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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- E. Drezen : « Uchenie Lenina v praktike dvizhenija za mezhdunarodnyj Jazyk », Mezhdunarodnyj Jazyk, 1933, N°1, pp. 20-25.

La revue Mezhdunarodnyj Jazyk est l’organe officiel de la SEU, l’union des espérantistes soviétiques. Durant une grande partie des années 1920, l’espéranto reçut, de la part du gouvernement soviétique, un soutien certain : pour beaucoup de cadres dirigeants, la langue de Zamenhof devait servir de lien entre les camarades du monde entier. Et la correspondance en espéranto avec des travailleurs de l’étranger était largement souhaitée officiellement. Vers la fin des années 1920, avec le début de la période paranoïaque de Staline, un vent mauvais se mit à souffler : on en vint à accuser les correspondances en espéranto de véhiculer vers l’étranger soit des informations fausses et calomnieuses sur l’URSS, soit des informations véridiques, mais estampillées « secret-défense ». Dans cette atmosphère particulière où de nombreux soupçons pèsent sur l’espéranto, la revue Mezhdunarodnyj Jazyk tente de rassurer tout le monde, et surtout Staline, en publiant plusieurs articles démontrant que les espérantistes ne sont pas des espions et qu’ils peuvent contribuer à la révolution. L’article de Drezen intitulé « L’enseignement de Lénine dans la pratique du mouvement pour une langue internationale » en fait partie.

Même si Lénine n’a jamais pris position sur le mouvement pour une langue internationale, cela ne signifie pas qu’il avait des a priori négatifs à ce sujet, comme certains ont voulu le faire croire. Et Drezen de justifier les idées et les activités des espérantistes soviétiques en puisant dans les œuvres de Lénine. Ainsi, à ceux qui font des espérantistes des rêveurs totalement déconnectés de la réalité, Drezen répond en citant un passage de Chto delat’ ? où Lénine dit que « le fossé entre le rêve et la réalité n’est pas nocif, tant que le rêveur croit à ce qu’il rêve, [tant qu’il] travaille en conscience à la réalisation de son rêve » (page 20).

Pour justifier le choix de l’espéranto, qui est une langue neutre, comme langue internationale, Drezen cite un extrait du Gauchisme, maladie infantile du communisme où Lénine repousse toute hégémonie nationale ou linguistique (page 21).

Par la suite, Drezen donnera, au mouvement espérantiste soviétique, des conseils pour pouvoir collaborer efficacement avec le mouvement révolutionnaire du pays : être discipliné et posséder une théorie révolutionnaire sans laquelle il ne peut pas avoir de pratique véritablement révolutionnaire (pages 23-24).

En conclusion, Drezen appelle tous les espérantistes soviétiques à connaître les œuvres de Lénine et les utiliser. «L’organisation des espérantistes prolétariens doit servir de détachement auxiliaire au Parti. Cette organisation espérantiste doit se battre pour réaliser l’idée du Parti. Pour réussir dans cette tâche, les espérantistes doivent assimiler totalement l’enseignement marxiste-léniniste et l’utiliser dans ses actions quotidiennes » (page 25).


[Sébastien Moret]



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