Centre de recherches en histoire et
épistémologie comparée de la linguistique d'Europe
centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne //
Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии
языкознания центральной и восточной Европы
-- Patrick Sériot :
«Vološinov, la sociologie et les Lumières»,
in Bénédicte Vauthier (éd.) : Bakhtine, Volochinov
et Medvedev dans les contextes européen et russe, Slavica
Occitania, n° 25, 2008, p. 89-108
[89]
«L'homme n'existe que par la société, et la
société ne le forme que pour elle.» Louis de Bonald
1. De la comparaison
Après un engouement hâtif dans les milieux marxistes
d'Europe occidentale dans les années 1970, l'œuvre de
Vološinov commence à être mieux connue et
interprétée dans la complexité de ses sources
d'inspiration. Il apparaît maintenant clairement que le filtre
principal d'interprétation pour lire Marxisme et philosophie du
langage est d'abord l'école de Vossler et
[90]
Spitzer, ensuite, plus largement, W. von Humboldt et, finalement,
un rapport ambigu envers le néo-kantisme de l'école de
Marbourg .
Il existe cependant encore bien d'autres accès à cette
œuvre touffue et complexe, d'autres lignes
d'interprétation, moins directes, certes, mais permettant
d'entendre ce que Vološinov appelait «les harmoniques», en
accompagnement du thème principal. On proposera ici une
comparaison a première vue incongrue, mais dont les effets
peuvent s'avérer salutaires.
Le bon sens populaire dit que «ce qui se ressemble s'assemble», mais en même temps il a quelque prévention contre l'idée que ce qui se ressemble puisse avoir quelque chose en commun : «comparaison n'est pas raison». Omnis comparatio claudicat disent les juristes. Pourtant un éclairage croisé permet de faire apparaître des détails qui resteraient invisibles en éclairage direct.
L'œuvre de Vološinov est un enchevêtrement plus complexe
qu'il n'y paraît de sources, d'allusions, de polémiques,
de lectures, de réinterprétations en terrain russe de
luttes d'idées venant d'Europe occidentale. Un très grand
travail reste à faire pour démêler cet
écheveau, mettre au jour ces couches enfouies, gratter le
palimpseste. Il est fort regrettable que l'histoire des idées
ait été, dans le monde francophone, si
déconsidérée : «ideas do
matter»…, surtout en Russie, où, à part une courte période entre 1905 et 1914, le pouvoir a toujours empêché toute interférence de l'opinion publique avec le domaine de la politique. Ces contraintes spécifiques à la Russie ont eu pour effet que les passions politiques n'ont pu y trouver une issue que dans le royaume des idées, qu'on ne peut plus dès lors considérer comme le simple reflet d'une situation socio-économique.
Je vais tenter de montrer qu'une de ces multiples strates profondes qui
parcourent les textes de Vološinov est un conservatisme aussi
opposé aux idéaux de la Révolution
française et de la [91]
philosophie des Lumières que celui des grands philosophes «réactionnaires» que sont Edmund Burke (1729-1897) en Angleterre, et Louis de Bonald (1754-1840) et Joseph de Maistre (1753-1821) en France. Mais cette approche n'a de sens que si on fait résonner en parallèle d'autres «harmoniques» comme le refus de Kant ou le positivisme d'Auguste Comte .
2. La sociologie conservatrice contre les Lumières
On partira de l'hypothèse que l'œuvre de Vološinov porte
la trace affaiblie et localisée du grand débat sur la
Révolution française qui a parcouru tout le XIXème
siècle en Europe. Il est vraisemblable que Vološinov n'a jamais
lu Joseph de Maistre, mais on ne peut imaginer qu'il n'ait pas connu
les textes de penseurs russes qui partageaient certaines de ses
idées, comme P. Čaadaev (1794-1856) et Vl. Odoevskij
(1803-1869), les deux contemporains de de Maistre, qui le connaissaient
bien. On n'a pas besoin d'une influence directe pour avoir des
idées en commun. Quant à Auguste Comte, il était
bien connu en Russie.
Remarquons que Joseph de Maistre a été une
référence explicite constante chez un des admirateurs de
Vološinov : Roman Jakobson, qui s'appuie sur l'autorité de de
Maistre pour étayer son combat contre les deux piliers de
l'enseignement saussurien qu'il trouvait particulièrement
irrecevables : l'aléatoire dans la diachronie et l'arbitraire du
signe. Chez J. de Maistre il s'agissait de réfuter Condillac :
«Les langues ne se forment que d'autres langues qu'elles tuent
ordinairement pour s'en nourrir, à la manière des animaux
carnassiers .
[92]
Ne parlons donc jamais de hasard ni de signes arbitraires.» (Joseph de Maistre, 1821 [1980, p. 103])
Jakobson reprend à plusieurs reprises la dernière phrase
de cette citation, depuis ses textes des années 1920-30
jusqu'à la fin de sa vie (Jakobson, 1971, p. 722; 1980, p. 87). Mais ce qui importe ici est le parallélisme paradoxal entre le discours de la primauté du collectif sur l'individuel chez Vološinov et chez les ultra-conservateurs contre-révolutionnaires français et anglais du début du XIXème siècle. Dans les deux cas la langue est la marque d'une collectivité qui transcende et précède l'individu. Dans les deux cas, l'individu n'a pas d'existence en dehors du groupe social auquel il appartient.
Il est facile de tracer les limites de la comparaison : Vološinov n'est
bien sûr pas un légitimiste catholique du temps de la
Restauration des Bourbons. La plupart des termes-clés des
traditionnalistes sont absents chez lui : propriété,
religion, patriarcal, corporation, providence, Dieu. Mais il y a un
«style de pensée» qui les rassemble, et surtout un
ennemi commun : la Philosophie des Lumières, et, en
général, le «rationalisme du XVIIIème
siècle» et sa philosophie sociale, pour laquelle ils
partagent une totale aversion. On s'en tiendra à une
hypothèse minimaliste et prudente : avoir les mêmes
adversaires n'implique nullement une identité, mais permet des
rapprochement pour le moins surprenants.
L'origine de la sociologie dans la pensée
conservatrice-traditionnaliste née du refus de la
Révolution française a été affirmée
à maintes reprises par Robert Nisbet (1944, 1952, 1966) et Karl
Mannheim (1953, p. 94-119) :
[93]
«La sociologie, tout autant que le traditionnalisme, est
née essentiellement comme réaction aux
événements de la Révolution» (Nisbet, 1944,
p. 320).
Nisbet insiste sur le fait que la pensée de Saint-Simon et de
Comte, qui ont tant participé à l'avènement de la
sociologie, reposait sur un programme de réorganisation de la
société, pour venir à bout de l'anarchie et de la
désorganisation causées par la Révolution. Mais
même Durkheim est vu par Nisbet dans la continuité de la
pensée de Bonald :
«[Durkheim] partage les opinions de Bonald sur l'essence morale
de la société et la priorité de la
société sur l'individu. […] C'est dans la religion
et la société que Durkheim, pas moins, assurément,
que Bonald, découvre l'origine de nos principales valeurs,
idées et catégories de pensée. Développant
les positions de Bonald, Durkheim trouve la source de nos
catégories d'espace, de temps, de causalité et de classe
dans l'action qu'exerce la société sur l'individu»
(Nisbet, 1944, p. 322).
Une des valeurs fondamentales de la Révolution française
a été la suppression de tout groupe constitué
faisant obstacle à la relation directe entre l'individu et
l'Etat. Pour les penseurs des Lumières, la famille patriarcale,
les guildes, les «états», les corporations,
l'Eglise,
[94]
sont des obstacles irrationnels à la liberté des
individus. Turgot, Helvetius, Sieyès, Condorcet, tous affirment
qu'un Etat rationnel doit faire disparaître ces groupes
intermédiaires. Même la famille, sous sa forme
traditionnelle, est une tyrannie et un anachronisme, «contre la
nature et contraire à la Raison».
La loi Le Chapelier (1791), qui abolissait les corporations, est
à cet égard peut-être une de celles qui ont le plus
marqué le changement de régime et qui ont suscité
le plus de résistance de la part des traditionnalistes (son
abrogation a été un des actes symboliques du
régime de Vichy). Pour Louis de Bonald, sans la famille,
l'Eglise et les corporations pour lier les individus ensemble, il ne
peut résulter que désordre et tyrannie. Or c'est
précisément l'appartenance de l'individu à un
groupe social que revendiquaient Bonald et les traditionnalistes, non
pas comme instrument d'oppression, mais au contraire comme protection
naturelle de l'individu contre la tyrannie d'un Etat rationaliste, dans
lequel l'individu est isolé est donc livré à
l'arbitraire. On va voir que cette notion de groupe social est
précisément la base du «sociologisme» de
Vološinov.
3. Vološinov : qu'est-ce qu'un homme?
3.1. L'homme en soi vs l'homme en groupe
Faire une lecture «anti-Lumières» de Vološinov est
loin de tout expliquer dans le dédale de ses textes, mais a
l'avantage de donner une voie d'accès à un monde perdu,
rendu inaccessible en France par un filtre biaisé : le marxisme
althussérien de ses lecteurs parisiens des années 1970 ,
qui fut pendant longtemps une grille interprétative fort
inadéquate. On insistera sur deux principes de
[95]
travail : une recontextualisation fine du texte, une approche comparative .
Ici encore, on va partir d'un thème constamment martelé
par Joseph de Maistre, à savoir que l'Homme, ça n'existe
pas, du moins «l'homme abstrait» des philosophes.
«Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des
Français, des Italiens, des Russes. Je sais même
grâce à Montesquieu qu'on peut être Persan; mais
quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré
de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu»,
Considérations sur la France, 1796, (1989, p. 145).
Vološinov reprend cette idée régulièrement dans la
plupart de ses textes pour expliquer la «réfraction
idéologique, c'est-à-dire sociale», ou le fait que
le sujet n'est pas divisé, mais pris comme partie d'un Tout que
le dépasse :
«Une personne isolée, en son propre nom, à ses
risques et périls, ne peut avoir affaire avec l'histoire. Ce
n'est que comme membre d'un tout social, dans sa classe et par sa
classe qu'elle devient historiquement réelle et active. Pour
entrer dans l'histoire, il ne suffit pas de naître physiquement
(c'est ainsi que naît un animal, mais sans entrer pour autant
dans l'histoire), il faut une seconde naissance, une naissance sociale.
Ce n'est pas un organisme biologique abstrait qui naît, mais un
paysan ou un propriétaire foncier, un prolétaire ou un
bourgeois, et c'est là l'essentiel; ensuite, on naît russe
ou français, etc., enfin en 18.. ou en 19.., et ce n'est
qu'à partir de là que commence l'histoire, c'est
là que naît l'idéologie. Toutes les tentatives de
passer outre cette seconde naissance sociale et de tout faire partir du
fait biologique de la naissance et de la vie d'un organisme pris
isolément sont sans espoir, elles sont d'avance
condamnées à l'échec : aucun acte de l'homme pris
comme un tout, aucune construction idéologique ne peuvent
être expliqués et compris par cette voie et même des
questions étroi-
[96]
tement spécialisées de biologie ne sauront
être résolues de façon exhaustive sans tenir compte
de la place sociale de l'organisme humain étudié dans sa
particularité.» (PTS187)
«Le biologique ou le psychologique ne sont que des
catégories abstraites. […] C'est du trop
général (ce qui est commun à tous les hommes ou
même à l'ensemble des êtres vivants) ou du trop
particulier (de l'individuel) qu'on parle le moins. L'un va sans dire,
l'autre est inintéressant.» (PTS210)
«Tout besoin naturel, pour devenir un désir humain
vécu et exprimé, doit obligatoirement passer par un stade
de réfraction idéologique, par conséquent,
sociale, tout comme un rayon de soleil ou d'étoile, qui ne peut
parvenir jusqu'à nos yeux qu'après avoir
été inévitablement réfracté dans
l'atmosphère terrestre. En effet, l'homme ne peut pas dire un
mot en étant juste un homme, un individu naturel (biologique),
une espèce bipède du royaume animal. La simple expression
de la faim : j'ai faim, ne peut être dite (exprimée) que
dans une langue particulière (ne serait-ce que dans un langage
linéaire ou manuel) , elle sera dite avec une intonation et une
gesticulation particulières.» (ČTO60)
«Même une œuvre poétique est
étroitement inserée dans le contexte non dit de la vie.
Si l'auteur, l'auditeur et le héros se rencontraient pour la
première fois comme des personnes abstraites, sans être
liées par aucun horizon commun, et qu'ils prenaient les mots du
[97]
dictionnaire, on n'obtiendrait pas une œuvre prosaïque,
et à plus forte raison une œuvre poétique».
(SVŽ257)
«Le signe ne peut surgir que sur le terrain interindividuel,
lequel, du reste, n'est pas 'naturel' au sens propre de ce terme :
entre deux homo sapiens un signe ne va pas apparaître
spontanément. Il faut que deux individus soient socialement
organisés, qu'ils constituent une collectivité : c'est
seulement à cette condition que peut se former entre eux un
milieu sémiotique. Non seulement la conscience individuelle ne
peut pas expliquer quoi que ce soit, mais, au contraire, c'est
elle-même qui doit être expliquée par le milieu
idéologique et social.» (MPL 16-17)
«C'est que l'énoncé se construit entre deux
individus socialement organisés, et s'il n'y a pas
d'interlocuteur réel, alors on le présuppose, pour ainsi
dire, en la personne, d'un représentant normal du groupe social
auquel appartient le locuteur. Le Mot est orienté vers
l'interlocuteur, il dépend de qui est cet interlocuteur :
quelqu'un du même groupe social ou non, un supérieur ou un
inférieur hiérarchique, lié ou non au locuteur par
des liens sociaux plus ou moins étroits (père,
frère, mari, etc.). Il ne peut y avoir d'interlocuteur abstrait,
pour ainsi dire, d'homme en soi ; avec lui, en effet, nous n'aurions
pas de langage commun ni au sens propre ni au sens
figuré.» (MPL86-87)
3.2. Qu'est-ce qu'un groupe?
Chez Vološinov comme chez de Bonald, un terme-clé est «groupe social». Pour de Bonald, les individus n'ont ni droits ni même existence en dehors de leur groupe, qui seul a des droits . Vološinov ne s'intéresse ni au droit ni à l'organisation d'une société ou d'un Etat, mais il partage avec de Bonald l'idée que
[98]
l'individu n'a aucune existence en dehors du «groupe
social» auquel il appartient. Ce dernier terme n'est jamais
défini, et il faut en reconstituer le sens au fur et à
mesure de ses emplois. Ce sont par exemple les groupes qui produisent
la connaissance instinctive des «genres de la parole
quotidienne» : «On trouve encore d'autres types dans les
veillées de village, les fêtes populaires en ville, le
bavardage des ouvriers pendant la pause à l'heure du
déjeuner, etc. » (MPL99). On apprend, par exemple, que la
«conversation d'un mari avec sa femme, d'un frère avec sa
sœur» forme un groupe (KON68). Chez Vološinov il y a
essentiellement ces groupes, qui sont par définition
homogènes : l'hétérogénéité
est reportée à un autre niveau, entre les groupes.
Vološinov répète régulièrement que
l'individu «isolé» (de son groupe) soit ne peut pas
être étudié, soit est une simple chimère,
soit, s'il existe, ne peut être que «fou ou idiot»:
«Il reste un dernier cas, lorsqu'une personne a perdu son
auditeur intérieur, et que dans sa conscience se sont dissouts
tous les points de vue stables et solides, que son existence, sa
conduite sociale ne sont plus dirigées que par des penchants et
impulsions absolument contingents, irresponsables et sans principe. On
assiste alors à un phénomène de chute
idéologique de la personne hors de son milieu de classe, qui
suit habituellement le déclassement total de l'homme. Dans
certaines conditions sociales particulièrement
défavorables, semblable arrachement de la personne au milieu
idéologique qui l'a nourrie peut mener en fin de compte à
une désagrégation complète de la conscience,
à la folie ou à l'idiotie». (KON71)
On peut ici effectivement penser au livre de Durkheim : Le suicide
(Paris, 1897). Nisbet (1944, p. 323) y voit un parallélisme
saisissant avec les positions de Bonald concernant l'individualisme :
le suicide exprime l'affaiblissement des liens du groupe et l'isolement
de l'individu par rapport aux normes de la société.
Pour Bonald comme pour les romantiques allemands (Fichte), la
société est un organisme vivant, et non un assemblage
d'individus naturellement libres dans une
«société» prise abstraitement comme pour
Hobbes ou Locke. La société n'est donc pas une
[99]
collection d'individus, mais un ensemble organique
hiérarchisé de «groupes sociaux» par lesquels
et dans lesquels vivent les individus. Pour Bonald comme pour
Vološinov, la réalité de l'individu n'est pas la
«société» au sens abstrait, mais le groupe
social concret dans lequel il vit. Il s'agit d'un niveau
intermédiaire entre l'individu et la société
globale. Chez Vološinov, le groupe intermédiaire est la
dimension sociale exacte de l'individu.
On peut ici faire une nuance dans la comparaison : chez Vološinov la société n'est pas organique, puisque il y a lutte perpétuelle, en revanche, ce qui est «organique», au sens d'harmonieux, de non conflictuel, c'est bien le groupe, décrit en termes de «milieu» (au sens écologique, et non d'une sociologie différentialiste). Mais les gens de «groupes différents» ne se parlent jamais. On ne «communique» qu'entre «gens» qui appartiennent au même groupe. Or c'est cela qui fait de Vološinov un bien étrange marxiste, lui qui, à la différence de Gramsci son contemporain, ne s'intéresse nullement à la politique. Dans cette socialité généralisée, aucune singularité, aucune asocialité n'est possible sauf à devenir «fou ou idiot».
Comme chez de Bonald, le social est tout, le politique n'est rien,
puisqu'on ne peut pas sortir de son groupe social ni s'élever
contre lui. L'individu est pris dans les rêts d'un strict
déterminisme, qui définit de façon circulaire le
groupe par la compréhension et inversement. Ce qui importe en
effet pour lui est la «compréhension mutuelle» des
membres d'un groupe, lequel, comme dans toute théorie
minimaliste de la communication, commence à deux. Vološinov ne procède à aucune enquête, il ne recueille aucun fait. Tous ses exemples sont soit empruntés à la littérature, soit inventés de toute pièce. Il n'en produit que deux en tout et pour tout, qui ont pour but de souligner la même évidence, à savoir que les «gens» qui ont le même «vécu» se comprennent à demi-mot. Ainsi, dans l'article de 1926 «Le Mot dans la vie et le Mot dans la poésie», il produit un «énoncé concret» : «tak!» ('eh bien!'), dont le sens, dit-il, est totalement inaccessible par les moyens linguistiques traditionnels d'analyse phonétique et morphologique. Mais la connaissance commune de la «situation» par les participants de ce «dialogue» rend «entièrement compréhensible», cet énoncé, qui prend tout son sens quand on sait que les deux protagonistes sont assis dans une pièce, qu'à la fenêtre on voit la neige tomber, qu'on est au mois de mai, et que le mot «tak» est prononcé avec une ironie lasse. Tout est donc clair : il est temps que le prin-
[100]
temps arrive. La récupération du non-dit par la
connaissance commune de la situation est ce que Vološinov appelle
«l'enthymème» : il est inutile de tout
énoncer, le «vécu» commun supplée au
non-explicite.
On voit que le «groupe social» chez Vološinov est d'une
très grande souplesse. Parfois il s'agit de personnes qui
parlent, parfois il s'agit de groupes socialement constitués,
mais l'important est que les «gens» y communiquent toujours
sans entraves. On va ainsi trouver, dans l'énumération
des groupes sociaux, aussi bien un couple d'interlocuteurs (un
professeur et un étudiant lors d'un examen oral à
l'université) que des gens rassemblés dans une occupation
commune (des ouvriers discutant à la pause du déjeuner
à la cantine de leur usine). Mais, curieusement, le
«groupe» le plus souvent exemplifié est celui de la
famille, celui-là même qui était le fondement de
l'ordre social pour Bonald et de Maistre.
«La famille est un corps; elle est même plus qu'un corps,
car elle est une société, et autant société
que l'Etat lui-même, dont elle est, par sa constitution native le
germe, le type, et même la raison, puisque l'Etat existe
après la famille, par la famille, pour la famille, et constitue
comme la famille.» (Bonald, 1859, t. II, p. 200)
Vološinov ne s'intéresse pas à l'Etat, mais beaucoup à la famille, dont il donne une description saisissante, par exemple dans sa critique du complexe d'Œdipe chez Freud. Pour lui, la famille de l'époque capitaliste se définit du fait que le père est le chef d'entreprise, le fils l'héritier. Mais à l'époque du meurtre perpétré par Œdipe, «la mère était le chef (survivance du matriarcat), et seule la main de la mère donnait droit au trône (transmission de l'héritage par la voie matrilinéaire). Le fils ne pouvait que s'écarter ou éliminer le père. […]
Freud a sexualisé ce motif, et, de ce fait, a
éliminé la famille» (PTS210).
Mais la plupart du temps, la famille est donnée comme une évidence an-historique :
[101]
«Ce qui est social est, dans ses fondements mêmes, entièrement objectif : c'est en effet avant tout l'unité matérielle du monde, lequel entre dans l'horizon des locuteurs (une pièce, la neige à la fenêtre dans notre exemple), et l'unité des conditions de vie réelles, engendrant une communauté d'évaluations : l'appartenance des locuteurs à une même famille, profession, classe ou à tout autre groupe social, et enfin à une même époque, puisque les locuteurs sont des contemporains. Les évaluations sous-entendues sont par conséquent non pas des émotions individuelles, mais des actes nécessaires, qui possèdent leur loi interne sociale» (SVŽ251).
«Il y a le sous-entendu de la famille, du clan, de la nation, de la classe, de la journée, de l'année ou de toute une époque. A mesure de l'élargissement de l'horizon partagé et du groupe social qui lui correspond, les aspects sous-entendus de l'énoncé deviennent de plus en plus stables» (SVŽ252).
3.3. La hiérarchie
Vološinov n'est bien sûr pas un «conservateur» au sens strict : il ne dit pas que tout doit rester en l'état (puisqu'il y a «devenir constant»), mais il dit encore moins que la division en classes (et groupes sociaux) doit ou va disparaître. Chez lui, il y a des groupes, et il y a une hiérarchie. On va trouver dans ses textes une grande insistance sur la notion de hiérarchie de «la» société, sans aucune allusion à une situation concrète : on ne sait jamais s'il s'agit de l'URSS qui lui est contemporaine ou de l'«Occident» capitaliste.
«Une analyse plus approfondie nous montrerait l'importance considérable de la composante hiérarchique dans l'interaction verbale, la puissante influence qu'exerce l'organisation hiérarchique de la communication sur les formes de l'énoncé. Le respect de l'étiquette langagière, des règles de politesse verbale et d'autres formes d'adaptation de l'énoncé à l'organisation hiérarchisée de la société sont très importants aux fins de l'élaboration des principaux genres utilisés dans la vie quotidienne. » (MPL24)
« De plus, il faut toujours prendre en compte la position du Mot
d'autrui rapporté dans la hiérarchie sociale. Plus le Mot
d'autrui
[102] est perçu comme se plaçant à un haut niveau hiérarchique, et plus ses frontières sont nettes, moins il est accessible aux commentaires et aux répliques de ce niveau qui s'efforcent de le pénétrer.» (MPL121)
Parfois les groupes sociaux sont déterminés par la base
économique, mais c'est toujours pour souligner qu'on ne se
comprend qu'à l'intérieur du groupe :
«La base matérielle détermine la
différenciation de la société et de sa structure
socio-politique, elle répartit et dispose
hiérarchiquement les individus qui y interagissent ; c'est cela
qui détermine le lieu, le moment, les conditions, les formes,
les moyens de la communication verbale, et tout cela à son tour
détermine les vicissitudes de l'énoncé individuel
à un moment donné de l'évolution de la langue, son
degré d'impénétrabilité, le degré de
différenciation des divers aspects qu'on y perçoit, le
caractère de son individualisation sémantique et
verbale.» (MPL151)
«Nous avons montré que tout l'ensemble des conditions d'une situation donnée et d'un auditoire donné (et surtout la distance socio-hiérarchique entre les locuteurs) a conditionné toute la construction de l'énoncé : le sens général de l'intervention verbale de Cˇicˇikov, les thèmes de cette intervention, l'intonation, le choix des mots et leur répartition.» (SOC43)
Vološinov insiste sur ce respect de la hiérarchie dans ses conseils aux écrivains débutants :
«Un mot et un geste de la main, une expression du visage et une pose corporelle, sont de la même manière soumis à la situation sociale, ils sont de la même manière organisés par elle. Avoir des 'mauvaises manières' c'est ne pas prendre en compte son interlocuteur, c'est ignorer les liens socio-hiérarchiques entre le locuteur et son auditeur, c'est l'habitude (souvent inconsciente) de ne pas changer l'orientation sociale d'un énoncé (par le geste et la parole) lorsqu'on change de cercle social, d'auditoire». (KON74)
[103] On voit ainsi apparaître un étonnant conformisme social : il faut parler en conformité avec les attentes sociales. Le marxisme de Vološinov n'a rien de très
révolutionnaire.
Certes, il parle souvent de «lutte de classes». Mais d'une
part dans la totalité du corpus il n'y a pas un seul exemple
concret de lutte de classe dans la langue ou la parole : il n'y a
jamais de conflit sur le sens des mots. D'autre part la notion de
«classe» appartient aussi au langage des traditionnalistes
: J. de Maistre dit, à propos de l'utilité des
châtiments :
«Toutes les classes seraient corrompues, toutes les
barrières seraient brisées : il n'y aurait que confusion
parmi les hommes si la peine cessait d'être infligée ou
l'était injustement» (1821 [1980, p. 31])
Notons que chez Vološinov les classes (ou groupes sociaux) ne se parlent jamais, elles s'ignorent superbement. Tout au plus arrive-t-il qu'elles se battent (cf. la police et les manifestants dans SOC). Mais elles ne se parlent pas, pour la simple raison qu'il faut un enthymème à la compréhension. Or sans compréhension, point de communication, donc point de dialogue. (A la différence de Bakhtine, il n'y a jamais non plus de communication inter-langue : il faut appartenir à la même communauté linguistique pour communiquer, mais ce n'est pas suffisant : il faut avoir un vécu en commun. )
3.4. Le refus du rationalisme du XVIIIème siècle
Vološinov participe du grand mouvement de discréditation du rationalisme, qui avait parcouru tout le XIXème siècle. Il s'oppose à de Bonald sur l'origine surnaturelle du langage, mais il partage sa profonde aversion pour le XVIIIème siècle rationaliste et pour Condillac en particulier :
« Ce n'est nullement de façon surnaturelle, ni par une
«invention» consciente préméditée
(comme on le pensait au XVIIIème siècle), que le langage
est apparu dans la société humaine.» (ČTJ50)
C'est bien l'univers cartésien qu'on sent affleurer
derrière sa critique du saussurisme, rebaptisé «
l'objectivisme abstrait» :
«Il faut chercher les racines de cette orientation dans le rationalisme des
[104] XVIIème et XVIIIème siècles. Ces racines plongent dans le terreau cartésien.» (MPL59)
«L'idée de la langue en tant que système de signes arbitraires et conventionnels, de nature fondamentalement rationnelle, a été élaborée sous une forme simplifiée au XVIIIème siècle par les penseurs de l'époque des Lumières. Apparues sur le terrain français, les idées de l'objectivisme abstrait règnent encore aujourd'hui principalement en France. » (MPL60)
Ainsi, ignorer la spécificité du matériau sémiotique idéologique est une simplification qui n'explique que le contenu rationnel d'un phénomène idéologique (MPL21). Du point de vue de la langue, pour l'objectivisme abstrait, le changement historique des formes est irrationnel et dépourvu de sens (MPL59). Mais surtout,
«L'idée du caractère conventionnel, arbitraire de
la langue, tout comme la comparaison du système de la langue
avec le système de signes mathématiques sont
caractéristiques de tout le courant rationaliste. L'esprit des
rationalistes, orienté vers les mathématiques, ne
s'intéresse pas au rapport du signe à la
réalité qu'il reflète ou à l'individu qui
en est à l'origine, mais au rapport du signe à un autre
signe à l'intérieur d'un système clos, une fois
qu'il a été adopté et admis. En d'autres termes,
ils ne s'intéressent qu'à la logique in-
[105] terne du système de signes lui-même,
considéré, comme en algèbre, tout à fait
indépendamment des significations idéologiques qui en
font le contenu. Les rationalistes ne sont pas opposés à
prendre en considération le point de vue du récepteur qui
cherche à comprendre, mais ils refusent celui du locuteur en
tant que sujet qui exprime sa vie intérieure. Le signe
mathématique, c'est sûr, peut moins que tout autre
être interprété comme l'expression du psychisme
individuel ; or le signe mathématique était, pour les
rationalistes, l'idéal de tout signe, y compris du signe
linguistique. Tout cela a trouvé son expression la plus claire
dans l'idée leibnizienne de grammaire universelle.»
(MPL59-60).
Pour Vološinov, le rationalisme du XVIIIème siècle se caractérise par son idée que le signe est arbitraire et conventionnel (deux qualificatifs qui sont toujours employés comme synonymes, cf. MPL59-60). Les idées de Saussure sont marquées par l'esprit du rationalisme, qui considère l'histoire comme un élément irrationnel venant troubler la pureté logique du système de la langue (MPL64). Enfin, le rationalisme est «mécaniste» (MPL83), parce qu'il ne peut pas expliquer l'histoire, «alors que la langue est un phénomène purement historique» (ib.). Ce qui est rationnel est en même temps «logique» (PTS207), mais c'est aussi Kant qui est visé, puisque la méthode d'analyse rationnelle est synonyme de «méthode transcendentale» (PTS188). La «pensée mécaniste» confond les signes et les signaux (MPL70). La compréhension mécaniste des phénomènes langagiers se marque dans l'intérêt de l'objectivisme abstrait pour les langues mortes.
On entre ainsi dans un univers métaphorique où la
«vie» est toujours mise en regard de la «mort»,
de l'«inerte».
3.5. Le mécanique vs l'organique
Dans les mêmes termes que Jakobson, Vološinov accuse de «mécanisme» toute théorie qui n'est pas «vivante». Le mécanisme est «naïf» (MPL17), mais c'est essentiellement la catégorie de causalité qui
[106] est ici mise en cause : elle ne peut être que mécanique, et donc «positiviste» et «inerte» (MPL20-21, 28). Ce passage rappelle mot pour mot les nombreuses diatribes que Jakobson a écrites dans les années 1920-1930 contre «la notion positiviste de causalité mécanique» (cf. Sériot, 1999). Le linguiste vosslérien Kalepky «fait un pas en avant» dans l'étude du discours indirect libre en explorant ce phénoméne comme une nouvelle direction stylistique plutôt que comme «l'addition mécanique de traits abstraits des deux formes» (MPL141).
Bien entendu, ce qui n'est pas «mécanique» est
«organique». C'est alors une dichotomie de valeurs
parfaitement nette et fort classique qui se met en place : ce qui est
organique, vivant, dynamique, entier, est systématiquement mis
en regard de son pendant dévalorisé : le
mécanique, le mort, le statique, le divisé. Une
totalité, une unité sont organiques, mais la
causalité est mécanique . Toutes ces notions sont
présentes en abondance dans le romantisme en Allemagne, elles
font pendant à l'opposition entre Gesellschaft et Gemeinschaft
de Ferdinand Tönnies (1887).
«Ces produits idéologiques constitués [la morale
sociale, la science, l'art, la religion] gardent toujours le lien
organique le plus vivant avec l'idéologie du quotidien, ils se
nourrissent de ses sucs, car en dehors d'elle ils sont morts, comme
sont mortes, par exemple, une œuvre littéraire achevée ou une idée cognitive en dehors de leur perception évaluative vivante.» (MPL93).
Mais ce qui est le plus souvent organique chez Vološinov est le lien,
qui est en même temps indissoluble (nerazryvnaja).
Encore une fois, nous sommes dans un monde profondément
anti-kantien : il faut rassembler ce que Kant a séparé.
[107]
Conclusion
Il me semble avoir montré que la lecture du corpus de Vološinov peut s'effectuer à plusieurs niveaux. Sous la critique de Saussure et de l'«objectivisme abstrait» on peut déceler les échos de mouvements d'idées plus anciens, plus profonds, parfois échos lointains, parfois rappels criants d'un monde qui a refusé, en bloc, l'indidualisme des Lumières, le rationalisme cartésien, l'égalitarisme jacobin, et les catégories «abstraites» et «isolées» de Kant.
On peut aller plus loin et faire remarquer que Marxisme et philosophie du langage de Vološinov (1929) anticipe sur bien des points un livre dont le titre lui fait écho : Marxisme et questions de
linguistique de J. Staline (1950).
«On dit que les pensées naissent dans la tête des gens avant d'être exprimées dans la parole, sans aucun support langagier, sans enveloppe langagière, pour ainsi dire, à nu. Mais c'est absolument faux. Quelles que soient les pensées qui apparaissent dans la tête des gens, et quel que soit le moment de cette apparition, elles ne peuvent exister que sur la base d'un matériau langagier, sur la base de termes et de phrases appartenant à une langue. Il n'existe pas de pensées nues, libres de tout support dans la langue» (Staline : «Réponse à la camarade Krašeninnikova», dans Staline, 1950, p. 80-81).
Aleksandr Etkind, dans son livre sur l'histoire de la psychanalyse en
Union Soviétique, y voit une utopie «parfaitement
totalitaire» :
(pour Vološinov comme pour Staline) «il n'y a rien chez l'homme qu'on ne puisse lire. […] Ce que l'homme se cache à lui-même, il le cache à la société. Il n'y a pas de place pour de tels soupçons : tout ce qui a quelque importance doit être sous contrôle; seul ce qui peut être lu peut être contrôlé; et ne peut être lu que ce qui est exprimé dans les mots… Cest pourquoi chez l'homme soviétique il n'y a rien qui ne soit exprimé en mots. 'Il n'y a pas de pensées nues', sans parler de sentiments. En dehors des mots, il n'existe rien. Voilà pourquoi pour les juges d'instruction l'aveu était si im- [108] portant : il n'existait pour eux aucune autre réalité que celle des mots» (Etkind, 1993, p. 399).
Ces rapprochements, ces comparaisons, laissent une impressions
dérangeante. Elles n'expliquent rien, mais elles incitent
à penser de façon différente, à faire
reprendre les catégories dans leurs fondements.
Je ne peux alors que renvoyer à Lautréamont :
«Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire» (Chants de Maldoror, VI).
Bibliographie
L'ensemble du corpus de Vološinov est regroupé de la façon suivante :
- ČTJ : «Čto takoe jazyk?», Literaturnaja učeba, n°2, 1930, p. 48-66. [Qu'est-ce que la langue?]
- FRE : Frejdizm : kritičeskij očerk, Moskva-Leningrad : Gosizdat, 1927. [Le freudisme, essai critique].
- GRA : «O granicax poètiki i lingvistiki», in V
bor'be za marksizm v literaturnoj nauke, pod red. Desnickogo V. i dr.,
Leningrad : Priboj, 1930, p. 203-240 [Les frontières de la
poésie et de la linguistique]
- KON «Konstrukcija vyskazyvanija», Literaturnaja učeba,
n° 3, 1930, p. 65-87. [La construction de l'énoncé]
- MPL : Marksizm i filosofija jazyka : Osnovnye problemy
sociologičeskogo metoda v nauke o jazyke, Leningrad : Priboj, 1929. [Le
marxisme et la philosophie du langage. Les problèmes essentiels
de la méthode sociologique dans la science du langage]. 2e
édition : 1930.
- NOV : «Novejšie tečenija lingvističeskoj mysli na
Zapade», Literatura i marksizm, n° 5, p. 115-149, Moskva :
Učenye zapiski Instituta Jazyka i Literatury, 1928. [Les nouveaux
courants de la pensée linguistique en Occident].
- PTS : «Po tu storonu social'nogo», Zvezda, n° 5, 1925 [De l'autre côté du social].
- SOC : «Slovo i ego social'naja funkcija», Literaturnaja
učeba, n° 5, 1930, p. 43-59. [Le mot et sa fonction sociale]
- SVŽ : «Slovo v žizni i slovo v poèzii : k voprosam
sociologičeskoj poètiki», Zvezda, n° 6, 1926. [Le mot
dans la vie et le mot dans la poésie : questions de
poétique sociologique]
BERLIN Isaiah, 1978 : Russian Thinkers, New York : Viking.
BERLIN Isaiah, 1992 : The Crooked Timber of Humanity (Chapters in the History of Ideas), New York : Vintage books.
BONALD Louis de, 1859 : Œuvres complètes, Paris : Migne.
BRANDIST Craig, 2002 : «Two Routes 'To Concreteness' in the Work
of the Bakhtin Circle», Journal of the History of Ideas, Vol. 63,
N° 3., pp. 521-537.
CALVET Louis-Jean, 1975 : Pour et contre Saussure, Paris : Payot.
CERTEAU Michel de, 1975 : L'écriture de l'histoire, Paris : Gallimard.
ETKIND Aleksandr, 1993 : Eros nevozmožnogo. Istorija psixoanaliza v
Rossii, Sankt-Peterburg : Meduza. [L'éros de l'impossible.
Histoire de la psychanalyse en Russie, trad. fr. L'histoire de la
psychanalyse en Russie, Paris : P.U.F., 1998]
FOUCAULT Michel, 1969 : L'archéologie du savoir, Paris : Gallimard.
FOUCAULT Michel, 1971 : L'ordre du discours, Paris : Gallimard.
GADET Françoise & PECHEUX Michel, 1981 : La langue introuvable, Paris : Maspero.
GARDIN Bernard, 1978 : «Volochinov ou Bakhtine ?», La Pensée, février 1978, p. 87-100.
HOUDENINE Jean-Louis, 1977 : Langage et marxisme, Paris : Klincksieck.
JAKOBSON Roman, 1971 : «Retrospect», Selected Writings-II, La Haye : Mouton, p. 711-722.
JAKOBSON Roman, 1980 : Dialogues avec K. Pomorska, Paris : Flammarion.
LAMENNAIS Hugues-Félicité Robert de, 1840 : Esquisse d'une philosophie, Paris.
LESTITION Steven, 2007 : «Countering, Transposing, or Negating
the Enlightenment? A Response to Robert Norton», Journal of the
History of Ideas, vol. 68, n° 4, p. 659-681
MAISTRE Joseph de, 1821 : Les soirées de Saint-Pétersbourg, reprint : Paris : La Maisnie, 1980, t.1.
MANNHEIM Karl, 1953 : Essays on Sociology and Social Psychology, London : Routledge & Kegan Paul.
MUEL-DREYFUS Francine, 2004 : «La rééducation de la
sociologie sous le régime de Vichy», Actes de la recherche
en sciences sociales, 153, p. 65-77.
NISBET Robert, 1944 : «De Bonald and the Concept of the Social
group», Journal of the History of Ideas, vol. V, n° 3, p.
315-331.
NISBET Robert, 1952 : «Conservatism and Sociology», The American Journal of Sociology, n° 7, p. 167-175.
NISBET Robert, 1966 : The Sociological Tradition, New York : Basic
Books. Trad. fr. : La tradition sociologique, Paris : P.U.F., 1993.
NORTON Robert E., 2007 : «The Myth of the
Counter-Enlightenment», Journal of the History of Ideas, vol. 68,
n° 4, p. 635-658
PIPES Richard, 2005 : Russian conservatism and its critics, New Haven & London : Yale University Press.
SERIOT Patrick, 1999 : Structure et totalité. Les origines
intellectuelles du structuralisme en Europe orientale, Paris : P.U.F.
SERIOT Patrick, 2005 : «Si Vico avait lu Engels, il s'appellerait
Nicolas Marr», in P. Sériot (éd.) : Un paradigme
perdu : la linguistique marriste, Cahiers de l'ILSL (Université
de Lausanne), n° 20, p. 227-254.
SERIOT Patrick, 2008 : «Généraliser l'unique :
genres, types et sphères chez Bakhtine», LINX
(Paris-X-Nanterre), n° 56, p. 31-47.
STALIN Josip, 1950 : Marksizm i voprosy jazykoznanija, Moskva :
Gosudarstvennoe izdatel'stvo političeskoj literatury. [Marxisme et
questions de linguistique]
TÖNNIES Ferdinand, 1887 : Gemeinschaft und Gesellschaft.
Grundbegriffe der reinen Soziologie; trad. fr. : Communauté et
société, Paris : rééd. Retz-C.E.P.L..