé de la psychologie sociale) ?

Dans cette recherche sera introduite l’approche d’épistémologie comparée telle qu’elle a été développée dans les travaux et lors des séminaires de 3e cycle du CRECLECO (Centre de Recherches en Epistémologie Comparée de la Linguistique de l’Europe Centrale et Orientale, Lausanne) par le requérant à l’Université de Lausane.

On se propose ainsi d'étudier l'Union Soviétique de l'époque bolchévique et stalinienne à travers l'épistémologie d'une science humaine (la linguistique), avec un double but :
1) — apporter des éléments nouveaux à la connaissance de l'URSS en ce qui concerne le rapport langue / nation / Etat / société idéale, dans une perspective systématiquement comparative.
C'est précisément cette notion de comparaison et de comparabilité qui sera ici explorée dans ses fondements et ses développements pratiques, dans une remise en cause explicite et systématique du discours sur la "singularité absolue" de tout ce qui est russe. L'hypothèse est que la culture scientifique russe n'est ni radicalement autre ni rigoureusement identique à la culture scientifique d'Europe occidentale.
2) — élaborer des instruments d'analyse à partir d'un terrain qui semble bien connu : la linguistique soviétique des années 20-30 et 40-50, de façon à pouvoir faire une histoire des concepts et de leurs conditions d'émergence, tout en testant des grilles d'analyse déjà existantes (principalement l'épistémologie post-bachelardienne) sur un domaine auquel elles n'ont auparavant jamais été appliquées.

Il est particulièrement opportun d'entreprendre cette recherche sur une grande échelle maintenant que les archives soviétiques sont ouvertes et qu’une collaboration avec des chercheurs russes entamée depuis plusieurs années peut se concrétiser.
Quant à l'intérêt général de ce type de travail, il est lui aussi double :
- il permettra d'avoir une idée plus précise des enjeux identitaires de l'URSS bolchévique et stalinienne à travers les discussions sur la langue ;
- il permettra de jauger la valeur d'outils épistémologiques utilisés en philosophie des sciences et rarement appliqués jusqu'ici au terrain russe et soviétique, ne serait-ce qu'à cause du problème de la langue.

Mots-clés : URSS; linguistique; épistémologie; comparaison; langue / pouvoir / politique; langue / société; science / idéologie; stalinisme; rapport Est / Ouest; histoire des sciences.

2. Plan de recherche

2.1. Bref exposé de l'état de la recherche dans le domaine des travaux projetés, avec mention des principales publications y relatives dues à d'autres auteurs

Il existe un grand nombre d'études qui présentent de l'intérêt pour l'histoire et l'épistémologie de la linguistique soviétique de la période concernée.

a) Etudes sur l'histoire sociale de la science en URSS :
— ANWEILER O., RUFFMAN K-H. (ed.) : Kulturpolitik der Sowjetunion, Sturtggart : Kröner.
— FITZPATRICK S. (ed.) : Cultural revolution in Russia, 1928-1931, Bloomington, Ind., 1978.
— FORTESCUE S. : The Communist Party and Soviet Science, London : Macmillan, 1987.
— GRAHAM L. : Science, Philosophy and Human Behavior in the Soviet union, New York, 1987.
— GRAHAM L. : The Soviet Academy of Sciences and the Communist party, 1917-1932, Princeton : Princeton Univ. Press, 1967.
— KNEEN P. : Soviet Scientists and the State, London : Macmillan, 1984.
— KOL'COV A.V. : Razvitie Akademii nauk kak vysshego nauchnogo uchrezhdenia SSSR : 1926-1932, Leningrad : Nauka, 1982.
— KREMENTSOV N. : Stalinist Science, Princeton : Princeton Univ. Press, 1997.
— LAXTIN G.A. : Organizacija sovetskoj nauki : istorija i sovremennost', Moskva : Nauka, 1990.
— LUBRANO L.L.; SOLOMON S.G. : The Social Context of Soviet Science, Boulder, 1980.
— MEDVEDEV Zh.A. : Soviet Science, Oxford : Oxford UP, 1979.
— SHEEHAN Helena : Marxism and the Philosophy of Science, Atlantic Highlands : Humanities Press, 1985.
— TAGLIAGAMBE S. : Scienza, filosofia, politica in Unione sovietica, 1924-1939, Milano, 1978.
— VUCINICH Alexander : The Empire of Knowledge : The Academy od Sciences in the USSR (1917-1970), Berkeley : Univ. of California Press, 1984.

Ces travaux, en majorité anglo-saxons, ne sont pas à proprement parler des études épistémologiques, mais se présentent essentiellement comme une approche socio-politique de l'organisation du travail scientifique en URSS. Ils recherchent bien une spécificité de ce travail, mais pas une étude des concepts, plutôt des institutions de recherche et des rapports de forces dans le monde des scientifiques et leurs relations avec le pouvoir politique.

b) Etudes sur l'histoire de la linguistique soviétique pendant la période concernée:

— BORBE T. : Kritik der marxistischen Sprachtheorie N. Ja. Marrs, Scriptor, Kronberg, 1974.
— BRUCHE-SCHULZ G., Russische Sprachwissenschaft: Wissenschaft im historisch-politischen Prozess des vorsowjetischen und sowjetischen Russland, Niemeyer, Tübingen, 1984.
— CHYLINSKI E. : "Current Trends in Soviet Sociolinguistics", Acta Univ. Lundensis, Section 1, 30, 1979, pp. 67-78.
— FORMIGARI l. : Marxismo e teoria della lingua, Messina : La libra, 1973.
— GENTY C. : "Entre l'histoire et le mythe : E.D.Polivanov, 1891-1938", Cahiers du Monde russe et soviétique, XVIII (3), juil,-sept. 1977, pp. 275-303.
— GIRKE W.; JACHNOW H. : Sowjetische Soziolinguistik. Probleme und Genese, Scriptor, Kronberg, 1974.
— GIRKE W.; JACHNOW H. : Sprache und Gesellschaft in der Sowjetunion, Fink, München, 1975.
— KRAG H. : "Sprachphilosophie und sowietische Linguistik", Acta Univ. Lundensis, Section 1, 30, 1979, pp. 159-170.
— L'HERMITTE R. : Marr, Marrisme, Marristes: Science et perversion idéologique (Une page de l'histoire de la linguistique soviétique), Paris, IMSECO, 1987.
— PHILLIPS K. H. : Language Théories of the Early Soviet Period, Exeter Linguistie Studies, 1986.
— RIGOTTI E. : “La linguistica in Russia dagli inizi del secolo XIX ad oggi. III : Il ventennio critico della linguistica sovietica”, Rivista di filosofia neo-scolastica, 64, 4, 1972, p. 648-671.
—SAMUELIAN T.J. : The Search for a Marxist Linguistics in the Soviet Union, 1917- 1950 (dissertation), Univ. of Pennsylvania, 1981.
— SMITH M. : Langage and Power in the Creation of the USSR, 1917-1953, Berlin - New York : Mouton de Gruyter, 1998.

On doit ajouter un important article de 1929, de Jakobson portant sur la spécificité russe du travail scientifique en slavistique :

— JAKOBSON R. : "Über die heutigen Voraussetzungen der russischen Slavistik", Slavische Rundschau (Prague), repris dans R. JAKOBSON : Semiotik, Suhrkamp, Frankfurt am Mein, 1988, p. 50-70.

Tous ces travaux, pour la plupart faits aux Etats-Unis et en Allemagne, apportent un cadre historique de première importance pour le projet présenté, ainsi que des indications pour une comparaison entre la linguistique soviétique et les linguistiques d'Europe de l'Ouest dans les années 20-40.

c) Etudes soviétiques récentes sur ce domaine :

— ALPATOV V. : Istorija odnogo mifa. N. Ja. Marr i marrizm, Moscou, Nauka, 1991.
— ALPATOV V. : 150 jazykov i politika : 1917-2000, Moskva : KRAFT, 2000.
— CHIKOBAVA A. : 'Kogda i kak èto bylo?", Ezhegodnik iberijsko-kavkazskogo jazykoznanija, 12, 1985, pp. 9-23.
— GORBANEVSKIJ M.V. : V nachale bylo slovo, Moscou, 1991.
— SHIROKOV O.S. : "Suschestvovala li sovetskaja nauka o jazyke?", Vestnik MGU, 4, 1990, p. 59-63.
— XUXUNI G.T. : “Problema jazykovoj èvoljucii v osveschenii russkix lingvistov konca XIX – nachala XX veka (vopros o “zvukovyx zakonax”), Vestnik LGU, serija 2, fasc. 2, p. 68-71.

Ces travaux récents ont l'avantage d'apporter des détails inconnus, provenant des archives nouvellement mises à la disposition du public, mais sont de nature "essayiste" et sont plus une quête exhaustive de la mémoire historique qu'un travail sur les concepts et leurs conditions de production.

d) Travaux sur la culture et les arts, touchant parfois au domaine en question:

— CHAMPARNAUD F. : Révolution et contre-révolution culturelle en URSS, Paris, Anthropos, 1975.
— GUNTHER H. (éd) : The culture of the Stalin period, London, 1990
— PAPERNYJ V. : Kul'tura dva, Ardis, Ann Arbor, 1985.
— ROBIN R. : Le réalisme socialiste. Une esthétique impossible, Paris, 1986.

On trouve dans ces analyses de type discursif ou sémiotique des indications éparses intéressantes sur le rapport entre la science et l'idéologie ou sur la circulation d'un certain nombre de concepts scientifiques. Des modèles d'analyse y sont proposés. Mais on n'y trouve pas d'analyse systématique de la linguistique et du travail sur la langue en URSS.

e) Travaux sur l'histoire des sciences et l'épistémologie, ainsi que sur la notion de comparaison :

— BACHELARD G. : Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 1984.
— DETIENNE M. : Comparer l'incomparable, Paris : Seuil, 2000.
— FICHANT M.; PECHEUX M. : Sur l'histoire des sciences, Paris, Maspero, 1969.
— FOUCAULT M. : L'archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
— FOUCAULT M. : Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
— KUHN T. : La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983.

Ces travaux fournissent des instruments d'analyse du plus haut intérêt. Il s'agira dans le projet d'en vérifier l'applicabilité à un domaine que leurs auteurs n'ont jamais exploré : la Russie et l'URSS. On pourra alors mesurer l'éventuel effet en retour de ce domaine nouveau sur ces instruments et ces concepts.


2.2. – Bref exposé de l'état des recherches effectuées par les requérants dans le domaine des travaux projetés, avec mention de leurs principales publications y relatives

Le requérant travaille depuis une quinzaine d'années sur l'histoire et l'épistémologie de la linguistique soviétique et sur la possibilité de connaître l'Union Soviétique par le biais du rapport à la langue, dans une démarche qu'il appelle “épistémologie comparée”. L'enjeu est d'élaborer des instruments de connaissance de la Russie et de l'Europe de l'Est par leur culture scientifique, dans une perspective comparative avec l'Europe de l'Ouest. L'opposition monde romain / monde byzantin est une composante importante de cette recherche.
Il s'agit ainsi d'une interrogation sur la place de la Russie dans l'Europe, ainsi qu'une tentative de définition de l'Europe par l'étude comparée du travail des linguistes.

2.3. – Plan de recherche détaillé

Introduction

L'Union Soviétique est le seul pays qui, à notre connaissance, ait fait (dans les années trente) fusiller ses linguistes pour leur définition de la langue (Polivanov, Drezen, etc.). Il y a ainsi quelque chose qui dérangeait le pouvoir politique dans un certain travail scientifique sur la langue, et c'est ce que le présent projet se propose d'examiner et de rendre explicite.

Il s'agit de mettre au jour le rapport particulier que la Russie, puis surtout l'URSS a entretenu avec une réflexion et une pratique sur la langue, le signe et la représentation en général. L'enjeu de cette recherche est double : il faut

1) apporter des éléments nouveaux à la connaissance d'un pays (l'URSS) par l'épistémologie d'une de ses sciences humaines (la linguistique) et, de façon générale, aborder une étude des différentes approches de la langue dans les années 20 à 53 en URSS de la part des hommes politiques et des journalistes (discours sur le purisme en langue souvent mis en parallèle avec celui sur l'orthodoxie politique), des écrivains (discours sur l'accessibilité de la langue au peuple) ou enfin dans ce qu'on pourrait appeler la "linguistique populaire" (idées reçues sur la langue dans une société totalitaire, imaginaire de la langue dans l'identification à un idéal d'abord internationaliste, dans les années 20, puis ultra-nationaliste, dans les années 30 et 40), dans leur succession, leur coexistence temporelle et leurs contradictions;

2) pour ce faire, élaborer des instruments d'analyse utilisables pour un domaine qui est, certes, déjà bien exploré par une réflexion sur l'histoire des sciences mais peu dans l’optique d'analyse de discours telle qu’elle a été pratiquée par exemple par M. Pêcheux, ainsi que des méthodes et des instruments de comparaison. Les notions de base qui seront travaillées sont celle de "discours sur la langue" et de "contraintes discursives", c'est-à-dire l'ensemble des conditions d'apparition d'un discours, qu'elles soient de nature idéologique, politique, sociale, scientifique (filiation dans l'élaboration des concepts), locale (spécificité du rapport à la langue en Russie), ou, plus généralement, historique (que pouvait-on dire ou ne pas dire sur la langue dans l'Europe des années 1917 à 53 du XXe siècle?).

- Spécificité du projet : approche comparée en histoire des sciences, concepts d’"air du temps" et d’"air du lieu".

De nombreuses recherches ont été menées, essentiellement aux Etats-Unis et en Allemagne, qui donnent un cadre extrêmement précieux pour ce projet, qui va se concentrer sur le problème des rapports externes du discours soviétique sur la langue (échange de notions avec les linguistiques européennes de l'époque) d’un côté et de son organisation interne (le changement de paradigmes), de l’autre.

Notre projet entend d'abord explorer un rapport externe : ce qu'on pourrait appeler "l'air du temps" de l'époque et non seulement l’«air du lieu ». Par exemple, Staline dans son travail de 1913 sur "Le marxisme et la question nationale" donne une définition du rapport entre langue et nation que l'on va retrouver presque à l'identique chez le linguiste français Meillet en 1918 dans "Les langues et l’Europe nouvelle". D'un autre côté le prince russe émigré N.S. Troubetzkoy, l'un des plus grands linguistes de la première moitié du XXe siècle, traite aussi du lien entre la langue et la nation en des termes très proches de ceux de Staline et Meillet.

Il y a donc un "air du temps", que nous définirons comme un discours épistémologiquement licite sur ce qui peut et doit être dit sur l'objet langue à cette époque. C'est cet "air du temps" qui permet de voir les liens paradoxaux qui unissent la linguistique soviétique des années trente avec, par exemple, le Cercle linguistique de Prague, peuplé de linguistes qui ont fui l'Union Soviétique pour des raisons idéologiques.

Quant à l’"air du lieu", il convient de faire la part des contraintes locales, anthropologiques et historiques (le "fond culturel russe" dans toute son hétérogénéité contradictoire), des conditions politico-idéologiques de production des différents discours sur la langue en URSS (aussi bien chez les linguistes que chez les écrivains ou les hommes politiques). Ces contraintes locales permettent d'expliquer, par exemple, que les travaux "eurasistes" d'émigrés russes comme Trubetzkoy et Jakobson au début des années trente aient de nombreux points d'accord avec une politique linguistique de plus en plus ouvertement unificatrice en URSS à la même époque (cf. la théorie de la "fusion des langues", mentionnée par Staline au XVIe Congrès du Parti communiste en 1930, dans le cadre de la "construction du socialisme dans un seul pays"), qui a de nombreux points communs avec la théorie de “ l’union des langues ” chez les linguistes russes émigrés à Prague.

Il s'agira ainsi d'appliquer strictement une démarche épistémologique, et non une démarche politologique.

C'est dans cette perspective que l'on se propose de traiter précisément le problème de la comparabilité, refusant de se couler dans les facilités du discours néo-slavophile autant que marxiste-léniniste d'une “singularité absolue” de la science du langage en Russie-URSS.
L’enjeu de ce travail n'est pas de dresser une vaste fresque historique du «discours soviétique sur la langue» de 1917 à 1953, mais de répondre à une question précise : dans quelle mesure le travail sur la langue en URSS est-il spécifique d'une «culture scientifique» particulière, ou bien s'inscrit-il dans le mouvement général des idées linguistiques de son époque. Autrement dit : la linguistique soviétique est-elle épistémologiquement différente de la linguistique des pays d'Europe occidentale dans la période concernée? La question de la “linguistique marxiste”, en particulier, sera examinée dans son rapport paradoxal aux thèmes de la vision humboldtienne des langues, à la fois officiellement niés et néanmoins présents dans la période concernée et en Russie post-soviétique.

- Corpus

Le travail s'appuiera sur un corpus important, dont une grande partie est déjà disponible à la suite de plusieurs séjours que le requérant a effectués en URSS, sous forme de photocopies des principaux documents (monographies et revues) de linguistique dans l'URSS des années 20 à 53, mais aussi des discours politiques, des recommandations des écrivains pour l'écriture "prolétarienne", des articles de journaux sur le rapport entre la pureté de la langue et l'orthodoxie politique, et des romans de science-fiction qui font intervenir une réflexion sur la langue.

Liste des revues et publications dont certains numéros sont déjà disponibles, à étudier in-extenso

• Pechat' i revoljucija (La presse et la révolution)
• LEF
• Izvestija otdelenija russkogo jazyka i slovesnosti Rossijskoj Akademii Nauk (Bulletin du département de langue et littérature russes de l’Académie des Sciences)
• Bulleten' CK SESS [Central'nogo komiteta Sojuza Esperantistov sovetskix stran] (Bulletin du Comité Central de l’Union des erpérantistes des pays soviétiques)
• Nauchnye izvestija Akademi©eskogo centra Narkomprosa (Bulletin scientifique du Centre académique de la Commission populaire pour l’éducation)
• Jafeticheskij sbornik (Recueil japhétique)
• Russkaja rech' (Langue russe)
• ZhÍurnalist (Journaliste)
• Jazyk i literatura (Langue et littérature)
• Jazyk i myshlenie (Langage et pensée)
• Uchenye zapiski RANION. Lingvisticheskaja serija ( Notes scientifiques de la RANION, Série linguistique)
• Kul'tura i pis'mennost' Vostoka (Culture et écriture de l’Orient)
• Mezhdunarodnyj jazyk (La langue internationale)
• Russkij jazyk v sovetskoj shkole (Langue russe à l’école soviétique)
• Russkij jazyk v shkole (Langue russe à l’école)
• Varnitso
• Literaturnaja ucheba (Formation littéraire)
• Prosveschenie nacional'nostej (Education des nationalités)
• Revoljucija i jazyk (Révolution et langue)
• Revoljucija i pis'mennost' (Révolution et écriture)
• Jazykovedenie i materializm (Science du langage et matérialisme)
• Sovetskoe jazykoznanie (Linguistique soviétique)

Une partie de ces documents sont déjà scannés et disponibles sur le site Internet du CRECLECO (www.slav.unil.ch/ling).

Il est prévu de scanner les textes qui nous paraissent les plus importants et de les mettre à disposition sur le site Internet de la section de langues slaves de l'Université de Lausanne, avec des moteurs de recherche appropriés, pour que la communauté scientifique toute entière puisse avoir accès à des sources importantes mais actuellement très difficilement accessibles.

- Thématique

a) Conditions de production du discours soviétique sur la langue dans les années 20 à 53 (dorénavant "DSL").
Plusieurs points sont à élucider, qui ont tous trait aux liens paradoxaux qu'entretient le DSL avec des traditions culturelles qui lui sont, a priori, étrangères.

• Le DSL revendique une continuité sans faille avec la linguistique historique européenne du XIXe siècle ? Pourquoi alors l"'historicisme" est-il considéré comme critère de scientificité ?
• Les notions de "langue littéraire" et de "styles fonctionnels" élaborées au Cercle linguistique de Prague ont été reprises sans modifications par le DSL, alors même que celui-ci revendiquait clairement une opposition résolue au structuralisme.
• Les études sur la relation entre la langue et la pensée (Me&Mac183;aninov, par exemple, dans les années 30 et 40) sont très proches de l'ethno-linguistique américaine (Sapir et Whorf), non par les postulats de départ, qui sont antithétiques, mais par la façon même de poser les problèmes, ce qui est conditionné par leur appartenance au même “ air du temps ”.
• Le discours non marriste sur la langue des années trente (qu'on trouve, par exemple, dans les recommandations d'un écrivain comme M. Gorki aux écrivains débutants) est proche de la "linguistique slavophile" des années 1860-1880 en Russie, elle-même fortement marquée par l'interprétation russe du romantisme allemand (Herder d'une part, Schelling de l'autre), tout en revendiquant une philosophie de l'histoire de type hégélien.
• Des internationalistes comme les espérantistes soviétiques des années 20 et du début des années 30 ont la même fascination pour les structures des langues agglutinantes qu'un nationaliste comme Troubetzkoy.

b) Malgré les apparences, le DSL n'est ni homogène ni unanimiste. Il faut donc dégager d'une part la coexistence synchronique de différents types de "discours sur la langue", d'autre part les ruptures diachroniques. En particulier il faut déterminer si la grande coupure idéologico-politique de la fin des années 20 - début des années 30 (patente pour l'architecture et l'urbanisme, par exemple, ainsi que pour l'historiographie) se remarque dans le travail sur la langue. À première vue, il semble que oui, bien que, et c'est un autre paradoxe, cela soit vrai plus au plan institutionnel (répartition du pouvoir au sein des instituts de recherche) qu'au niveau des concepts. Mais alors pourquoi une vision du monde si représentative des années 20, le marrisme, se serait-elle maintenue jusqu'en 1950?
Si l'on peut construire une périodisation des différents "discours épistémologiquement licites" sur la langue à cette époque, est-il possible de la mettre en regard des événements politiques, des productions artistiques, des changements d'orientation idéologique en URSS ?

c) Y a-t-il continuité de la production de connaissances dans le travail sur la langue dans l'URSS des années 20, 30 et 40-50, en dépit de l'emprise de l'idéologie officielle sur le travail scientifique?

Car il y a là un autre paradoxe : il semble que le domaine le plus fécond de la linguistique soviétique de l’après-guerre, les recherches en typologie, proviennent directement du travail des marristes (Meß©aninov en particulier), et non des anti-marristes comme Vinogradov.

Notre projet entend travailler dans le cadre de l’“épistémologie comparée ” pour laquelle est fondamentale l'interrogation sur la coexistence temporelle de cultures scientifiques spatialement séparées, dans le domaine des sciences humaines.


- Buts poursuivis

1) Pouvoir aborder l'histoire à la fois politique et intellectuelle de l'Union Soviétique par l'étude de son rapport à la langue, à la représentation et au signe. Il ne s'agit pas de se substituer aux historiens, soviétologues et politologues, mais d'élaborer un nouveau modèle d'analyse d'un aspect spécifique de l'URSS. L'intérêt de ce type de travail est particulièrement actuel au moment où l’URSS s'est disloquée et où le problème des langues et des nationalités est une des clés pour entrevoir l'évolution de l'Europe Centrale et Orientale en général. Il devrait permettre de mieux cerner la composante linguistique dans le problème de l'identité culturelle et nationale (l'enjeu des représentations sur la langue dans le discours des revendications nationales, par exemple).

2) Élaborer et tester des instruments d'analyse épistémologique capables de rendre compte de la spécificité du domaine.
On peut songer aux "paradigmes" de Kuhn (mais ils sont orientés essentiellement sur une sociologie de la science ayant peu en commun avec les conditions du travail scientifique en URSS), aux "épistémès" de M. Foucault (qui n'ont jamais été testées sur la science en URSS). Les "formations discursives" de M. Pêcheux semblent a priori mieux à même de rendre compte de la cohabitation conflictuelle de types de discours incompatibles, de déplacements de concepts et de thèmes, de circulation de savoirs et de thèmes dominants, de reconfiguration incessante des différentes sciences et de leurs frontières (par exemple : linguistique et sociologie, linguistique et anthropologie, linguistique et histoire). Mais la notion bachelardienne de "coupure épistémologique" sur laquelle reposait le travail de M. Pêcheux semble parfaitement inopérante dans ce cas particulier, les différentes tendances du DSL revendiquant explicitement un continuisme avec la science du XIXe siècle.
On essaiera alors de donner des éléments pour la construction d'un autre objet que les paradigmes ou les épistémès, qui permettront de rendre compte de la spécificité de ce discours sur la langue dans ses multiples facettes.

- Perspectives futures

L’intérêt de ce travail est que les instruments de recherche élaborés sur la période 1917-1953 pourront être utilisés comme base de données à une recherche sur l’URSS brejnévienne et sur les sociétés de l’Europe de l’Est à l’heure actuelle, travail qui pourrait intéresser les sociologues, historiens, historiens des sciences et spécialistes des sciences politiques, ainsi que l’ensemble des slavistes.

En effet, la slavistique en Europe Occidentale est souvent confinée à l’étude de la littérature et de la grammaire. On pourrait grâce à cette perspective définir un nouveau champ d’études en slavistique permettant de jeter un regard nouveau sur la Russie et l’Europe Centrale et Orientale en général.


- Répartition du travail

Le travail doit être réparti entre quatre personnes :

- Le requérant, prof. P. SERIOT, prend la responsabilité scientifique de l'animation du groupe et de la rédaction de l'ouvrage final.

- Sébastien Moret est titulaire d'une licence en Lettres de l'Université de Lausanne (histoire, russe et français) et a fait son mémoire de licence en histoire et en russe sous la co-direction des Professeurs P. Sériot et F. Jequier. Dans ce mémoire consacré au mouvement eurasiste ont été abordées non seulement l'histoire et l'idéologie du mouvement, mais également l'épistémologie du discours eurasiste sur la science. Sa thèse, dirigée par le Professeur Sériot, traitera des rapports entre les linguistes et l'idée de nation à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Depuis la fin de ses études, il participe aux séminaires de Troisième Cycle de la Section de langues slaves de l'Université de Lausanne et, cette année, au Troisième Cycle des Lettres romandes sur les langues artificielles. Sa participation au projet s'inscrit dans la volonté d'un travail interdisciplinaire.

Ses apports au projet proposé porteront sur plusieurs points.

De par sa formation d'historien, il se chargera de rendre compte de l'"air du temps" de la période concernée, de faire ressortir le contexte de production des différents discours sur la langue. À travers son mémoire de licence, il a déjà travaillé dans ce sens sur la période de l'entre-deux-guerres. Il collaborera également à l'explicitation de l'"air du lieu" des deux zones de comparaison retenues pour la recherche.
Il s'occupera aussi du lien entre le discours sur la langue et les idéologies et se demandera en quoi le discours sur la langue peut être teinté d'idéologie et comment cette dernière peut influencer le discours sur la langue et le travail des linguistes. Il s'agira par exemple de voir si la coupure idéologique dans l'URSS du tournant des années 1920-1930 est perceptible également en linguistique et dans le DSL (Cf. Sériot 1995c), tout en se demandant si un lien entre les discours sur la langue et les idéologies a aussi existé en Europe occidentale. De ce point de vue, l'étude de la problématique des langues artificielles et internationales en URSS est pertinente ; alors que la promotion de l'espéranto prolétarien durant les années 1920 est caractéristique du paradigme idéologique soviétique de ces années-là, sa répression lors de la décennie suivante a aussi à voir avec le changement d'idéologie dans l'Union Soviétique des années 1930. Dans cette même perspective du lien entre le discours sur la langue et les idéologies, Sébastien Moret se consacrera aux écrits des linguistes anarchistes, parmi lesquels on peut citer Gordin. Par ailleurs, le rapport entre la typologie des langues et les idéologies sera aussi étudié.

Il travaillera également sur le thème langue/nation. La période retenue pour la recherche lui permettra par exemple de comparer les discours sur le lien entre langue et nation et les façons dont ils ont été mis en pratique. En effet, pendant que l'Europe de Versailles s'occupe, après la disparition des empires, de redessiner les frontières, aidée en cela par certains linguistes, Lénine se trouve confronté à la question de la nature et de l'avenir des nationalités de l'URSS, ce que H. Carrère-d'Encausse appelle le "grand défi". Cette thématique lui permettra également de traiter des politiques linguistiques, toujours selon une approche comparative.

Lors de son séjour à Moscou, Sébastien Moret travaillera dans les Archives de l'Académie des Sciences, ainsi que dans celles des sociétés anarchistes. Sur place, il rencontrera, entre autres, S. Kuznecov de l'Université Lomonossov, spécialiste des langues artificielles et de la linguistique anarchiste.
En Suisse, Sébastien Moret travaillera également dans les Archives du Centre de Documentation et d'Etude sur la Langue Internationale (CDELI), qui se trouve à la Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds.

Il préparera les fiches thématiques relatives aux sujets traités ; à savoir, entre autres, l'idée de nation ou les politiques linguistiques, les langues artificielles et internationales, les typologies des langues, les linguistes anarchistes,.
Les développements des sujets traités feront l'objet d'articles publiés au cours des trois années du projet.

- Elena Kokochkina, doctorante, arrive au terme de la préparation de sa thèse de doctorat sous la direction du prof. P. Sériot. Son doctorat s’inscrit dans le programme de recherches en épistémologie comparée et s’intitule “ La “ syntaxe psychologique ” de D.N. Ovsjaniko-Kulikovskij (1853-1920, Russie) : “ air du temps ” et “ air du lieu ” d’une conception linguistique. Essai d’épistémologie comparée ”.
Dans sa recherche, l’approche élaborée par P. Sériot est employée pour l’analyse d’une conception linguistique. Ce travail vise un double objectif, à savoir rapporter une théorie linguistique à ses conditions historiques de production, d’une part, et de l’autre, évaluer les interactions existant entre les théories voisines.
L’idée générale de la thèse consiste à montrer comment la conception analysée à la fois s’inscrit dans le mouvement général des idées et les éclaire à sa manière, et a l’avantage de ne pas dépasser l’opposition entre histoire interne et histoire externe de la linguistique, mais de les faire jouer ensemble, en les renvoyant constamment l’une à l’autre.
À travers l’analyse des documents inédits, d’écrits de linguistes, il s’agit à l’intérieur de la théorie, de dégager les incohérences et les contradictions pour voir comment ils sont organisés dans un type de discours.
Les concepts d’“ air du temps ” et “ air du lieu ” servent de paramètres d’analyse qui apportent une dimension explicative, à la place de descriptive dominant dans les ouvrages sur l’histoire de la linguistique.

Elena Kokochkina participe régulièrement aux séminaires de 3e cycle à la Section des langues slaves, aux séminaires de 3e cycle de lettres, ainsi qu’aux conférences dans les universités suisses ainsi qu’à l’étranger (en Russie, Italie, Espagne, France). Elle est membre de la SHESL (Société d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences du langage, Paris), de l’ILSL (Institut de Linguistique et des Sciences du Langage) et de la Société Académique Vaudoise (Lausanne).

Liste des publications :
1) (1999) : “ Présentation de la thèse de doctorat “ D.N. Ovsjaniko-Kulikovskij dans la tradition linguistique européenne ” (pour le 80me anniversaire de sa mort ”), Slavodka n° 10, Lausanne, p. 41-60.
2) (2000)a) : “ Les propositions impersonnelles vues par les représentants du courant psychologique : A.A. Potebnja et D.N. Ovsjaniko-Kulikovskij ”, Le paradoxe du sujet. Les propositions impersonnelles dans les langues slaves et romanes, P. Sériot et A. Berendonner (éds.), Cahiers de l’Institut de Linguistique et des Sciences du Langage, n° 12 2000, Lausanne, p. 113-135.
3) (2000)b) : “ De Humboldt à Potebnja : évolution de la notion de “ forme interne ” dans la linguistique russe ”, Cahiers Ferdinand de Saussure n° 53, Genève, p. 101-122.
4) (2001)a): “ Ideologia e politica linguistica : il caso dell’Unione Sovietica ”, Alpes Europa. Neves enrescides soziolinguistiches tl Europa/ Nuove ricerche sociolinguistiche per l’Europa/ Neue soziolinguistische Forschungen in Europa, Bonn : Asgard (collana Plurilingua) [Les problèmes sociolinguistiques dans le cadre de la politique linguistique : le cas de l’Union Soviétique] (à paraître)
5) (2001)b): “ Une phonologie à base psychologique ? (Les conceptions de Baudouin de Courtenay et de &Mac222;©erba) ”, Cahiers Ferdinand de Saussure n° 54, Genève. (à paraître)
6) (2001)c) : “ Grammaire comme “ vision du monde ” : évolution des langues romanes dans la conception de D.N. Ovsjaniko-Kulikovskij (1853-1920, Russie), XXIII Congreso International de Lingüística Románica, Actas des Congreso, Salamanca. (à paraître)
Une recherche sur un plus grand corpus lui permettrait de poursuivre l’évolution ultérieure des théories abordées dans sa thèse de doctorat qui englobe la période d’avant les années 1920 d’une part et d’appréhender plusieurs courants linguistiques à la fois, de l’autre.

Elle s’occupera en particulier du thème des rapports entre la langue et la pensée et des théories linguistiques et psychologiques où ces questions sont discutées.

Cette recherche vise l’interdisciplinarité dans la mesure où à cette époque, on peut parler de la persistance du “ paradigme psychologique ” qui englobe plusieurs sciences, à savoir la linguistique, la littérature, l’économie et le droit.
Il s’agit d’aborder en premier lieu les différentes interprétations du terme de “ psychologique ” dans l’“ air du temps ” de l’époque pour les relier avec l’évolution de la psychologie expérimentale en URSS et en Europe Occidentale.
Il faudra ensuite, dans le contexte de l’“ air du lieu ”, voir les applications pratiques des résultats obtenus par les psychologues (Pavlov et Lurija en particulier) et leur “ détournement ” dans le discours sur la science, ainsi que leurs liens avec les psychologues à l’étranger cessant dans les années 1930. D’autre part, il faudra étudier les liens entre les théories de réflexe de Pavlov et la théorie du dialogue de Jakubinskij qui s’inspirait des recherches en phonétique effectuées par ·ãerba, phonologue.
Troisièmement, en phonétique expérimentale élaborée par L.V. ·ãerba, sera analysé le rôle de ·ãerba et de Jakovlev, travaillant à Léningrad, dans la création des alphabets pour les peuples de l’URSS.
Cette troisième question amènera à appréhender le destin de l’Ecole de Léningrad dans l’“ air du lieu ” et à s’arrêter notamment sur les raisons et les conséquences de l’isolement de l’école de Léningrad au sein de la “ communauté scientifique ” en URSS après la mort de Marr. Cette étude se fondera sur les documents inédits des archives de la Bibliothèque de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg et sur les témoignages des élèves de Scherba.
Quatrièmement, sera considéré le poids des théories psychologiques en littérature, en théorie poétique en particulier et en critique littéraire de l’école de Xar’kov (le courant appelé “ psychologie de la création ”), ainsi que le développement par les poètes «symbolistes» de la théorie de l’image avancée par Potebnja.

La comparaison constante avec le travail des scientifiques dans les autres pays qui applique l’approche d’épistémologie comparée permettra de découvrir la spécificité de la production scientifique en URSS dans les domaines abordés.

Lors de son séjour à Saint-Pétersbourg, Mlle Kokochkina travaillera dans les archives de l’Académie des Sciences à Saint-Pétersbourg, à la Bibliothèque Publique, ainsi que dans les archives de l’université de Saint-Pétersbourg et dans ceux de l’Institut de Physiologie Pavlov.
Elle préparera les fiches thématiques sur la psychologie expérimentale, la physiologie, la phonétique de l’école de Léningrad et les linguistes qui ont travaillé avec ·ãerba, l’activité du Comité pour le Nouvel Alphabet, la théorie littéraire et poétique de l’école de Xar’kov et l’art théâtral, qui seront organisés par auteur et par sujet.

Elle rencontrera les spécialistes en histoire des sciences travaillant à l’Académie des Sciences à Saint-Pétersbourg et notamment à l’Institut de Linguistique de l’Académie des Sciences (N.N. Kazanskij, L.G. Guerzenberg), ainsi qu’à l’université de Saint-Pétersbourg (V.B. Kassevich, K.D. Dolinin, V.V. Kolesov, M.V. Gordina, G.A. Beljakova, G.A. Scherba).
Les questions citées ci-dessus seront développées dans les articles que Mlle Kokochkina planifie du publier au cours des trois années et les communications aux séminaires du 3e cycle du CRECLECO.
Elle compte également présenter les résultats intermédiaires de son travail aux réunions de la Section de linguistique générale de l’université de Saint-Pétersbourg et à la Section des langues slaves et à l’Institut de Linguistique et des Sciences du Langage à l’université de Lausanne.


- Ekaterina Velmezova, doctorante. Titulaire d'une thèse de “kandidat” à l'Institut de slavistique de l'Académie des sciences à Moscou (janvier 2000), elle prépare à Lausanne une thèse de doctorat sur “Marr et Lévy-Bruhl”. Elle a déjà publié plusieurs articles :
— 2000 : “Les structures impersonnelles dans les théories de N.Marr et I. Mescaninov : de l'évolutionnisme à la typologie”, , in P.Sériot et A. Berrendonner (éds) : Le paradoxe du sujet. Les propositions impersonnelles dans les langues slaves et romanes, Cahiers de l'ILSL, 12, Lausanne, p. 269-280.
— 2000 : “Du côté de von Humboldt? Une page d'histoire des recherches ethnolinguistiques en Russie, Cahiers F. de Saussure, 53, Genève, p. 123-132.
Elle s'occupera des rapports entre linguistique d'une part et anthropologie et biologie d'autre part.




- Diffusion des résultats

• Une partie des résultats doit être consigné dans un numéro spécial de la revue Cahiers de l'ILSL (Lausanne) en 2003.

• L'aboutissement de ce projet sera un livre faisant la synthèse des résultats obtenus, qui sera édité avec le concours de l'Institut de linguistique et des sciences du langage de l'Université de Lausanne, aux Editions Payot (Lausanne).

• Mise à disposition du public de la base de données sur le site web du CRECLECO.

• Organisation d’un colloque pour présenter publiquement les enjeux du projet et de confronter les hypothèses et les méthodes de travail avec celles des spécialistes du thème du projet. Ce colloque doit se dérouler à la fin de la deuxième année. Il a pour but de confronter les hypothèses et les méthodes de travail avec celles de spécialistes du thème du projet. Il est conçu comme une étape marquante du déroulement du travail.

2.4.– Déroulement du projet

Le projet est prévu pour être accompli en trois ans.

• La première année sera consacrée à une mise en ordre de toutes les données à disposition et à leur traitement informatique (fiches thématiques en particulier, travail sur scanner, constitution d’une base de données). Trois séjours des assistants de recherche à Moscou et Saint- Pétersbourg doivent permettre de compléter les données existantes.
Les correspondants moscovites et pétersbourgeois du prof. Sériot garantissent l'accès à l'infrastructure et aux archives de l'Institut de linguistique de l'Académie des sciences de Moscou et Saint-Pétersbourg, ainsi que des consultations accordées aux doctorants. Il est très important que les doctorants puissent se familiariser avec les milieux scientifiques russes, et les conditions du travail sur archive en Russie.
• La deuxième année sera consacrée à la vérification des hypothèses et à la mise en place des modèles d'analyse.
Compilation des fiches thématiques. Étude du matériau. Construction de la base de données qui se présentera comme une synthèse des travaux entreprise, dont la diversité prendra forme dans la problématique commune de l’épistémologie comparée.
Préparation d’une intervention au colloque. Ces interventions sont prévues comme versions préparatoires des contributions à l’ouvrage final.
• La troisième année sera consacrée à la rédaction finale du livre, qui se présentera comme une synthèse des travaux entrepris, dont la diversité prendra forme dans la perspective commune de l’épistémologie comparée. Ce livre sera publié aux éditions Payot Lausanne.


2.5. Importance des travaux projetés

L'intérêt scientifique de ce projet est double : il s'agit de tester l'applicabilité de concepts épistémologiques à un matériau qui jusqu'alors n'avait jamais été abordé du point de vue de l'épistémologie comparée, mais aussi de pouvoir aborder l'ex-URSS par une voie qui, elle non plus, n'a guère été explorée.

L'enjeu de ce travail dépasse ainsi le strict cadre de la linguistique, de l'épistémologie et de la soviétologie : il devrait amener à trouver des cadres de comparaison entre les mouvements identitaires qui se font jour en Europe de l'Est comme en Europe de l'Ouest, et contribuer à une meilleure connaissance du rapport entre l'identité collective et une réflexion sur la langue.


2.6. Collaboration internationale:

• Université de Moscou :Prof. S.KUZNECOV
• Institut de slavistique de l'Académie des sciences (Moscou) : Prof. T.M. NIKOLAEVA
• Université de Saint-Petersbourg : Prof. K.A. DOLININ