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Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- August SCHLEICHER : Les langues dans l'Europe moderne, Paris : Ladrange & Garnier, 1852 (traduit de l'allemand par H. Ewerbeck)

-- Les langues de l'Europe moderne, par A. SCHLEICHER, Agrégé à l'Université Frédéric-Guillaume de la ville de Bonn-sur-le-Rhin (Prusse rhénane), traduit de l'allemand par Hermann Ewerbeck, Auteur de : Qu'est-ce que la religion d'après la nouvelle philosophie allemande, de Qu'est-ce que la Bible d'après la nouvelle philosophie allemande, de L'Allemagne et les Allemands, et de la traduction allemande du Voyage en Icarie.
Paris : Ladrange et Garnier, 1852.


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Préface du traducteur.
Après la guerre de Trente-Ans, le parti progressiste en Allemagne disait avec raison :
« Le salut de notre littérature indigène ne saurait venir que du côté de la France et de la Grande-Brelagne ! » Et, en effet, pendant vingt ans, l'influence anglo-française sur la pensée et la littérature allemandes fut une influence salutaire.
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Mais ces rapports ont été changés déjà depuis longtemps. Sans vouloir méconnaître l'élément beau et puissant, qui, en France, sous les formes les plus multiples, constitue ce qu'on peut appeler littérature sociale, il faut avouer que le reste est affecté de deux défauts graves : c'est-à-dire, premièrement, d'une singulière indifférence pour l'étranger, indifférence qui se montre dans une coupable ignorance des choses et des idées non-françaises; puis d'une lacune vraiment impardonnable, qui se fait sentir dans le bien-fonds public des connaissances scientifiques et artistiques.
Certes, des Français ont produit des ouvrages savants et admirables ; mais l'immense majorité des gens lettrés en France ne les connaît point et n'a pas même le désir, à ce qu'il paraît, de les connaître. De là, ce spectacle peu digne de la nation française : d'un côté, une littérature volumineuse, dite scientifique, mais remplie d'erreurs, de malentendus, de superficialités; de l'autre
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côté, un trésor de livres de vraie science, mais inaccessible et incompréhensible à la masse des lecteurs.
En Allemagne, au contraire, un pont a été jeté entre ces deux rives, et les richesses de la haute science et de la haute esthétique y passent en partie, tandis qu'en France elles n'y passent point du tout. C'est ce qui constitue en Allemagne la Bildung, chose pour laquelle le pauvre dictionnaire français n'a pas même de mot.
Profondément pénétré de la conviction que la plus intime entente d'intelligence et de cœur entre l'Allemagne et la France est devenue plus nécessaire que jamais, j'ai donné dans l'espace de deux ans au public français lettré quatre ouvrages, dont deux (Qu'est-ce que la Religion? et Qu'est-ce que la Bible? ont pour but de l'éclairer sur des questions philosophiques, de même que le livre présent le fait sur des questions philologiques. Enfin, mon livre l'Allemagne et les Allemands a l'in-
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tention de faire connaître à la France ce que c'est que l'Allemagne, sa voisine et sa sœur de lait.
Ces travaux m'ont paru tellement urgents que je n'ai pas hésité d'y sacrifier une très grande partie de ma fortune, après avoir cherché en vain un éditeur à Paris, ville qui aime pourtant à s'intituler capitale du monde civilisé. Du reste, je ne les ai pas exécutés sans l'espoir de les voir se rendre utiles aussi à d'autres peuples, et je me suis servi de l'idiome français, puisque c'est par cet instrument peu maniable que l'Occident se met en communication avec le Centre de l'Europe.

Auguste-Hermann EWERBECK.
Paris, 24 février 1852.


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LES LANGUES DE L'EUROPE MODERNE

INTRODUCTION.

1. La linguistique et la philologie

Quand une science a été cultivée longtemps avec zèle et succès, on commence à s'apercevoir qu'elle est capable de produire des fruits de diverses sortes, tous utiles, mais différents entre eux d'après la manière de culture qu'on y applique. Ce n'est que depuis peu de temps que la science qui a pour objet la Langue en général, s'est séparée en deux branches distinctes. L'une, qui s'appelle la philologie, étudie la langue pour arriver par là à la connaissance de l'essence intelIectueIle des nationalités; la philologie appartient à l'histoire. L'autre s'appelle la linguistique; elle ne s'occupe point de la vie
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historique des nations: elle est une partie de la physiologie de l'homme.
La philologie ne saurait exister que là où il y a de la littérature; elle se sert de la langue comme d'un organe pour étudier la vie intellectuelle et morale d'une nation. Le linguiste, au contraire, fait des recherches même sur l'idiome d'une nation dépourvue de littérature, d'un peuple étranger à l'art d'écrire. Il y a une philologie de l'antiquité dite classique; il y a une littérature chinoise, indienne, germanique, romane, slave, etc. Dans chacun de ces cercles, nous voyons la manifestation d'une nationalité historique, d'une famille de peuples qui ont brillé par beaucoup d'activité intellectuelle. Nous n'avons point une philologie des idiomes américains, parce que leurs peuples n'ont ni histoire ni littérature proprement dites : mais cela n'empêche pas ces idiomes d'être des objets éminemment importants pour la linguistique.
La philologie s'adresse ainsi à l'histoire, et celle-ci ne peut commencer que là où la libre volonté humaine a pris son essor; la linguistique étudie les langues sous le rapport de la nécessité naturelle. Le rossignol ne saurait jamais chanter comme l'alouette : il en est de même quant à l'élément primitif des différentes langues humaines. Or, tout ce
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dont la libre volonté de l'individu ne peut changer l'organisation fondamentale, appartient à la Nature, et nullement à l'Esprit. La méthode de la linguistique diffère donc totalement de celle des sciences historiques, elle doit être la méthode des autres sciences naturelles (1).
Les résultats de la linguistique sont par conséquent en général plus sûrs que ceux des sciences historiques, parce que l'arbitraire individuel ou subjectif y est pour peu de chose. La linguistique travaille dans la sphère des lois naturelles inaltérables, en dehors du domaine des volontés humaines.
Les sources où la linguistique puise sont aussi limpides, aussi pures que celles des autres sciences naturelles. Pour les sciences historiques, au contraire, il s'agit avant tout de la critique, et la critique historique ne se base que sur les lacunes dans nos connaissances; lacunes qui ont leur origine dans la volonté et dans l'activité de l'Homme. Une critique de cette sorte est étrangère à la linguistique, comme à toutes les autres sciences naturelles : celles-ci n'ont recours à la critique que quand
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elles sont obligées de s'occuper de traditions historiques.
De même, ce ne sont que des fragments de langues fournis par la tradition historique qui nous font réclamer le secours de la critique historique. Mais ce ne sont que des cas isolés. La philologie, au contraire, ne peut faire aucun pas sans la critique; la philologie est une science historique.
Le champ sur lequel la philologie et la linguistique se rencontrent se divise en deux sections. Tout ce qu'il y a dans la langue de naturel, c'est-à-dire provenant de l'essence naturelle de l'Homme, et mis en dehors de l'influence de la volonté, c'est la science des formes, elle appartient à la linguistique. Tout ce qui, dans la langue, dépend de la pensée et de la volonté individuelles, la syntaxe, et encore plus le style, sont du domaine de la philologie.
Ces deux sciences se prêtent souvent un appui réciproque; seulement, il faut, je crois, renoncer à être productif dans toutes les deux à la fois. On doit avoir un talent particulier pour chacune d'elles. Le linguiste est comme le zoologiste, le botaniste, le minéralogiste ou tout autre savant qui, en étudiant les sciences naturelles, doivent avoir un coup d'œil général sur le règne entier des animaux, des végétaux, des minéraux même, s'ils ne s'occu-
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pent spécialement que d'une seule série, d'une seule famille des êtres naturels; le linguiste, en n'étudiant profondément qu'une seule langue, est obligé à bien connaître le règne tout entier des langues.
Nous allons voir qu'une classe de langues supérieures renferme celles des langues inférieures non explicitement, mais implicitement; comme des moments effacés, dit le langage philosophique; il en est absolument de même quant aux classes d'animaux supérieurs et inférieurs. Le linguiste doit donc connaître toutes les langues tandis que le philologue se contente d'en approfondir une ou deux. La comparaison des langues est une fonction tellement caractéristique de la linguistique, qu'elle est même devenue son synonyme.
Le philologue ressemble a un cultivateur qui laboure avec deux chevaux un champ fertile; il lui suffit de bien connaître ses animaux, de savoir les traiter convenablement.
Le linguiste ressemble à un zoologiste, qui n'a guère besoin de ce genre de connaissances pratiques, mais qui, en revanche, pour étudier théoriquement l'espèce equus caballus, doit étudier toutes les autres espèces.
La linguistique, comme toute autre science na-
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turelle, ne date que de notre époque. Ce n'est que le dix-neuvième siècle qui a commencé à comparer les langues d'une manière correcte, rationnelle, logique, d'après leur structure grammaticale. A la fin du dernier siècle, on se bornait à comparer les mots de l'une à ceux de l'autre. La philologie, au contraire, cette science historique, existe depuis bien longtemps.

2. Essence et classification des langues.

L'activité de l'esprit, en se manifestant sous les formes de la pensée, a besoin de la langue, absolument comme l'esprit a besoin du corps. On ne peut penser que par et dans une langue; plus elle sait exprimer toutes les émotions et tous les mouvements de l'esprit sous des formes acoustiques, c'est-à-dire par des mots, plus elle est rapprochée de la perfection. Une langue, au contraire, est d'autant moins perfectionnée que son expression acoustique reste en arrière, en ne donnant que les abréviations de la pensée.
Quand on pense, on met les conceptions, les no-
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tions, dans tel ou tel rapport, dans telle ou telle relation. Ainsi, chaque langue peut être décomposée en deux, éléments: des notions d'un côté, et des rapports de l'autre. Les notions, les représentations, sont en quelque sorte les matériaux de la langue; les rapports entre elles font sa forme. Une langue parfaite devrait exprimer d'une manière acoustiquement complète ses éléments matériels et ses éléments formels; les langues imparfaites se contentent de signaler plus ou moins les rapports entre les notions et les représentations.
On appelle significations ces notions et ces représentations.
On peut donc dire que l'essence d'une langue se base sur la manière dont elle exprime acoustiquement, c'est-à-dire par un mot, les significations et les rapports (ou relations).
Une langue n'a point d'autre élément que ces deux-là : significations d'un côté, rapports ou relations de l'autre.
La signification, exprimée par un mot, s'appelle racine; elle peut être séparée de tout mot qui exprime le rapport : par exemple etupton en grec (je battais) se compose d'abord de tup, seul mot de racine, mot de signification, et puis de plusieurs mots de relation : e—, exprimant le rapport du
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passé, —t—, le rapport du présent; —on, enfin, le rapport de la première personne du singulier ou de la troisième du pluriel.
Ainsi, pour bien définir le mot, il faut dire qu'il est un produit à la création duquel ont concouru la signification et la relation. C'est de l'expression acoustique de l'une et de l'autre que dépend la formation du mot, puis la construction de la phrase, enfin le caractère entier de l'idiome. Une racine n'apparaît d'une manière bien déterminée que par l'expression acoustique de la relation : c'est de la sorte qu'une racine doit revêtir ces diverses figures appelées adjectif, substantif, verbe, cas, mode, temps, etc.
Nous entendons ici la formation du mot dans le sens le plus large, et non seulement, comme les grammaires aiment à le faire, dans le sens si étroit de la formation de racine et de thème; nous y adjoignons encore la déclinaison et la conjugaison, qui, elles aussi, se basent sur l'expression de la signification et de la relation.
Or, il peut arriver que, seule, la signification se trouve exprimée phonétiquement, et que la relation ne l'est point. Certes, la relation n'y manque jamais, elle peut pourtant rester latente, et dans ce cas elle doit être rendue par n'imporle quelle autre mani-
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festation, par exemple par la place qu'on lui fait occuper dans la phrase, par l'accentuation et l'intonation, par le geste, etc., etc.
II y a en effet des idiomes qui, pour exprimer la relation entre les significations se servent de ces moyens détournés. Cela se fait dans les langues monosyllabiques, et principalement dans la langue chinoise. Une langue à monosyllabes ne se compose que de racines, de mots exprimant une signification, et qui renferment implicitement la relation. Ici les catégories des mots ne sont pas distinctes par des sons acoustiques particuliers, et le même mot, le même son, peut représenter un substantif, un verbe, une particule, un nominatif, un génitif, un temps présent, un temps passé, un subjonctif, un indicatif, un actif, un passif, etc. Les distinctions ne se font principalement qu'à l'aide de la place qu'on donne à ce mot dans la phrase, cela lui imprime le cachet spécial de telle ou telle relation.
Ces idiomes sont monosyllabiques puisque les racines (les mots signifiants), dans toutes les langues qu'on a étudiées jusqu'à présent, sont des syllabes simples. La simplicité, l'unité de l'idée doit se refléter également dans l'unité du son, c'est-à-dire dans une syllabe unique. Ici le mot n'est pas encore devenu un organisme, une multiplicité de
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divers membres : le mot n'est ici qu'une unité ferme et sèche comme un cristal.
II existe cependant un trajet presque insensible entre ce principe rigoureusement unitaire et l'apposition d'un son déterminant, d'une relation, à côté du son de signification. Pour exprimer ici la relation, on choisit surtout soit des sons ayant une signification générale : par exemple homme et femme, pour désigner le sexe, soit des racines de relation, pronoms, c'est-à-dire des racines qui avaient primitivement une signification très générale ou qui l'ont reçue plus tard.
Les compositions de cette sorte existent déjà dans les idiomes monosyllabiques; mais quand elles augmentent en nombre, le caractère de l'idiome devient peu à peu tout autre. En effet, quand la relation s'exprime par des mots qui s'attachent, qui se collent, pour ainsi dire, à la fin du mot de la signification resté immuable, alors le signe si caractéristique de l'idiome monosyllabique cesse de subsister : le mot significatif ne renferme plus le mot relatif; le mot relatif vient d'obtenir une existence à part. Tous ces mots de relation commençaient par être des mots de signification, et ce n'est que plus tard qu'ils ont été altérés, défigurés, et qu'ils finissaient presque sans exception par devenir des mots de relation.
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Voilà la deuxième grande classe de langues, celle des langues d'agglomération ou d'agglutination : elles procèdent par voie purement et simplement mécanique. Cette classe comprend beaucoup de subdivisions, selon la manière plus ou moins intime dont les mots de relation s'attachent soit à la racine, c'est-à-dire au mot de signification, soit entre eux. Quelquefois les mots affîxés existent encore comme s'ils n'étaient que des mots isolés; on les voit isolément, on les entend isolément ; quelquefois, au contraire, il y a là une fusion tellement étroite que la langue agglomérante se rapproche visiblement des langues de la troisième classe, des langues à flexion.
Toute catégorie et classe intermédiaire, — c'est un fait constant observé par les naturalistes, — est représentée par un nombre très considérable d'individus, de même, cette classe intermédiaire des idiomes compte une grande masse d'individus, ou plutôt la plus grande partie de toutes les langues du genre humain. C'est là que le mot se forme par des membres; voilà une différence fondamentale d'avec les langues monosyllabiques. Mais ces membres ne se confondent pas encore en un seul organisme entier; voilà leur différence fondamentale d'avec les langues à flexion. Le mot n'y est donc qu'un
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composé de plusieurs mots conservant encore chacun une sorte d'individualité. C'est comme le végétal, tandis que la première classe doit être comparée au minéral.
Dans la première classe, nous rencontrons l'unité la plus rigoureuse, mais sans l'expression particulière des relations.
Dans la deuxième classe, nous rencontrons l'expression souvent très explicite des relations à l'aide des mots affixés ou attachés, mais aux dépens de l'unité.
Dans la troisième classe, enfin, nous trouvons la signification et la relation incorporées dans des mots particuliers, et cela sans déroger à l'unité. Voilà certainement la classe la plus élevée, la plus riche, la plus féconde, la plus flexible; elle seule reflète mieux que les deux précédentes, les mouvements de l'âme et de l'esprit, l'acte de la pensée, dans laquelle, on le sait, il y a fusion complète de la signification et de la relation qui se pénètrent réciproquement. Ce qu'il y a de grandiose dans ce triple développement, c'est que sur le premier échelon nous voyons, conformément à la logique de Hegel, identité sans différences, l'identité pure et simple de la signification et de la relation; sur le deuxième échelon, nous découvrons la différenciation de la si-
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gnification d'avec la relation, à l'aide de mots spécialement affectés à manifester l'une et l'autre, sur le troisième échelon, enfin, cette différenciation, cette séparation, se renferme de nouveau pour reconstituer l'unité, mais unité infiniment supérieure à l'unité de l'identité primitive, puisque cette seconde unité est le résultat de la différence précédente. Cette seconde unité n'est plus le contraire pur et simple de la différenciation; elle l'a absorbée, digérée et assimilée, pour ainsi dire ; bref, elle agit comme le vrai organisme vivant, comme l'animal. Les idiomes à flexion sont donc les êtres les plus parfaits de tout le Règne de la Parole, dans ces idiomes le mot est devenu l'unité de la multiplicité des membres ou des organes, c'est-à-dire l'organisme animal unitaire et multiple à la fois,
Du reste, cette dernière classe est cohérenle avec la classe agglomérante par des formes intermédiaires ; on rencontre assez souvent parmi les langues agglomérantes des phénomènes isolés qui rappellent la flexion. Nous verrons dans cette troisième classe une subdivision, comme dans la deuxième.
Ce système de la Triade, de la véritable et unique Trinité (il n'y en a pas d'autre) qui se manifeste et dans la Nature tout entière et dans l'Esprit tout entier, embrasse nécessairement toutes les
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langues du globe, celles qui ont existé, celles qui existent, et celles qui existeront. Certes, beaucoup de langues nous sont inconnues, mais ïl est aussi certain qu'une langue qui ne cadrerait pas avec ce système, qui n'appartiendrait pas à une des trois grandes classes susmentionnées, serait une langue impossible. Voilà encore de la logique pure et simple, hors laquelle il n'y a ni salut ni même existence.
Quant aux rapports entre les trois classes, il est évident que la deuxième et la troisième sont plus rapprochées l'une de l'autre que de la première; dans la classe première il y a une lacune fondamentale, puisqu'il y manque un des deux facteurs qui produisent la langue (2).



NOTES

(1) Nous discuterons plus tard explicitement les rapports qui existent entre l'Histoire et la Langue.(retour texte)
(2) Le texte allemand dit : « L'unité de l'idiome à flexion a aufgehoben la différenciation de l'idiome aggloméré et de l'idiome monosyllabique. J'ai traduit ici le verbe aufheben par absorber, digérer et assimiler. Ce mot allemand est un exemple frappant de la grande lucidité idéale de la langue allemande, puisque, tout en ayant au premier coup d'œil deux significations diamétralement opposées, il ne les a que parce qu'elles sont unies ou identiques au fond, quand on les regarde d'un point de vue supérieur. Aufheben, en effet, signifie littéralement lever, enlever (en latin, tollere) or, ce qu'on a enlevé, on peut soit le conserver ailleurs, soit le détruire. Ainsi donc aufheben réunit réellement les deux sens opposés, mettre quelque chose de côté pour le garder, et annuler. Le magnifique et profond langage dialectique de Hegel se sert surtout de ce mot incomparable pour exprimer l'idée de la croissance organique, de la filiation des époques historiques, etc. Dans chaque phénomène vital supérieur l'observateur dialecticien retrouve le phénomène précédent, mais absorbé, déprimé à l'état de simple trace, ombre, ou, comme dit Hegel, de momentum : ainsi, dans l'homme achevé, vous avez encore le jeune homme et l'enfant; dans le fruit, vous avez la fleur avec ses parties particulières; dans l'état social avancé, vous avez les résultats antérieurs moins complets, etc. (Le Traducteur) (retour texte)




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