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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- ЛУРИЯ А.Р. : «Психоанализ как система монистической психологии», в кн.: Психология и марксизм
. Под ред. К.Н.Корнилова. Л., 1925. cтр. 47-80.


commentaire

A.Lurija : « La psychanalyse en tant que système de psychologie moniste ».

 

L’article de A.Lurija est consacré à un des thèmes de discussions les plus ardentes des années 1920 en URSS : la théorie de S.Freud. A.Lurija a pris une part active dans le mouvement psychanalyste en Russie des années 1910-1920, en tant que secrétaire scientifique de la Société psychanalytique russe.

Dans les années 1920 la psychanalyse en Russie connaît une scission : d’un côté, continue à exister une psychanalyse clinique qui, sous la pression pratique et utilitaire (« refonte de l’homme ») des personnes officielles, se développe en pédologie ; de l’autre côté, apparaît le freudisme qui suscite des discussions intenses dans les sciences humaines. Le «freudisme» (c’est ainsi que la psychanalyse a été qualifiée en URSS, par analogie avec le «marxisme») a été compris comme la promesse, scientifiquement fondée, d’une refonte réelle (non littéraire) de l’homme sur la base d’une modification de sa conscience. Un autre trait particulier de la psychanalyse (ou plutôt du freudisme) des années 1920 en Russie est son mariage avec la réflexologie d’un côté (V.M.Bexterev, A.Zalkind) et avec le marxisme de l’autre (A.R.Lurija, B.D.Fridman).

A.Lurija a joué un rôle important dans l’émergence du freudo-marxisme en Russie. La question du freudo-marxisme a été soulevée pour la première fois par le cercle de Kazan. Le procès verbal d’une de ses réunions de 1922 avance l'hypothèse d’une parenté entre la méthode de Marx et celle de Freud :

1.     « elles sont toutes deux entièrement analytiques » ;

2.     « toutes deux ont affaire à l’inconscient » ;

3.   « l’objet de l’une comme de l’autre est la personnalité dans sa définition sociale et historique » ;

4.     « toutes deux étudient une dynamique ».

Le « freudo-marxisme » soviétique des années 1920 dont A.Lurija est un représentant et partisan convaincu (ce qui suit de son article Psixoanaliz kak sistema monističeskoj psixologii [La psychanalyse en tant que système de la psychologie moniste] et de son livre Psixoanaliz v svete tendencij sovremennoj psixologii [La psychanalyse à la lumière des tendances de la psychologie contemporaine]) est un mélange ou plutôt une superposition du marxisme et de la psychanalyse freudienne. Le système marxiste dans l’article de A.Lurija est défini comme moniste, matérialiste, dialectique, etc. Puis il établit le matérialisme, le monisme, etc. du système de Freud; en superposant les concepts, ceux-ci coïncident, et les systèmes sont alors déclarés avoir fusionné. Les contradictions sont rejetées hors du système, considérées comme exagérations. C’est ainsi que le freudisme est désexualisé, étant donné que le «pansexualisme» ne s’accorde évidemment pas avec la philosophie de Marx.

La psychanalyse de Freud est accusée de « pansexualisme », autrement dit du rôle central et prépondérant de l’inconscient et de la sexualité, de la sphère du désir dans son système. La raison pour laquelle la théorie de Freud est désexualisée en Russie des années 1920 est enracinée dans la perception du sujet dans le freudisme. Si l’inconscient et la sphère du désir prennent une place centrale ou même significative, le sujet perd son statut d’une instance autonome qui contrôle tout. Le sujet devient traversé et manipulé par ça (cette direction a été prise par J.Lacan). Le freudo-marxisme (également le freudisme réflexologique de V.M.Bexterev et A.Zalkind) ne pouvaient pas l’accepter, car dans ce cas tout contrôle de l’individu du côté du groupe social serait impossible.

 (Tatjana Zarubina)


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