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Section de langues slaves, option linguistique // Кафедра славянских языков, лингвистическое направление


Sergej Bulgakov (1871-1944)

Univ. de Lausanne, Faculté des Lettres

Section de langues slaves, Option linguistique

Année 2010-2011,

Prof. Patrick SERIOT / Anastasia FORQUENOT DE LA FORTELLE

Séminaire de licence / Bachelor-3 / Master

(automne 2010, le mardi de 15 h à 17 h, salle 5093)

Forme et contenu dans la culture russe

COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE DU 7 DECEMBRE 2010 par Anita Dedic :

I/ L’hésychasme et  la philosophie du nom

Pendant ce cours, nous avons vu le cas particulier du rapport entre le nom et la chose.
        Un des livres les plus importants pour la linguistique de l’époque soviétique est le livre de linguistique de Staline : Le marxisme et les questions de la linguistique, publié en 1950.
        Ce livre est la remise en cause de la linguistique marriste : en bref, Staline soutient que la langue n’est pas une affaire de classe, mais qu’elle appartient au «peuple tout entier». Mais surtout que la «science bourgeoise» sépare la langue et la pensée (autrement dit, la forme et le contenu). Nous allons voir, pendant ce cours, un certain nombre de concepts propres à ce livre, puis montrer que le refus de la séparation langue/pensée est une idée force de la réflexion sur la langue dans la culture russe pendant tout le XXe siècée. .
        Au départ, nous avons vu que les idéalistes considèrent que l'«idée» est plus réelle que la matière (qui est périssable, alors que l'idée est éternelle).
        Staline écrit que la langue est la matérialisation de la pensée à haute voix et la pensée est son idéalisation, donc il ne peut pas y avoir de langue sans pensée et vice versa.
        Or un des adversaires de Staline, le philosophe4 explicitement idéaliste Aleksej Losev (1893-1988) décrit la même idée dans son livre La chose et le nom,  écrit en 1929 et publié en France en 1954.
        Dans ce cas, un marxiste matérialiste exprime la même idée d’un philosophe idéaliste : les deux refusent la séparation entre la langue et la pensée, la chose et le nom.  
        Un autre aspect qui est en commun : les deux combattent contre la science bourgeoise, laquelle selon eux, était «abstraite et sans âme».
        La notion que « le nom de Dieu est Dieu lui-même » est né au Moyen Age dans le monde byzantin.
        C’est a ce moment qu’apparaît la question de l’hésychasme (plus précisément au XIVème siècle ; les principes de la doctrine ont été définis par Saint Grégoire Palamas)[1]
        L’hésychasme consiste principalement dans l’exercice spirituel ( surtout exercices de la respiration et la répétition de la même prière), qui permet d’entrer en communication avec la divinité. Le nom de Dieu est fondamental, la répétition est la base de cette doctrine. 
        Nous pouvons comprendre la question de l’hésychasme à partir de la contemplation de l’image de la Transfiguration :  dans cette image la nature divine prend le dessus sur la nature humaine. La nature divine de Dieu devint visible. La présence de la lumière est discutée : qu’ont vu les Apôtres au Mont Tabor lors de la Transfiguration du Christ? Ils ont vu la présence divine ou plutôt le signe de la présence divine ? Voilà les questions qu'a posées Saint Grégoire Palamas.
        Les débats commencent a se faire importants dans les pays slaves à partir des premières grammaires imprimées . En particulier, tout commence dans l’état de Pologne-Lituanie, point de  contact entre les cultures (catholique, protestante et orthodoxe).
        Dans l’état de Pologne-Lituanie naît une nouvelle religion (un compromis entre les orthodoxes et les catholiques en 1598), laquelle était un « hybride » entre la religion catholique et la religion orthodoxe : l'uniatisme. Ils professaient le rite orthodoxe, mais ils acceptaient la primauté et l'autorité du pape de Rome.
        Les « hérétiques » commençaient à s’intéresser aux questions de la langue. Quelles étaient les controverses et pourquoi sont-elles nées ?
        A ce moment commence la dispute sur les langues de la Bible ; l’église catholique acceptait seulement trois langues, qui étaient les seules langues normées pour transmettre la parole de Dieu : le latin, l’hébreu et le grec. Donc, à partir de cette idée, la religion orthodoxe était blasphèmatoire, car les langues slaves ne pouvaient pas être les langues de la prédication. Un discours, à ce moment, sur la forme des textes était fondamental.
        En guise de conclusion, voyons un certain nombre de controverses sur le nom et la chose :
·      Au XIV siècle, le mystère de la Transfiguration : commence la dispute sur la lumière sur le mont Tabor.
·      Au XV siècle : Konstantin Kostenečski exprime son idée sur l’orthodoxie. La religion orthodoxe est un ‘icône de vérité’. À ce moment on s’aperçut que le slavon n’as pas de grammaire et donc il faut d’abord écrire une grammaire, car elle est la seule garantie que la parole authentique de Dieu peut être transmise. Selon lui, les lettres slaves sont « divines », car elles sont la manifestation directe de la présence de Dieu.[2]
        L’idée principale de Kostenečski est donc de démasquer l’hérésie au moyen d’une orthographe désambigüisante.
·      En 1912 : la grande controverse sur les « Glorificateurs du nom ». Des moines russes du Mont Athos ont dit que le nom de Dieu est Dieu même ; commence ainsi une controverse purement sémiotique.
        Le problème peut-être reconduit à la traduction biblique à partir du grec. Nous savons bien qu’en grec l’article peut-être omis. A cause de ce problème nous avons deux interprétations : le nom de Dieu est Dieu même ou le nom de Dieu est divin. Ce problème devint très important surtout pour les moines qui, dans leur langue, n’utilisaient pas les articles.
        Finalement, nous pouvons dire que pour de nombreux chercheurs et philosohes russes, il y a toujours un lien entre la chose et son nom ; en particulier la théologie, la sémiotique, la philosophie de la langue, la linguistique en Russie ont souvent en commun cette interrogation sur le lien entre langue et pensée, entre signe et référent, entre nom et chose, un refus de l'arbitraire du signe, et ceci a un rapport avec la religion orthodoxe.
        Donc, nous pouvons constater que il  y a une attitude archaïque envers le nom, fondée sur la nostalgie du lien direct entre les signes et les choses. Si on a le nom ont obtient la chose.
        Tous les tabous sur les noms des choses, sont des tabous à cause du fait que le mot est la chose elle-même.  

II/ Fonction de l’art chez Šklovskij : quelques conclusions

Il y a quelques semaines nous avons vu l’automatisation chez Šklovskij. Pendant ce cours nous avons analysé l’automatisation du côté de la perception. 

Plus précisément, nous avons vu l’opposition entre la sensation et la connaissance (l’utilité).

Quand on parle de la sensation, on est dans l’esthétique sensualiste, où le concept de base est que la finalité de l’art est d’éveiller la sensation.

Ce concept s’inscrit dans le contexte historique et culturel du XXème siècle, c’est-à-dire le refus du rationalisme utilitariste et le rattachement au courant néo primitiviste (retour aux sources à l’état primitif). A ce point nous sommes devant une réaction contre les idées positivistes, réalistes, populistes et le civisme.

On essaye de créer des nouvelles formes de l’art pour réanimer l’art et ressusciter les référents (c’est-à-dire faire sentir à nouveau les choses).

Il est important donc, de revenir au concept de la défamiliarisation et à l’ambigüité de cette notion. D’un côté c’est un regard frais sur quelque chose : on essaye de trouver la parenté entre deux procédés pour attirer l’attention sur l’objet.

De l’autre côté, c’est la vision de la chose du point de vue de la forme externe et du contenu.

Cette ambiguïté s’explique par la manque d’un éclaircissement de la notion l’automatisation : nous ne savons si s’est l’automatisation du référent ou du mot. Finalement, on comprend que l’objet de l’automatisation est le rapport des deux  .

La notion du vieillissement et défaut sont liés à la réflexion des formalistes sur l’évolution littéraire. L’évolution du contenu est l’évolution de la société. La forme change, car le contenu change. Cette évolution n’est pas perçue par Šklovskij comme positive.

Effectivement, nous avons vu  dans les citations des Jakobson et Šklovskij, que les deux se trouvent dans une dimension polémique avec l’histoire culturelle.  En particulier, Šklovskij soutient que la succession n’est pas une évolution. Selon lui l’évolution se fait à partir des sauts, des coupures etc. cette vision veut dire que il n’y a pas une filiation, mais toujours une rupture.

Donc, à chaque époque littéraires existent différents écoles littéraires : une école est canonisé, les autres sont des couches inférieures.

Sˇklovskij ne s’intéresse pas à l’histoire culturelle : il élabore sont schéma à partir de la couple traditionnelle procédés-matériel.

Il utilise uniquement Tolstoï et l’art érotique (arbitraire au niveau des exemples)  pour élaborer sa méthode.  Donc, il avance l’opposition entre forme et contenu. Cette dichotomie nous amène a des contradictions insolubles. Šklovskij  inverse le rapport, donc in nous conduit à un impasse.  

C’est seulement avec Jurij Tinjanov (1894-1943), que l’unité entre forme et contenu va être rétablie.     


[1] SERIOT, Patrick, « A quelle tradition appartient la tradition grammaticale russe ? », dans Langages, n. 167, 2007, p. 5

[2] SERIOT, Patrick, « A quelle tradition appartient la tradition grammaticale russe ? », dans Langages, n. 167, 2007, p. 5

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