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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2005-2006,

Prof. Patrick SERIOT

Séminaire de licence (hiver)

(Hiver 2005-2006, le mercredi de 17 h à 19 h, salle 5093)

La question de la langue dans l'idéologie slavophile // Языковой вопрос в славянофильской идеологии


14е декабря 2005 г. : Ф. Буслаев : О русских глаголах К. Аксакова 1855


протокол заседания : Pavla Kuncova

F. Buslaev (1818-1897), spécialiste en linguistique russe et slave, entre en polémique avec le linguiste slavophile K. Aksakov au sujet de son œuvre "О русских глаголах". Buslaev reproche à Aksakov de "philosophailler", c'est-à-dire, de mépriser la forme. Aksakov reproche à son tour à Buslaev d'être logiciste ( ainsi, la proposition est pour lui " un jugement exprimé en mots"), ce qui revient au même, c'est-à-dire, qu'il lui reproche son mépris de la forme. Pourtant, le principe commun d'Aksakov et de Buslaev, c'est justement de partir de la forme pour connaître une langue. Malgré leur différents points de vue, les deux linguistes ont un nombre d'idées en commun:

 

- La première: les deux linguistes refusent toute imitation. Pour eux, toute imitation est négative. Il faut être soi-même, s'affirmer et non pas imiter (dichotomie entre свое/чужое). La quête d'identité ("Qui sommes-nous"), suscitée par les penseurs allemands, a une influence évidente sur les travaux des linguistes russes. Ainsi, Aksakov dit: " Теперь пришла иная пора…. Мы не боимся быть собою…"

 

- La deuxième, c'est l'existence d'une science nationale (= отечественная наука). Buslaev affirme que chaque peuple excelle dans une science, par exemple les Français dans les mathématiques, les Allemands dans la philosophie… Chaque nation a donc des dons particuliers. Et de ces capacités pour certaines sciences émane l'esprit du peuple (= народность). Buslaev et Aksakov partagent l'idée que la science porte un caractère national, mais en même temps ils s'accusent réciproquement de ne pas être assez nationalistes.

 

- La troisième, la supériorité de la langue russe par rapport aux autres langues slaves. Buslaev a une fascination pour "свое". Pour lui, les langues analytiques sont inférieures aux langues flexionnelles. La morphologie est supérieure à la syntaxe car elle est plus proche de l’état initial (parfait) de la langue. La morphologie est visible alors que la syntaxe est cachée. Les langues analytiques, où les relations grammaticales sont exprimées par les prépositions, ont moins d'énergie interne et de créativité. Aux yeux de Buslaev, "… русский язык обильнейший и интереснейший предмет для изучения между всеми иными существующими славянскими наречиями." Tout comme Buslaev, Aksakov fait l'éloge de sa langue maternelle. Selon lui, la langue russe est singulière et même supérieure aux autres.

 

Cependant, chaque linguiste considère la supériorité de la langue russe de manière différente: Buslaev la voit dans la morphologie et dans la double origine de la langue russe, Aksakov dans l'aspect des verbes. Pour Aksakov, la catégorie essentielle du verbe est l'aspect et non le temps. L'expression du temps est inférieure à celle de l'aspect, car c'est l'aspect qui caractérise l'action ("вид глагола глубже характеризует действие"). Aksakov va plus loin en disant: "Времен в русском глаголе вовсе нет" ce qui suscite une réaction justifiée de la part de Buslaev. En grand connaisseur de la grammaire historique, Buslaev se réfère au vieux-slave, mère nourricière du russe moderne, en précisant qu'il contenait une multitude de formes du passé. Il reproche à Aksakov de ne pas prendre en considération le système linguistique du vieux-slave. Ceci faisant, Aksakov fait appauvrir la langue russe et non pas l'enrichir.

 

Tout comme Rousseau, Buslaev penche du côté de l'idéologie primitiviste. Il est persuadé qu'au départ, les langues étaient dynamiques, riches au niveau de la flexion, poétiques. Avec le temps les langues se dégradent (exemple du russe: la perte de différentes formes du passé) et vont finir par devenir des langues "sèches" à l'image des langues analytiques.

 

En somme, malgré leurs divergences d'opinion, les pensées des deux linguistes étaient très proches. Tous les deux insistaient sur l'aspect singulier et spirituel de chaque langue.

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