Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы
-- P. Kirjushin : Mezhdunarodnaja rabochaja svjaz’ na èsperanto, Moskva : Izdanie CK SÈSR, 1930.
Avec la nouvelle organisation politique de l’URSS, l’Union des Espérantistes des Pays Soviétiques (SÈSS en russe) devint l’Union des Espérantistes des Républiques Soviétiques (SÈSR). C’est la maison d’édition de cette dernière qui publie en 1930 cette petite brochure de P. Kirjushin, sur lequel nous ne disposons pour le moment d’aucune information biographique. Ce petit texte s’intitule Les relations ouvrières internationales en espéranto.
Comme souvent quand il s’agit d’un texte destiné à promouvoir l’espéranto, celui-ci débute par l’explicitation d’une contradiction que seul l’espéranto pourra résoudre. A l’heure où l’URSS accueille de plus en plus de travailleurs étrangers venus visiter leurs camarades soviétiques, l’intercommunication s’avère des plus limitées. On se contente de parler avec les yeux ou les mains, on se tape vigoureusement sur l’épaule? On ne peut aller plus loin, car on ne parle pas la même langue.
Il y a bien eu des efforts consentis dans le but d’introduire les langues étrangères au sein de la classe laborieuse : des clubs, les cellules du Parti, les groupes des Jeunesses Communistes se sont mis à proposer des cours de langues étrangères ; on peut aussi apprendre l’allemand ou l’anglais en écoutant la radio ou en lisant la Komsomol’skaja Pravda, qui proposent aussi des cours aux auditeurs et aux lecteurs.
Malgré cela, la maîtrise des langues étrangères reste l’apanage de l’intelligentsia. A part les camarades qui ont vécu à l’étranger ou ceux qui ont eu le temps d’apprendre une langue en prison, ceux qui ont suivi les cours proposés par les clubs ou les associations sont juste capables de ressortir quelques règles de grammaire ou de réciter un petit texte appris par cur. Il leur est impossible de communiquer réellement, d’écrire ou de lire un journal.
Bien sûr, ces piètres résultats ne viennent pas du fait que les travailleurs sont moins intelligents, moins assidus. Si les travailleurs ont des difficultés à acquérir les langues, le problème vient des langues. Pourtant, pour pouvoir s’unir, les prolétaires de tous les pays devront être capables de communiquer entre eux. Le salut viendra de l’espéranto, la langue la plus facile et donc accessible à tous. Grâce à l’espéranto, des dizaines de milliers de travailleurs correspondent déjà entre eux, sans avoir eu besoin d’un long apprentissage : en travaillant régulièrement, n’importe quel camarade sera capable de correspondre et de communiquer en espéranto au bout de six mois. L’espéranto ouvre le monde aux travailleurs, et grâce à lui, lors de la prochaine visite d’une délégation étrangère en URSS, les travailleurs soviétiques ne se contenteront plus de sourire bêtement.
(Sébastien Moret)