Le concept de phonème est un des points forts des discussions des linguistes et des psychologues en URSS des années 1920-1930, comme en témoigne l’article de Strelkov qui laisse la parole aux divers chercheurs et comparant leurs points de vue.
S.M. Dobrogaev, dont la conception est au centre de l’analyse, étudie la nature psychique du phonème. Il propose une approche du phonème comme réflexe, étudie son côté physiologique et anatomique, mais laisse de côté sa fonction de signal et de symbole. Le phonème est selon Strelkov « un son qui a reçu une qualification sociale ».
Strelkov passe en revue toutes les conceptions du phonème qui existaient à cette époque-là, ce qui présente un grand intérêt pour les historiens de la linguistique. Ce qu’il reproche cependant à tous les chercheurs, c’est le fait qu’ils ne mettent pas assez en avant la nature sociale du phonème, comme élément d’un système concret de la langue. Mais en même temps, le phonème comme type sonore qui se découvre lors du processus de la parole dans toute la variété de ses nuances.
L’article propose ainsi une vision du phonème que nous pourrions qualifier de sociologique : c’est la collectivité langagière qui détermine ce qui doit être considéré comme phonème, et non pas un physicien ni un physiologiste, même munis d’appareils les plus modernes.