— 9 h 30 | Accueil des participants |
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— 9 h 45 | Patrick SERIOT (Lausanne) | Présentation |
— 10 h | Savina RAYNAUD (Milan) |
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— 10 h 45 |
Pause |
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— 11 h 15 |
Kateřina CHOBOTOVÁ (Lausanne / Prague) |
Le rôle de la langue « littéraire » lors de la création de la nation tchèque |
— 12 h 00 | Repas |
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Après-midi |
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— 14 h 00 |
Virginie SYMANIEC (Paris) : |
Pour une comparaison entre "Révolutions nationales": "peuple-patrimoines" et "dictatures-ethniques" de Vichy à Minsk
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— 14 h 45 |
Svetlana GORSHENINA (Lausanne) : |
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— 15 h 30 | Pause |
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— 16 h 00 |
Margarita SCHOENENBERGER (Lausanne) |
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— 16 h 45 |
Julia SNEŽKO (Vilnius / Lausanne) |
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— 17 h 30 |
Patrick FLACK (Prague) |
Expression et symétrie: la poétique jakobsonienne entre romantisme et rationalisme |
— 9 h 00 |
Sorin ANTOHI (Bucarest) |
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— 9 h 45 | Tatjana ZARUBINA (Lausanne) |
Ontologisme vs épistémologisme : une approche non culturaliste |
— 10 h 15 |
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Pause |
— 11 h 00 | Anastasia FORQUENOT de la FORTELLE (Lausanne) | Forme et contenu: quelques réflexions sur la poétique mallarméenne et le mot "auto-tressé" futuriste |
— 11 h 45 | repas |
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Après-midi |
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— 14 h 30 |
Françoise DOUAY (Aix-en-Provence) |
Destins divergents de la rhétorique tardive (18e-20e) en France, Allemagne, Russie. |
— 15 h 15 |
Ekaterina ALEKSEEVA (Lausanne / Saratov) |
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— 16 h 00 | Pause |
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— 16 h 30 | Inna TYLKOWSKI (Lausanne) |
La notion de « dialogue » chez L. Jakubinskij et V. Vološinov : seulement des ressemblances ? |
— 9 h 00 |
Patrick SERIOT (Lausanne) |
Ljubiščev, l'école de Tartu et la notion de holisme organiciste |
— 9 h 45 | Svetlana SLAPŠAK (Ljubljana) | |
— 10 h 15 | Pause
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— 10 h 45 |
Daniel BIRD (Sheffield) |
The New Science of Expression: Eisenstein, Vygotskii and Voloshinov |
— 11 h 30 |
Repas |
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— 14h 00 | Eduard NADTOCHY (Lausanne) | L’autre moderne» et le mouvement anti-Lumières européen : le contexte de la révolution conservatrice en URSS |
— 14h 45 | Anna ISANINA (St-Pétersbourg-Lausanne) | Conditions de formation de la théorie de la traduction linguistique: URSS – Allemagne – France |
— 15h 30 | fin du colloque, bilan, discussion générale |
RESUMES :
— Ekaterina Alekseeva (Lausanne / Saratov) : A la recherche de l'unité ontologique du langage ou le problème du multilinguisme dans les travaux du philosophe religieux russe S. Bulgakov
Le problème du multilinguisme a suscité un vif intérêt des philosophes religieux russes de la première moitié du XXème siècle, par exemple, S. Bulgakov. Il accorde une attention particulière de ce phénomène et cherche à l'expliquer dans son livre «Filosofija imeni», 1919 [La philosophie du nom].
Selon l’auteur, la question de la multiplicité des langues nationales ne supprime pas l'unité ontologique du langage en tant que voix du monde uni dans l'homme uni. La langue se réalise individuellement en accord avec la morphologie multiple de l'humanité. Bulgakov compare la morphologie de la langue avec l'organisme humain ayant différents centres et organes, ou avec une famille qui se compose des membres de différents âges, sexes et de caractères.
S.Bulgakov s’oppose aux théories qui expliquent l'apparition du langage à partir de l'imitation des sons – la théorie onomatopéique, ou des exclamations spontanées et les interjections – la théorie interactionnelle, ou peut-être des gestes intérieurs – la théorie psychophysiologique, car selon toutes ces théories le mot émerge de la nécessité d'avoir une désignation conventionnelle d’un certain contenu.
S.Bulgakov se réfère souvent à des auteurs du passé : Platon, Denys l’Aréopagite, Saint Grégoire de Nysse, et se présente comme un continuateur des idées des Pères de l'Église orientale. Selon le philosophe, le problème du multilinguisme réside dans notre incompréhension de la destination du langage et nous appelle à étudier le mot dans la cadre de la tradition orthodoxe de la vénération du nom de Dieu et de la glorification du nom [imjaslavie].
— Sorin Antohi (Bucarest) : France-Allemagne-Russie. Les intéractions multiples des trois cultures et de leurs “effets secondaires” dans une quatrième: la Roumanie des XIXe-XXe siècles
La Roumanie, État-nation dont la forme classique est de fraîche date (1918), est le produit d'influences culturelles multiples, un melting pot, un carrefour de transferts culturels. La plupart des Roumains ou bien des Hongrois, Allemands, Juifs, etc. (originaires) de Roumanie en seraient tres surpris, mais ils partagent un territoire tiraillé entre empires, et non pas simplement disputé par ceux-ci, un monde toujours en train de se faire et de se définir, entre et avec plusieurs cultures, langues et civilisations, religions/confessions, ethnicités, projets nationaux, etc. Une réflexion sur ces territoires de rencontre des trois modèles/influences/références qui constituent le triangle France-Allemagne-Russie (avec ses évolutions historiques et ses avatars – allant du discours à la géopolitique) et de leurs “effets secondaires” serait théoriquement et heuristiquement utile. C’est l’objet de mon intervention.
La Roumanie intellectuelle de l'entre-deux-guerres parle de tous les trois pôles de cette structure ternaire, dans des termes qui vont de la théologie et de la philosophie de la culture jusqu'à la géopolitique, à l'idéologie et à la politique. Si le pôle qui l'emporte reste la France jusqu'à la Grande Guerre (j'ai parlé ailleurs d'un "bovarisme géoculturel" chez les Roumains -- leur fixation sur la France, qu'ils considèrent comme leur grande soeur, paradigme normatif et voisine symbolique, tandis qu'ils ignorent et méprisent leurs voisins réels – tout cela se conjugue depuis au moins 1989 au passé), l'Allemagne le remplace à partir des annees vingt. Le troisième pôle, la Russie, qui s'était déjà imposé dans les Principautés après le (mono)pôle ottoman, dans les années 1810-1830, fonctionne aussi comme médiateur/vecteur des deux autres (par l'introduction du français sur une plus grande échelle, par l'imposition d’un modèle bureaucratique et militaire de type prussien, passé par Saint-Pétersbourg), et remporte cette "compètition mimétique" sous la forme de l'URSS.
Il y a dans cette longue histoire toute sorte de paradoxes: le français et les danses de société, la pratique sociale des salons arrivent pratiquement avec l'occupation russe de 1828, après avoir été expérimentés aux cours des Princes phanariotes venant de Constantinople (un autre foyer contre-intuitif des influences du triangle dont nous parlons); la modernité tayloriste-fordiste arrive avec les Soviétiques, d’en haut, par la force et avec une dé-modernisation de la société, après une adaptation lénino-stalinienne; les écrits des slavophiles se lisent en allemand, Dostoïevski -- en français; et ainsi de suite. Il s’agit donc d’une compétition (allant jusqu’aux guerres: balkaniques, mondiales, froide) et d’une succession de négociations et fusions historiques et anhistoriques (typologiques, structurales, fonctionnelles) des influences, dans une culture ou les Lumières arrivent (sauf en Transylvanie, où elles viennent “en temps réel” dans les trois grandes communautés ethniques, mais sont rattrapées par le herdérianisme et le Romantisme, qui transforment les ethnies en quasi-nations) dans les Principautés danubiennes en même temps que le Romantisme…
— Daniel Bird (Sheffield) : The New Science of Expression: Eisenstein, Vygotskii and Voloshinov
This paper presents the filmmaker and theorist Sergei Eisenstein, the psychologist Lev Vygotskii and the linguist Valentin Voloshinov as working at the interface of performance studies, psychology and language. It focuses on how the rift between the theatre practioner and theorist Konstantin Stanislavski and his protege, Vsevolod Meyerhold, coincided with the tensions then developing within Soviet psychology, as well as the increasing influence of French and German performance studies on Russian functionalist linguistics.
I begin by looking at Nikolai Chernyshevskii’s critique of Tolstoy's ‘Sevastopol Stories’. Chernyshevskii argues that Tolstoy’s genius was his ability to render the thought process in prose, thus revealing a particular character’s ‘inner monologue’. If the notion of ‘inner monologue’ plays an important role in Stanislavski’s theory of acting, then Stanislavski’s theory of acting also serve to illustrate Vygotskii’s theory of inner speech. I look at how Vygotskii’s interest in questions concerning thought and language were spurred on not only by Gustav Shpet’s lectures on the inner form of the word at Moscow University, but also Stanislavski and Craig’s celebrated production of Hamlet.
Stanislavski’s protege, Meyerhold, reacted against his mentor and posited a system of acting based not on mental states but physical training, what he calls biomechanics. Between 1921 and 1922, Meyerhold established a workshop in which Eisenstein, then a front theatre designer, was assigned the task of giving biomechanics a scientific underpinning. When Eisenstein left Meyerhold to become head of the Proletkult theatre department, together with Sergei Tretyakov he wrote a theoretical text on ‘expressive movement’. In giving ‘expressive movement’ a scientific underpinning, Eisenstein turned to a book Tretyakov had acquired in Germany: Expressive Gymnastics by Rudolf Bode. Bode’s writings on performance studies were also of interest to a group of scholars in St. Petersburg at the Institute of the Living Word, and Voloshinov would later refer to such thinkers in his plan for Marxism and the Philosophy of Language as pioneers in the new ‘science of expression’.
— Kateřina Chobotová : Le rôle de la langue « littéraire » lors de la création de la nation tchèque
Au XIXe siècle, sous l’influence directe de la philosophie de Herder, les Tchèques se tâchent de former leur propre nation. La période de cette création de la nation tchèque, appelée le « Renouveau national », se caractérise par un travail frénétique afin de défendre le droit à établir cette nation. Les réveilleurs tchèques réalisent la liste des éléments nécessaires pour attester une nation, où dominent l’histoire, les symboles nationaux ou bien la langue.
La langue « littéraire », au sens d’une variété standardisée, donc représentative de la langue nationale, représente l’un des éléments indispensables lors de cette période. Le lien entre la langue « littéraire » et la constitution de la nation tchèque au XIXe siècle sera analysé dans l’exposé à travers de nombreux exemples de grammaires, de dictionnaires ou d’oeuvres littéraires. A cette époque, la langue « littéraire » est décrite par son vocabulaire riche, ses règles grammaticales stabilisés et sa capacité d’exprimer la beauté. Par contre, sa fonction communicative n’est pas encore définie ce qui sera également discuté dans l’exposé.
— Françoise Douay (Aix-en-Provence) : Destins divergents de la rhétorique tardive (18e-20e) en France, Allemagne, Russie
M'appuyant sur mes propres recherches : "La rhétorique en Europe à travers son enseignement, 1598-1815" (Auroux éd. 1992) et sur la monumentale "Histoire de la rhétorique dans l'Europe moderne, 1550-1950" (Fumaroli éd. 1999) complétée pour la Russie et la Bulgarie par une note de synthèse inédite de madame Lilya Metodieva, je m'attacherai à caractériser différentiellement pour la France, l'Allemagne et la Russie (ainsi que la Pologne et la Bulgarie) l'évolution de la rhétorique tardive du 18e siècle néo-classique où elle est encore florissante au 19e siècle romantique qui la voit disparaître de tous les programmes d'enseignement européens... non sans certaines résurgences -à discuter- au 20e siècle.
— Patrick Flack (Prague) : Expression et symétrie: la poétique jakobsonienne entre romantisme et rationalisme
Roman Jakobson a livré deux définitions fameuses du langage poétique. Dans un de ses premiers textes (La nouvelle poésie russe, 1921), il avance que la poésie consiste d’«énoncés où l’accent est mis sur le mode d’expression » (vyskazyvania s ustanovkoj na vyraženie). Dans un de ses derniers textes (Linguistics and Poetics, 1968), il définit par contre l'essence du langage poétique « par la projection du paradigmatique sur l'axe syntagmatique ». A première vue, il n’y a entre ces deux définitions pas d’incompatibilité particulière, la seconde constituant une sorte de précision méthodique de la première : l’accent sur le mode d’expression est réalisé par la projection du paradigmatique sur l’axe syntagmatique. A y regarder de plus près, on se rend compte toutefois que les deux définitions s’inscrivent dans des horizons très différents. La première, toute centrée qu’elle est sur la notion d’ «expression», ressort du paradigme romantique et organiciste qui informe aussi la pensée des Formalistes russes. La seconde, qui fait la part belle à l’idée de symétrie, s’appuie sur le rationalisme « classique » des dichotomies saussuriennes. Dans cette optique, la question se pose alors de savoir quel est leur véritable rapport (génétique et conceptuel). Etant donné que la poétique de Jakobson a été lue de façon prépondérante dans une optique saussurienne et sans préoccupation particulière pour ses origines dans le contexte scientifiques des années 20, on peut se demander notamment si l’importance des sources romantiques ou « expressives » de sa poétique n’a pas été négligée. Je souhaite ainsi suggérer que, plus que les idées spécifiques de binarisme, de symétries des axes, etc., c’est celle d’une genèse et d’une sédimentation du sens linguistique comme l’articulation interne ou organisation immanente d’un matériau spécifique qui constitue l’originalité de la poétique jakobsonienne et partant, de sa pensée linguistique en général.
— Anastasia Forquenot de la Fortelle (Lausanne) : Forme et contenu: quelques réflexions sur la poétique mallarméenne et le mot "auto-tressé" futuriste
A l'encontre des démarches comparatistes traditionnelles consistant à rapprocher la démarche poétique et métapoétique des fondateurs de la modernité en France de celle des premiers symbolistes russes, notre communication soulève une autre problématique dont l'investigation permettrait, semble-t-il, de toucher l'essentiel dans ces relations complexes d'affinité/opposition qui unissent les littératures russe et française à la fin du XIXème-début XX-ème siècles.
Confrontant le discours métapoétique et l'écriture « totalisante » et « néantisante » de S. Mallarmé à la poésie et à la théorie du mot « auto-tressé » futuristes, nous nous proposons, à travers l'analyse comparatiste de la dialectique de la totalité, de l'Un inconcevable et irréprésentable, de la relation entre le néant et la langue (etc.), d'interroger l'ambiguïté du rapport forme/contenu dans les univers artistiques qui sont traditionnellement considérés comme étant les premiers à substituer définitivement la fonction poétique du langage à sa fonction de communication.
— Svetlana Gorshenina (Lausanne / Réseau Asie – IMASIE, CNRS-FMSH) : L’Oural comme frontière entre l’Europe et l’Asie : la valeur symbolique de la Russie des élites savantes russes et occidentales
Cette communication porte sur l’histoire de l’établissement de la frontière entre l’Europe et l’Asie à travers les approches cartographiques et philosophiques des savants des XVIIIe -XIXe siècles. Fortement chargée de significations symboliques depuis l’Antiquité, cette frontière est sans cesse déplacée dans les cartes mentales des Lumières : elle est associée tantôt au Danube, tantôt au Don-Tanaïs, tantôt à la Volga. En 1715-1718, Lenglet du Fresnoy (1674-1755) souligne en revanche l’importance de l’Oural. Cependant, ces sont les réflexions faites autour de 1730 par Vasilij N. Tatiščev (1686-1750) et Philipp Johann Tabbert von Strahlenberg (1676-1747) qui la fixent sur cette chaîne de manière assez décisive. Bien que les intellectuels occidentaux ne l’acceptent pas à l’unanimité, cette idée trouve rapidement des adeptes dans le milieu russe, car elle propulse symboliquement l’empire du tsar vers un niveau supérieur de la hiérarchie des valeurs liées à la « Civilisation ».
— Anna Isanina (Lausanne / Saint-Pétersbourg) : Conditions de formation de la théorie de la traduction linguistique: URSS – Allemagne – France
Les travaux théoriques consacrés aux problèmes de la traduction sont apparus dans différents pays, différentes écoles et courants scientifiques presque à la même époque, avec une différence de seulement quelques années: ce sont les années 1950-1960, qui généralement marquent la période de naissance de la théorie de la traduction en tant que discipline scientifique.
Cette période se caractérise par un développement actif des problèmes de la traduction en linguistique. Plusieurs grands linguistes, presque simultanément, vont s'y intéresser : J. R. Firth (1956) au Royaume-Uni, J.-P. Vinay et J. Darbelnet (1958) au Canada, R. O. Jakobson (1959) et J. Nida (1959, 1964) aux États-Unis, J. Mounin (1963, 1965) en France, O. Kade (1968) et A. Neubert (1968) en Allemagne. Avec un peu d'avance (1953) en URSS est publiée la première édition de "L’introduction à la théorie de la traduction» par Alexandre Fedorov.
La traduction commence à attirer les linguistes pas seulement comme une activité pratique, mais aussi comme un atelier où se passe quelque chose d'intéressant qui peut mettre en évidence des phénomènes linguistiques différents.
Une telle croissance de l'intérêt scientifique envers les problèmes de la traduction dans la seconde moitié du XXème siècle peut être expliquée en fait pour des raisons triviales : l’accroissement des contacts interlinguistiques qui a lieu après la guerre, le boom cybernétique et les nombreux essais de développer un système de traduction automatique, qui sont impensables sans référence à l'aspect de contenu de la langue, ainsi que l’élargissement de l’objet de la linguistique: la réussite considérable dans la description des formes et des structures a mené logiquement aux aspects du langage qui touchent au domaine des signifiés.
Il semble cependant plus intéressant de suivre les conditions et prémisses pour chaque cas (ayant en vue le triangle en question), grâce auxquelles les linguistes sont arrivés à développer leurs théories linguistiques de la traduction, et d'établir leur nature universelle ou «idioethnique». Parallèlement, nous verrons aussi ce qui est resté en dehors de «la ligne principale» de développement des études de traduction théorique de cette période.
— Eduard Nadtochi (Lausanne) : «L’autre moderne» et le mouvement anti-Lumières européen : le contexte de la révolution conservatrice en URSS.
Dans le shcéma standart hérité du temps de la guerre froide, l’Histoire soviétique est representée comme opposition entre l’«Avangarde» et le «totalitarisme réactionnaire». Dans le cadre de cette opposition, le dernier élément gagne sur le premier d’une façon permanente. Dans mon exposé, je propose de démontrer que le stalinisme ne représente pas un mouvement homogène, mais un ensemble de mouvements hétérogènes, qui cache en profondeur la tradition du modernisme conservateur ayant ses racines dans la tradition intellectuele «autochtone» russe de «rousseauisme russe» et le système de la Cause Commune de Fedorov. En ce qui concerne le contexte de la révolution stalinienne conservatrice, je compte analyser les rapports entre la tradition européenne des Anti-Lumières (y compris le mouvement allemand de la «révolution conservatrice») et une série d’idées et de concepts en Russie et URSS des années 1900-1940.
— Savina Raynaud (Milan) : De l'empirisme téléologique en philosophie du langage au fonctionnalisme en linguistique: Marty et Mathesius à Prague
Un carrefour – Prague -, deux disciplines nouvelles - la philosophie du langage et la linguistique -, deux auteurs - Anton Marty (1847-1914), Vilém Mathesius (1882-1945) -, deux écoles – l’école de Brentano, transnationale, l’école de Prague, internationale – un fil conducteur : d’un point de vue théorique, la notion de télos, autant sur le plan philosophique que scientifique; d’un point de vue historique, le cours donné par Marty à Prague à l’Université allemande en 1904/1905 et suivi par Mathesius, professeur à l’Université tchèque de la même ville depuis 1912 et fondateur du Cercle Linguistique de Prague (1926).
Grâce aux évidences textuelles, nous allons tenter de démontrer la thèse selon laquelle deux éléments ont permis, malgré tout, une véritable liaison entre ces deux sphères : 1. le rôle accordé par les deux disciplines à l’expérience dans la recherche, 2. l’ouverture, l’orientation admise des faits du langage à d’autres domaines. À quels domaines ? C’est sur ce point-là que se joue, selon nous, la véritable différentiation entre les deux écoles et c’est une des raisons de leurs différentes histoires à venir. Le changement de paradigme en linguistique du Weshalb au Wozu doit beaucoup enfin à Jakobson et à son modèle moyens-fins: c’est grâce à Gustav Špet, à Moscou (1917) qu’il avait lu, lui aussi, les Untersuchungen (1908) par Marty.
En 1904, Gottlob Frege publia Was ist eine Funktion ? Différents contextes disciplinaires, différentes orientations théoriques (le logicisme vs. le psychologisme) et un manque de contacts réguliers peuvent nous aider à faire comprendre pourquoi la véro-fonctionnalité de la tradition logique / analytique en philosophie du langage n’a pas été associée au fonctionnalisme linguistique. Deux parcours difficiles à relier : nous tenterons de comprendre pourquoi.
— Patrick Sériot (Lausanne) : Ljubiščev, l'école de Tartu et la la notion de holisme organiciste
Dans les textes de l'Ecole sémiotique de Tartu-Moscou on trouve de nombreuses références à A. Ljubiščev (1890-1972), entomologiste, systématicien, philosophe et historien des sciences. Les idées de Ljubiščev y sont mises en avant pour justifier une conception de la notion de système comme ensemble fonctionnel, téléologique et où l'organicisme n'est pas une métaphore, mais est supposé être une réalité.
Ce holisme organiciste, opposé à la notion de causalité mécaniste, est un leitmotiv de Ljubiščev, il est également massivement présent dans les textes de R. Jakobson des années 1920-1930.
Ce courant de pensée, explicitement anti-darwinien, remet en cause la notion de hasard dans l'évolutionet présente une série de dichotomies dans lesquelles le second terme est fortement valorisé : mécanicisme / organicisme; mérisme (les parties) / holisme (le tout); chaos / harmonie; polémisme (lutte) / harmonisme; monisme matérialiste / pluralisme.
Ljubiščev prône également une théorie "pythagioricienne" de l'harmonie du monde et de l'évolution selon ses lois propres.
On suivra ici l'histoire de ce courant de pensée pour étudier une spécificité peu connue de l'Ecole sémiotique de Tartu-Moscou.
— Margarita Schoenenberger (Lausanne) : Le cercle linguistique de Prague : la théorie des langues normées comme une des sources de la théorie des langues «littéraires» en linguistique soviétique
Mon exposé est une contribution à l’histoire de la linguistique russe, plus précisément à l’histoire du concept linguistique de langue «littéraire», devenu en Union soviétique à partir des années 1960 le concept central de la théorie des langues «littéraires». Les linguistes travaillant dans ce domaine se déclaraient les héritiers des efforts entrepris, entre autres, par les linguistes du Cercle linguistique de Prague dans les années 1920-1930. Ces derniers sont qualifiés de prédécesseurs directs de la théorie soviétique. Les travaux praguois contiennent des éléments qui ont sans doute influencé la linguistique soviétique. Un examen plus attentif permet de voir que les élaborations soviétiques présentent des différences comparé à celles du CLP au niveau théorique. L’application de la théorie des langues «littéraires» dans la pratique me semble être assez singulière en Union soviétique. En outre, la situation linguistique et historique en Russie se distingue sensiblement de la situation tchèque.
— Svetlana Slapšak (Ljubljana) : The Flux of Ideas between Intellectuals in the Balkans, Russia/SSSR and Western Europe between the Two World Wars: the Case of Revue internationale des études balkaniques En 1904, Gottlob Frege publia On suivra ici l'histoitre de ce courant de pensée pour étudier une spécificité peu connue de l'Ecole sémiotique de Tartu-Moscou. Was ist eine Funktion ? Différents contextes disciplinaires, différentes orientations théoriques (le logicisme vs. le psychologisme) et un manque de contacts réguliers peuvent nous aider à faire comprendre pourquoi la véro-fonctionnalité de la tradition logique / analytique en philosophie du langage n’a pas été associée au fonctionnalisme linguistique. Deux parcours difficiles à relier : nous tenterons de comprendre pourquoi
Designing a map of intellectual networks between the two world wars relies on established relations among academics from the new states after the fall of Austro-Hungarian empire, and Western academics, neutral or on the other side in the war: many students from South Slavic countries studied there before, during and after the WW I: one of the most popular universities was Lausanne. RIEB, founded by Milan Budimir from Beograd and Petar Skok from Zagreb in 1934 (till 1938) was a review which proposed a new epistemology of balkanology, based on teachings of de Saussure, new archaeological finds in the Balkans (and the relation between linguistics and archaeology), the structural continuities in Balkan cultures and other innovative interpretations. Some of the ideas certainly come from the Russian intellectuals who emigrated to Yugoslavia after the revolution, but there were also new channels of communication between the new states of the Central and Southern Europe. All of these currents are recognizable in RIEB. The common ground for cooperation was a fear of nazism and fascism, and that is how we can understand the intervention of Rebecca West: she wanted to visit, describe and understand Yugoslavia before it falls to Hitler's hands. Her guide was Stanislav Vinaver, another de Saussure's pupils, her great friend a woman whom she was looking for in Yugoslavia, a specialist in Antiquity and the Balkans, Anica Savić Rebac, a colleague of Milan Budimir. Anica Savić Rebac took her to the place of ritual in Macedonia and explained it to her: West took the metaphor to the very core of her book and gave it the title linked to the ritual. Anica Savić Rebac was corresponding with Gershom Sholem and Thomas Mann, who quoted her definition of love in his Legend of Joseph.
The epistemological/academic and cultural networks do have a certain ideological background, and certainly a political (antifascist) platform that nurtured solidarity and mutual help. The main result is certainly a timely, thorough, reflected flux of ideas which was slowing down considerably after the WW II, in the cold war period.
— Julia Snežko (Vilius / Lausanne) : "Национальное" и "имперское" воображение в публицистических и политических работах Карамзина (1802-1803 г.)
В докладе будут рассматриваться способы воображения "русской нации" в публицистических и политических работах Карамзина 1802-1803 г., а также, каким образом в этих текстах выстраиваются культурные границы между Россией и другими государствами, и какую роль при этом играют эмоции. Существуют разные работы, в которых взгляды и идеи Карамзина анализируются в контексте культурной оппозиции Россия vs Европа и, соответственно, проблемы патриотизма vs космополитизма, "западного" влияния vs национальной традиции. Однако не только оппозиция Россия vs Европа и связанный с этим комплекс культурных проблем позволяет определить специфику воображения нации. В случае Карамзина также имел значение опыт проживания в империи, что оказывало определенное влияние на особенности воображения. В этом докладе с помощью анализа текстуальных стратегий мы и попытаемся показать, каким образом в публицистических и политических работах Карамзина пересекалась имперская и национальная перспективы, которые зачастую сложно разделить и, которые по-разному взаимодействовали друг с другом.
— Virginie Symaniec (Paris) : Pour une comparaison entre "Révolutions nationales": "peuple-patrimoines" et "dictatures-ethniques" de Vichy à Minsk
Dans cet exposé, je me propose de tenter une comparaison entre ce qui semble a priori incomparable, car serait-il seulement possible d'étudier des stratégies dites de "révolutions nationales" dans des cas aussi distincts que ceux de la France
de Vichy et de la Biélorussie contemporaine ? Je m'efforcerai donc de sérier les élements qui, à mon sens, peuvent justifier que l'on puisse tenter une telle comparaison, tout en essayant de montrer quels sont les problèmes méthodologiques qu'il s'agit de résoudre pour pouvoir la mener de façon pertinente. Je voudrais également montrer que la question du traitement des langues et de son rapport à l'autoritarisme et à la gestion des contextes coloniaux et post-coloniaux reste un fil directeur intéressant pour la réflexion.
— Inna Tylkowski (Lausanne) : La notion de « dialogue » chez L. Jakubinskij et V. Volosˇinov : seulement des ressemblances ?
Dans son livre Marxisme et philosophie du langage (1929), Valentin Vološinov se réfère explicitement à l’article de Lev Jakubinskij «De la parole dialogale» (1923) en tant que source principale de sa notion de dialogue. Pourtant, malgré les parallèles qui existent entre les idées exprimées dans ses textes, les conceptions de Vološinov et de Jakubinskij ne sont pas identiques. Le but de notre exposé est de montrer les différences entre les notions de « dialogue » élaborées par ces deux chercheurs, ainsi que d’essayer de les expliquer.
— Tatjana Zarubina (Lausanne) : Ontologisme vs épistémologisme : une approche non culturaliste
La connaissance a affaire à la question de vérité. A l’aube de l’âge classique, Hobbes est l’un des premiers à détacher la vérité de l’ontologie, de la théorie de l’être, pour l’englober dans une théorie de la connaissance. Vrai et faux, écrit Hobbes, sont des attributs de la parole et non pas des choses. Là où il n’y a pas de parole, il n’y a ni vérité, ni fausseté. La vérité n’est donc pas de Dieu mais de l’homme : elle n’appartient pas à l’esprit des choses mais aux choses de l’esprit.
Si l’on prend cette réflexion comme fondement d’une distinction des approches de la connaissance (du Sujet, par exemple), on obtient le tableau suivant :
1. Première approche : la vérité est dans les choses (ontologisme). Dans cette approche, l’objet de connaissance préexiste à la connaissance. Le but est de connaître l’essence réelle des choses en s’approchant le plus près possible.
2. Seconde approche : Il n’y a pas de vérité ou fausseté, tout est une question de point de vue (épistémologisme). L’objet de connaissance ne préexiste pas à la connaissance, mais se construit. Pour connaître un phénomène, il faut construire des modèles.
A partir de là, on peut se poser quelques questions. Une énorme quantité de travaux philosophiques en Russie au XIXe et au XXe siècles témoignent de l’importance de l’ontologisme dans leurs questionnements épistémologiques. D’autre part, les recherches des représentants de ce qui est souvent qualifié comme l'« école française d’épistémologie » s’inscrivent dans une approche antagoniste. Est-ce une raison suffisante pour utiliser une opposition binaire ontologisme vs épistémologisme comme fondement de création d'entités intellectuelles comme la France et la Russie ?