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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2005-2006,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence (hiver)

(Hiver 2005-2006, le mercredi de 17 h à 19 h, salle 5093)

La question de la langue dans l'idéologie slavophile // Языковой вопрос в славянофильской идеологии


16е ноября 2005 г. : Н. Чернышевский (1828-1889) : «О классификации людей по языку» (1888)



протокол заседания : Mladen Uhlik


Le refus de l'équation langue / peuple


Linguiste de formation, Nikolaj Černyševskij est sensible surtout aux questions sociopolitiques et historiques. En ce qui concerne le genre littéraire, sa production abondante pourrait être définir comme « публицистика » (essayisme).
Dans « La classification des peuples d’après la langue » (1888), il fluctue entre les notions très populaires au XIXe siècle, comme la nation, les peuples et les races.
Comment définir une nation du point de vue historique (il se considère comme historien)
1. La nation n’est pas définissable en terme de race.
2. Il réfute la théorie de Humboldt selon laquelle les catégories de la langue parlée prédéterminent nos catégories de pensée.

Les idées sur la langue chez Humboldt :

Humboldt : « Einführung in die Kawi-Werke » (publié en 1836 même année que la lettre de ?aadaev).

La pensée est prédéterminée par la langue parlée.
Il n’y a pas de langue universelle. Par cette idée anti-cartésienne et anti-port-royaliste, il s’inscrit dans la tradition romantique qui professe la diversité. Ses positions donnent lieu à des lectures divergentes :
1. Interprétation positive : Plus il y a des langues, plus l'humanité est riche (la multiplicité des langues est, contrairement à l’histoire de la tour de Babel, une valeur positive).
2. Lecture mitigée : Les conséquences qui découlent du concept langue = pensée :
2.1 Tous les gens qui parlent la même langue, pensent de même façon (une unanimité entre les locuteurs de la même langue) ;
2.2 Le rôle hypertrophié du linguiste : un linguiste peut connaître la pensée humaine.
2.3 D’une typologie des langues s’ensuit une typologie des modes de pensée.

Références littéraires traitant l’influence des structures linguistiques sur la réalité :
Orwell : 1984 (l’idée du newspeak, ou novlang),
Les recherches de Bertold Brecht sur le discours des nazis,
Victor Klemperer : Lingua Tertii Imperii.

2.4 Prémisse : Ce qui n’existe pas dans une langue, ne pourra être pensé par les locuteurs (Un Africain ne pourra jamais voir la neige, si cela n’existe pas dans sa langue).
2.5 Si l’on apprend une langue, on ne pensera jamais comme les gens dont cette langue est maternelle. Au XIXe siècle, on croyait que le bilinguisme était dangereux, et qu'il rendait les enfants idiots.

La pensée stadialiste chez Humboldt  (aspect évolutionniste):

Idées de lecture sur le stadialisme :
Friedrich Engels : L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat (1884)
Lewis Henry Morgan : Ancient Society, or Researches in the Line of Human Progress from Savagery, through Barbarism to Civilization (1877).

La typologie des langues de Humboldt :

Langues isolantes : langues sans morphologie où seule l’ordre de mots donne la signification (chinois) ;
Langues agglutinantes : langues dans lesquelles les mots sont formés en « collant » au radical des affixes de telle sorte que les frontières entre les morphèmes restent bien nettes et que chaque morphème corresponde à un seul trait sémantique ou fonctionnel (turc, finnois) ;
Langues flexionnelles : des langues où mots changent de forme selon leur rapport grammatical aux autres mots. Dans ces langues, les mots subissent le jeu de la flexion et l'ensemble des formes différentes d'un même mot fléchi forme son paradigme. Les langues flexionnelles possèdent des paradigmes nombreux. Elles sont riches en irrégularités, ce qui leur donne l’apparence de fonctionner comme des organismes vivants.
A l’époque de Humboldt, on a pensé que ces catégories sont exclusives et stables.
Černyševskij réfute cette typologie :
- les langues peuvent passer d’une catégorie à l’autre ;
- l’organisation de structures linguistiques ne suffit pas pour définir les nations et les rapports entre des nations.

Les Slavophiles et Humboldt

Par contraste avec Černyševskij, les Slavophiles estiment que la pensée est toujours marquée par une langue. Chez les Slavophiles, les langues et les cultures sont les caractères distinctifs d’où un relativisme total: tout est différent, il n’y a aucune possibilité de comparer.
Le discours du ressentiment chez les Slavophiles : Plus on nous attaque, plus cela prouve que nous sommes supérieurs.
Pour démontrer leur supériorité / distinction, les grammairiens slavophiles ont recours au toponymie et à l’étymologie populaire : Ainsi, d’après Khomjakov, la province du Roussillon, dans le sud de la France, prouve que les Russes étaient un peuple autochtone en Europe et pas une tribu marginale de la steppe. Cette méthode étymologique remonte à la Renaissance.
Le rôle du scientifique slavophile est de rétablir une vérité perdue.



 

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