12 Ec doct
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— 9 h 30 | Accueil des participants |
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— 9 h 45 | Patrick SERIOT (Lausanne) |
Présentation de l'école doctorale et du CRECLECO (Centre de recherches en épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale) Présentation du site web du CRECLECO |
— 10 h 00 | Françoise DOUAY (Aix-en-Provence) |
I/ La dynamique de la recherche linguistique exige-t-elle l'oubli de son histoire ? |
— 12 h 30 | fin de l'exposé | |
— 12 h 45 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 15 h 00 | Jean-Baptiste BLANC (Lausanne) |
Populisme linguistique et langue standard en Europe centrale et orientale |
— 15 h 30 | Daniel BIRD (Sheffield) |
Between A Rock and a Hard Place: Eisenstein and Psychoanalysis |
— 16 h 00 |
pause |
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— 16 h 30 | Ekaterina ALEKSEEVA (Lausanne) |
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— 17 h | Sébastien MORET (Lausanne) |
Les espérantistes soviétiques à la recherche d’une nouvelle linguistique |
— 17 h 30 | Alessandro CHIDICHIMO (Cosenza/Genève) |
Bréal lecteur de Goethe (1898-1911) : un jeu de textes entre réalité et fiction |
— 9 h 00 | Tomáš HOSKOVEC (Brno) |
I/ Un problème général: le réseau historique du structuralisme européen |
— 11 h 30 | Lorenzo CIGANA (Cosenza) |
Hjelmslev's notion of "Participation": an episode of structural linguistics |
— 12 h 30 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 15 h | Vladislava REZNIK (Varsovie) |
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— 15 h 30 | Elena SIMONATO (Lausanne) |
La linguistique sociale soviétique urbi et orbi |
— 16 h | pause |
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— 16 h 30 | Anna ISANINA (Lausanne / Saint-Pétersbourg) |
La traductologie soviétique des années 1920-1930 : entre l’art et la science |
— 17 h | Emmanuel LANDOLT (Sankt Gallen) |
Une réflexion herméneutique sur la langue dans le cours de Vladimir Bibikhin |
— 17 h 30 | Federica D'AMICO (Cosenza) |
La fonction épistémologique de l'écriture en psychanalyse. Du récit du patient au compte rendu d'analyse |
— 9 h 00 | Giorgio GRAFFI (Verona) |
I/ Comment l’histoire de la linguistique peut-elle être utile à la linguistique théorique ? |
— 11 h 30 | Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) | |
— 12 h 30 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 14 h 00 | Kateřina CHOBOTOVA (Lausanne) |
Les réformes de l’orthographe et leur rôle dans l’évolution de la théorie de la langue littéraire tchèque |
— 14 h 30 | André STAHLHAUER (São Carlos FAPESP 2012/0363-5 (Brésil) / Lausanne) |
The political representation of languages in official websites: a discourse about language |
— 15 h 00 |
Bilan et perspectives |
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cliquer sur les photos pour agrandir | ||||||||||
photo de groupe dans le brouillard | village et drapeaux | |||||||||
couleurs d'automne | si haute est la montagne... | |||||||||
— Ekaterina ALEKSEEVA (Lausanne) : Les spécificités de la traduction du livre Filosofija imeni [La Philosophie du nom] de S. Boulgakov de russe en français
Dans la première moitié du XXème siècle certains philosophes russes se préoccupent beaucoup des questions de l'origine du langage et du principe d'un lien intrinsèque entre le signifiant et le signifié. Ils se considèrent comme les héritiers de la tendance néoplatonicienne de la philosophie et se passionnent pour la nature ontologique du nom, en s’appuyant sur les travaux des Pères de l’Eglise orientale : Saint Grégoire de Nysse, Denys l’Aréopagite, Jean Damascène, Saint Grégoire Palamas. Ces auteurs russes s’opposent aux thèses saussuriennes constituant le fondement de la plupart des théories linguistiques de l’époque.
Parmi ces philosophes de la première moitié du XXème siècle, Sergej Bulgakov (1871-1944) occupe une place importante. Après avoir effectué un passage du marxisme à l'idéalisme, il a publié de nombreuses œuvres qui l’ont rendu célèbre auprès d’un large public russe en tant que théologien.
Dans cet exposé il s'agit de son fameux livre Filosofija imeni [La philosophie du nom], écrit dans les années 1920. Cette œuvre est le point culminant des reflexions de Bulgakov sur le rôle du langage dans le monde dans le cadre de la théologie orthodoxe. C’est à travers ce livre que les spécificités de la philosophie russe du nom (fondée sur le movement de la glorification du nom) émergent de la façon la plus claire. La première traduction de ce livre russe en langue française n’a été publiée qu’en 1991 par Konstantin Andronnikov (1916-1997) sous le titre “La philosophie du verbe et du nom”. Cette traduction présente un grand intérêt pour les philosophes et linguistes. Notre attention est focalisée sur les difficultés de la traduction des mots russes “slovo”[vocable, mot, parole, verbe], “imja”[nom] et “jazyk”[langue ou langage] en français. On analysera les spécificités culturelles, conceptuelles et linguistiques qui accompagnent la traduction de ce texte de Bulgakov du russe en français.
— Daniel BIRD (Sheffield) : Between A Rock and a Hard Place: Eisenstein and Psychoanalysis
This paper provides an overview of Sergei Eisenstein's lifelong fascination with psychoanalysis in the context of the Marxist reconstruction of psychology, particularly during the 1920s. It tells of Eisenstein's first encounter with Freudian psychoanalysis, his treatment by the Adlerian psychoanalyst Aron Zalkind (who in turn introduced him to the psychologists Lev Vygotskii and Aleksandr Luria) the influence of Valentin Voloshinov's Freudianism: A Critical Sketch (1927) on The General Line (1929), his encounters with Hans Sachs and Rene Allendy of the Berlin and French psychoanalytic societies, his psychoanalytic treatment in Hollywood and its influence on the scenario of The Glass House, his brief correspondence with Wilhelm Reich, not to mention the influence of Otto Rank on Ivan the Terrible.
— Jean-Baptiste BLANC (Lausanne) : Populisme linguistique et langue standard en Europe centrale et orientale
Le rôle essentiel de l’objet langue en tant que marque d’appartenance ethnique dans le processus d’ « éveil des nationalités » des trois grands empires européens (austro-hongrois, ottoman et russe) est connu. Dans la mesure où la délimitation des frontières linguistiques est appelée, selon le modèle herdérien, à marquer des frontières étatiques, la langue acquiert automatiquement le statut d’enjeu politique de première importance.
Pourtant, le choix d’une norme linguistique dépasse la stricte question des frontières étatiques. Dans la mesure où la langue est supposée refléter l’essence de la nation, débattre du standard soulève souvent des enjeux en termes de régime politique et d’orientation géopolitique.
Ainsi, dans des contextes aussi différents (mais tous marqués par l’héritage herdérien) que la Turquie, la Grèce ou la Norvège, les débats politiques sur la langue standard ont marqué la majeure partie du XXe siècle, culminant approximativement entre 1930 et 1980 et dessinant des alliances politiques engageant l’opposition gauche/droite de façon originale.
En mobilisant ces exemples et d’autres en Europe centrale en orientale, nous tenterons de problématiser les débats sur le standard en montrant ce qu’ils peuvent nous dire des façons de concevoir le peuple dans la plus grande partie de l’Europe.
— Kateřina CHOBOTOVA (Lausanne) : Les réformes de l’orthographe et leur rôle dans l’évolution de la théorie de la langue littéraire tchèque
L’orthographe représente un élément constituant et stabilisant de la langue littéraire, réservée dans la tradition tchèque à la communication officielle. Le bon usage de l’orthographe est l’un des traits charactéristiques de l’expression cultivée et correcte. Pour cette raison, l’orthographe joue un rôle important dans l’évolution de la théorie de la langue littéraire tchèque et elle se trouve souvent au centre d’intérêt des linguistes tchèques. Elle sert de moyen de la culture de la langue (Kultursprache) qui contribue d’une façon remarquable à l’éducation et la cultivation du peuple.
Dans l’histoire de la langue tchèque, l’orthographe a été réformée à plusieurs reprises. L’exposé voudrait montrer ces réformes de l’orthographe et les mettre en relation avec l’évolution de la théorie de la langue littéraire tchèque, tout en se concentrant sur la période après la Seconde Guerre Mondiale. Les réformes de l’orthographe reflètent les efforts des linguistes d’après-guerre pour approcher la langue littéraire de la «langue du peuple tout entier» en simplifiant sa forme écrite.
— Lorenzo CIGANA (Cosenza) : Hjelmslev's notion of "Participation": an episode of structural linguistics
For this contribution we intentionally decided to quote Michel Viel and his thesis on "/a notion de « marque » chez Trubetzkoy et Jakobson: un épisode de l'histoire de la pensée structurât'': as he did in his remarkable thesis, we would like to highlights some of the theoretical points and problems of the notion of "participation".
It's well known that in some of its methodological concepts Glossematics - and in particular "hjelmslevian" Glossematics - can be backdated up to Saussure, Wiwel and Rask, although the very root of the descriptive algorithm is based on a completely new proposal: the participation law (also called "principle"), which Hjelmslev developed since 1930 in parallel with his researches on the category of cases and in open criticism with jakobsonian binarism.
The philosophical roots of this principle should be recognised in the crisis of the logical approach in linguistics and in the works of Lévy-Bruhl, Steinthal, Wundt, Sapir, but we would like to stress the fact that in Hjelmslev unspoken references easily overtake the expressed ones: in order to gain a more comprehensive view of Hjelmslev's point of view about "participation" we should probably rely also on the theories of Jesperen, Delacroix, Herbart, Sigwart and even Weber.
We should then keep in mind that in reconstructing the very notion of "participation" it's not sufficient to link "participation" with the pre-logical mentality: Hjelmslev's methodological choice - the often not-so-pertinently criticized "glottocentrism" - compels us to describe "participation" first in its own specific domain: grammar. In this perspective, we should analyse participation much like "commutation": both as a principle of self-organization of semiotic systems and as a "qualitative distributional criterion of taxemes" (Prolegomena of a Theory of Language).
— Federica D'AMICO (Cosenza) : La fonction épistémologique de l'écriture en psychanalyse. Du récit du patient au compte rendu d'analyse
Le but de cette communication est une discussion à propos de la relation entre l'usage de l'écriture en psychanalyse et la pratique psychanalytique même. Dans cette relation, on peut définir la fonction épistémologique de l'écriture, je veux dire que l'écriture ait le pouvoir de « faire » quelque chose, de modifier une situation pragmatique, une connaissance et un statu psychique. La question est : d'où vient son pouvoir ?
Il y a deux choses que je tiens à souligner.
Tout d'abord, comment se produit le passage du récit du patient (la verbalisation de l'Inconscient) au compte rendu d'analyse écrite par le psychanalyste ?
La deuxième question est ce qui se passe dans la transition de l'oralité à l'écriture dans la psychanalyse. Y a-t-il des pertes ou des ajouts ?
Le passage de l'oralité à l'écriture peut nous dire que l'écriture en psychanalyse fonctionne comme une pharmakàn à la manière de Platon en raison de son valeur symbolique.
Cela signifie que même si la psychanalyse est le domaine d'une connaissance autoréflexive de la psyché sur lelle-même, il y a quelque chose qu'elle ne peut pas dire de la psyché. Il y a des limites du langage psychanalytique que sont des limites de la psyché même.
En particulier le récit du patient est-il en mesure de dire quelque chose de l'histoire du patient et de sa maladie mais l'écriture peut dire non seulement ces choses mais aussi bien les modifications de la connaissance humaine sur la psyché, comme si elle joue la fonction d'un métalangage. Je veux dire que l'usage de l'écriture est un recours à un niveau différent de la langue qui établisse un niveau de connaissance de l'autre différent.
La fonction épistémologique de l'écriture est donc déterminée par sa valeur symbolique et métalinguistique. Elle permet de suivre le progrès de la construction et de la reconstruction de la dimension historique du soin, de la maladie et de la biographie du patient à travers des niveaux narratifs psychiques, réels et / ou imaginaires. En conclusion l'écriture est en mesure de produire une connaissance différente de la psyché sur soi même.
— Prof. Françoise DOUAY (Aix-en-Provence) :
I/ La dynamique de la recherche linguistique exige-t-elle l'oubli de son histoire ?
Certains linguistes estiment qu’étudier l’histoire de la discipline est démobilisateur, la recherche n’ayant pas de moteur plus puissant que l’ivresse de découvrir du radicalement neuf. Or il s’agit souvent d’une illusion, que dénonce en effet l’histoire, la nouveauté grisante de techniques d’observation récentes et plus puissantes faisant oublier –jusqu’au ridicule parfois- le caractère traditionnel des concepts mobilisés et l’ancienneté des problématiques.
J’en donnerai en première partie quelques exemples introducteurs –concernant notamment l’étude de la prosodie et de la gestuelle de la parole- puis me demanderai en seconde partie comment réduire nos illusions sans renoncer à toute découverte.
II/ Illusions de rupture, illusions de continuité ; strates, récurrences, disparités
Dans les années 1960-70, « La structure des révolutions scientifiques » de Thomas Kuhn, comme la notion de « paradigme » chez Michel Foucault, avaient imposé ce schéma : dans une discipline scientifique en régime « normal », un programme de recherche consensuel rassemble la communauté des chercheurs ; puis des objections s’élèvent et vont s’amplifiant, une dissidence se forme, se renforce, et finalement formule avec éclat un nouveau programme qui périme le précédent, écarte l’arrière-garde, et restaure le régime normal de la science… jusqu’à la prochaine crise. L’histoire des sciences se développerait ainsi de rupture en rupture. Or s’il est assez juste à l’échelle étroite d’un laboratoire de recherche observé sur quelques dizaines d’années, ce schéma ne saurait rendre compte de l’histoire globale d’une discipline, avec sa constitution, unique ou multiple, son évolution, convergente ou divergente, et ses changements les plus significatifs sur la longue durée (Esa Itkonen « Universal History of Linguistics : India, China, Arabia, Europe » 1991).
Pour l’histoire des sciences du langage en particulier, dans les années 1990-2000, l’équipe de chercheurs rassemblée par Sylvain Auroux a montré qu’il peut s’écouler un temps considérable entre le moment d’une découverte empirique ou technique majeure — la rencontre avec les langues du Nouveau Monde au XVIe siècle ou l’enregistrement de la voix au XIXe- et sa traduction en de nouveaux concepts théoriques ; ainsi la terminologie linguistique actuelle — consonne/voyelle, nom/verbe/adjectif, conjugaison/flexion, etc., — est aux 4/5 la même que dans l’Antiquité gréco-latine. Pour autant, la présence d’un même terme à deux mille ans de distance ne garantit nullement la stabilité de la notion –nous le verrons pour préposition, mode, polémique- et dans l’oubli des intermittences de la mémoire et des réinventions de la tradition (Hobsbawm) nourrit bien des illusions de continuité.
Valoriser la rupture ou valoriser la continuité ? pour échapper à ce dilemme simpliste (comme préhistoire de soi, la rébellion ou l’éternité) trois notions plus complexes peuvent être précieuses. 1/ Strates : comme dans la sociologie des opinions développée par Luc Boltanski, envisager l’ensemble concertant/dissonant des discours tenus sur la question à un moment donné, avec assurément des dominances parfois fortes, mais aussi des cas d’effondrement de l’évidence collective, ainsi qu’une résilience, par l’archive, des discours passagèrement dominés. 2/ Récurrences : à l’échelle d’une histoire mondiale longue, aborder l’analyse des formes linguistiques par le versant des pratiques langagières : gestion du plurilinguisme (langue formulaire, traductibilité) dans des empires comme Rome et la Chine ; techniques discursives des prises de décision collectives dans les structures démocratiques les plus diverses (Détienne) ; langages sacrés : cosmogonies, prophéties, prières païennes et chrétiennes comparées (Strasbourg). 3/ Disparités : ne pas perdre de vue le « vol de l’Histoire » (Goody) écrite en « eux et nous » (l’autre comme faire valoir de soi) par l’Europe chrétienne puis coloniale. Bref, quelques façons nouvelles de s’adonner à l’histoire des sciences du langage avec l’adrénaline de la découverte.
— Alessandro CHIDICHIMO (Cosenza / Genève) : Bréal lecteur de Goethe (1898-1911) : un jeu de textes entre réalité et fiction
Linguiste, alsacien, juif, de langues maternelles le français et l’allemand, Michel Bréal (1832-1915) a tenté d’établir un dialogue culturel entre la France et l’Allemagne au de là des conflits qui traversaient les deux pays durant le XIXème siècle. Ses origines partagées entre ces deux pays et ses excursions dans la littérature et la philologie le pousseront à se passionner pour la figure de Goethe qui était à l’époque le poète allemand par antonomase. Je présenterai Bréal comme lecteur de Goethe en partant de La fille naturelle publiée dans Deux études sur Goethe (Bréal, 1898). Dans cet essai Bréal analyse et déconstruit le drame goethéenne Die natürliche Tochter (1803) lui-même inspiré par le contradictoire Mémoire historique de Stéphanie-Louise de Bourbon Conti (1798). Mon exposé parcourra l’enchevêtrement des textes au tour de la pièce de Goethe et l’effort de Bréal pour en saisir l’écriture. A ce propos j’utiliserai des lettres manuscrites inédites pour entrevoir l’arrière-plan de cette recherche philologique goethéenne. Durant le reste de sa vie Bréal continuera à songer à l’écrivain qu’était Goethe.
— Prof. Giorgio GRAFFI (Verona) :
I/ Comment l’histoire de la linguistique peut-elle être utile à la linguistique théorique ?
L’étude de l’histoire de la linguistique peut être utile à la linguistique théorique de plusieurs points de vue. Elle peut aider un linguiste théoricien à redécouvrir des idées intéressantes qui avaient été oubliées : c’est le cas, par exemple, de la « linguistique cartésienne » de Chomsky. Ou bien on peut examiner le développement de certaines notions de la linguistique théorique contemporaine, pour les mieux comprendre: l’esquisse de l’histoire de la notion de phrase que je donnerai dans la deuxième de mes leçons peut en être un exemple. De même, la connaissance de l’histoire de la linguistique peut nous aider à éviter le danger signalé par George Santayana : « qui ne connaît pas son passé est condamné à le revivre ». En effet, certaines situations de la linguistique du passé peuvent être semblables à certaines d’aujourd’hui : et peut-être peut-on en tirer certaines suggestions pour la direction de notre recherche contemporaine. C’est ce troisième point de vue que je vais développer, en choisissant comme exemple les rapports entre la linguistique et la psychologie pendant les deux derniers siècles environ.
Au XIXe siècle, la psychologie est devenue une discipline autonome, surtout grâce à l’œuvre de Herbart. Autour du milieu du siècle, cette œuvre a influencé considérablement celle de Steinthal dans le domaine linguistique : Steinthal a cherché à donner une explication psychologique de nombreux phénomènes et de nombreuses catégories linguistiques (v. Steinthal 1855). Ce « psychologisme » a marqué de son empreinte beaucoup de modèles syntaxiques entre la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe, ainsi que la linguistique historique-comparative des Néogrammairiens. Il fut ultérieurement développé par le fondateur de la psychologie expérimentale, c'est-à-dire Wundt (cf. surtout Wundt 1912), dont le modèle psychologique était pourtant opposé à celui de Herbart. Lorsque le psychologisme atteint son sommet (autour de 1900), sa crise débute, pour plusieurs raisons : d’un côté, le néogrammairien Delbrück, dans sa polémique avec Wundt (Delbrück 1901) affirme que la linguistique historico-comparative peut obtenir ses résultats sans adopter aucun système spécifique de psychologie (donc, celui de Herbart et celui de Wundt reviennent au même). De son côté, Sechehaye (1908), tout en considérant la linguistique comme partie de la psychologie, affirme que Wundt n’avait pas « compris l’importance du problème grammatical », c'est-à-dire « celui qui se pose quand on cherche derrière la grammaire le fondement psychophysiologique de ses origines, de ses lois et de son fonctionnement ». Ces polémiques aboutissent, autour des années 1920-1930, à l’abandon complet du psychologisme et à la construction d’une linguistique comme discipline autonome, iuxta propria principia : cf. par exemple les positions de l’école de Prague, ou celles de Hjelmslev. Plus ou moins dans la même période, la psychologie aussi connaît une crise : de la psychologie « introspective » de Wundt et de ses élèves on passe au « behaviorisme ». Psychologie behavioriste et linguistique structurelle s’allient dans les années 1930, aux États-Unis : Bloomfield (1936) arrive à soutenir que la tâche du linguiste est de montrer que « the speaker has no 'ideas' ».
La situation commence à changer dès les premières années 1950, pour les psychologues comme pour les linguistes: de nouveau, on insiste sur la stricte relation qui existe entre les phénomènes psychiques d’un côté et les phénomènes linguistiques de l’autre. Chomsky affirme que la linguistique est une partie de la psychologie cognitive. Les nouvelles idées de Chomsky ont connu un extraordinaire succès pendants les années 1960, tandis que, dans les décennies suivantes, elles ont été critiquées par plusieurs savants, autant linguistes que psychologues. Le débat se concentre sur la nature du langage et, par conséquent, de la linguistique. Le langage est-il un objet qui a une nature propre à lui-même, ou bien peut-il être reconduit à des phénomènes psychologiques généraux ? Et les principes de la linguistique sont-ils propres à cette science (bien qu’ils soient, quand même, de nature psychologique) ou bien doivent-ils être réduits à des lois psychologiques générales ? La première position est celle de Chomsky, la deuxième celle de beaucoup de linguistes « cognitivistes » (par ex., Langacker) et aussi de certains psychologues qui ont embrassé la « Cognitive Grammar », par ex. Tomasello.
Quelle est-elle la leçon qu’on peut tirer de ce panorama sur l’histoire des relations entre la linguistique et la psychologie ? On peut remarquer que le « psychologisme » linguistique du début du XXe siècle a connu sa crise lorsqu’il a été remarqué (par Sechehaye, entre d’autres) qu’il n’était pas vraiment capable de décrire la nature spécifique du langage (le « problème grammatical »). Les savants qui aujourd’hui plaident pour une linguistique qui ne considère pas le langage comme un objet spécifique, mais comme un phénomène psychologique parmi d’autres ont-ils raison, ou bien revivent-ils (inconsciemment) une phase de la linguistique que les développements suivants de la discipline ont déjà dépassé il y a presque un siècle ?
REFERENCES
- BLOOMFIELD, Leonard (1936) : «Language or Ideas?», Language, 12, pp. 89-95.
- DELBRÜCK, Berthold (1901) : Grundfragen der Sprachforschung. Mit Rücksicht aud W. Wundts Sprachpsychologie erörtet, Straßburg : Trübner.
- SECHEHAYE, Albert (1908), Programme et méthodes de la linguistique théorique, Paris-Leipzig-Genève, Champion-Harrassowitz-Eggimann.
- STEINTHAL, Heymann (1855), Grammatik, Logik und Psychologie, Berlin : Dümmler.
- WUNDT, Wilhelm (1912) : Völkerpsychologie. I. Die Sprache (3e éd.), Leipzoh : Engelmann.
II/ Histoire de la notion de ‘phrase’ dans les derniers 150 ans (environ)
Dans l’histoire de la syntaxe du dernier siècle et demi, on peut distinguer trois périodes (cf. Graffi 2001) : celui de la syntaxe « psychologiste » (de la moitié du XIXe siècle au premiers décennies du XXe siècle environ) ; celui de la syntaxe à l’époque de la linguistique structurelle, c'est-à-dire des années 1910 jusqu’aux années 1950 environ; et finalement celui qu’on pourrait appeler des « théories syntactiques » (des années 1950 jusqu’à aujourd’hui). Les bornes entre ces trois périodes sont bien évidemment assez floues, et on doit même remarquer que, dans certains cas, les résultats atteints dans l’un d’eux ont eu des conséquences sur le(s) suivant(s), même si les différents savants n’ont presque jamais été disposés à l’admettre.
Le débat sur la notion de phrase qui se déroula à l’époque du « psychologisme » vise surtout à définir « qu'est-ce qu'une phrase » (titre de Ries 1931 ; pour plus d’information, cf. Graffi 2010). Tous les linguistes qui interviennent dans le débat refusent le « modèle du jugement » de la Grammaire Générale ; pourtant, les solutions qu’ils proposent sont assez diverses l’une de l’autre. Selon F. Miklosich, la phrase n’est pas nécessairement formée d’un sujet et d’un prédicat. Au contraire, Steinthal, même s’il soutient que la linguistique ne doit pas se fonder sur la logique, mais sur la psychologie, considère chaque phrase comme composée d’un sujet et d’un prédicat. Paul et Wundt, quoique dans un cadre psychologique bien différent, au fond partagent l’opinion de Steinthal. D’autres linguistes (comme Wegener, mais aussi bien des néogrammairiens comme Delbrück et Meyer-Lübke) se concentrent sur le rôle de la phrase comme « unité de communication ». D’autres savants (par exemple, Bühler 1918) remarquent le caractère unilatéral de toutes ces conceptions de la phrase. Le livre de Ries est peut-être le dernier essai de concilier les différents points de vue, comme il cherche à rendre compte à la fois des aspects psychologiques, communicatifs et grammaticaux de la phrase. Toutefois, il n’eut pas de succès; au contraire, la conception de Jespersen (1924 ; 1937), élaborée dans les mêmes années que celle de Ries, et qui distingue nettement la notion de phrase de celle de prédication, garde encore de l’influence aujourd’hui.
Les linguistes structuralistes se détachent décidément des linguistes psychologistes par leur refus de considérer la phrase comme une « connexion de représentations ». Meillet et Bloomfield, par exemple, proposent une définition de la phrase qui est purement distributionnelle. Toutefois, d’autres perspectives de recherche s’ouvrent à l’époque structuraliste. Ainsi des linguistes comme Bally et Mathesius développent une analyse de la phrase comme structure communicative, qui s’oppose à son analyse comme structure grammaticale. Bien sûr, la distinction entre langue et parole introduite par Saussure joue ici un rôle important : la distinction entre ‘phrase’ (sentence) et ‘énoncé’ (utterance) adoptée par plusieurs linguistes en Europe aussi qu'aux États-Unis dès années 1930 environ peut en être considérée comme un développement; on peut aussi remarquer qu’une distinction semblable n’apparaît jamais à l’époque psychologiste. D’autres linguistes, moins influencés par Saussure que Bally ou l’école de Prague, élaborent de nouveaux modèles d’analyse grammaticale de la phrase : parmi eux, le plus important est sans doute celui de Tesnière (1959). Ce modèle réalise une rupture totale avec la tradition grammaticale : la phrase n’est plus analysée comme composée d’un sujet et d’un prédicat, mais comme une structure centrée sur le verbe, dans laquelle le sujet n’est qu’un argument sur le même niveau des autres. Cette idée révolutionnaire n’a pas eu d’influence particulière au moment de sa formulation: néanmoins, elle est à l’origine de plusieurs théories syntaxiques qui ont été élaborées dans les années à venir.
En effet, les théories syntaxiques de la troisième des périodes citées ci-dessus peuvent être regroupées en deux classes principales : celles qui adoptent une distinction sujet-prédicat et celles qui la refusent. Parmi les premières, on doit citer avant tout la théorie chomskienne, qui a toujours gardé cette distinction, à travers toutes ses évolutions, tandis que la plupart des autres théories, à partir de la Case Grammar de Fillmore, ont adopté la position remontant à Tesnière. Il faut aussi remarquer que la notion de phrase comme telle est disparue dans beaucoup de ces théories : la théorie chomskienne, dès les années 1980s, n’emploie plus une catégorie de ce genre. Pourtant, on peut reconnaître même dans ce dernier cadre la formalisation de certaines idées élaborées dans les périodes précédentes de la recherche syntaxique.
REFERENCES
- BÜHLER, Karl (1918), “Kritische Musterung der neuern Theorien des Satzes”, Indogermanisches Jahrbuch 6, 1-20.
- GRAFFI, Giorgio (2001), 200 Years of Syntax, Amsterdam-Philadelphia, Benjamins.
- GRAFFI, Giorgio (2010), «Theories of the Sentence in the Psychologistic Epoch (and shortly after)», Histoire Épistémologie Langage, 32, 2010, pp. 57-73
- JESPERSEN, Otto (1924), The Philosophy of Grammar, London, Allen & Unwin.
- JESPERSEN, Otto (1937), Analytic Syntax, Copenhagen, Munskgaard.
- RIES, John (1931), Was ist ein Satz?, Prag, Taussig & Taussig.
- TESNIERE, Lucien (1959), Eléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck
— Prof. Tomáš HOSKOVEC (Brno) : Pour tracer les cartes du structuralisme européen classique
I/ Un problème général: le réseau historique du structuralisme européen
Le majeur obstacle à la compréhension, et à plus forte raison à l'usufruit du structuralisme n'est point l'absence des connaissances mais la présence de trop nombreux simulacres de connaissance. Le dictum de Saussure selon lequel nous autres linguistes n'avons pas, devant nous, un fait de langage que nous considérons à plusieurs points de vue, mais au contraire constituons un fait de langage en adoptant tel ou tel point de vue, vaut aussi pour divers faits de la linguistique. Étudier le structuralisme signifie commencer par constituer des corpus de textes scientifiques, choisis consciemment d'après des règles explicites. En fait, tout un faisceau de points de vue sont nécessairement adoptés. Le plus important parmi eux concerne la vision du rapport entre le tout et les parties : est structuraliste (systémologique) chaque approche qui reconnaît que le tout n'est pas la somme de ses parties, mais l'ensemble des rapports qui unissent les parties (effectivement, la différence entre « structure » et «système » n'est pas pertinente ici). Le point de vue qui caractérise le structuralisme européen (opposé à l'américain) concerne le signe linguistique binaire et l'importance qui est portée à la valeur du tel signe (rompant ainsi d'avec la tradition philosophico-ontologique pour laquelle le signe est un mode particulier d'existence). Outre les points de vue « idéologiques », s'imposent naturellement certains points de vue « génétiques » : les textes scientifiques sont recueillis, pour constituer des corpus, aussi en fonction des milieux dans lesquels et par lesquels ils sont nés, appartenant à un discours et à un genre spécifiques. Il en résulte des foyers de structuralisme européen, grands corpus de textes, constitués principalement d'après le point de vue « génétique », et des écoles, moins grands corpus de textes, constitués d'après le point de vue d'appareil notionnel : en général, on trouve plusieurs écoles au sein d'un seul foyer. Certains foyers de structuralisme européen peuvent être bien localisés : Prague, Copenhague, Paris–Genève en tant que foyer bicéphale (Doppelstern). Or il y en a d'autres qui sont dispersés (Pays-Bas, Pologne), diffus (Belgique, Suède), méconnus (Finlande, Estonie), expatriés (Roumanie, Lituanie), tardifs (Italie, Allemagne). Et il y avait des foyers temporaires, liés à certains forums internationaux, en l'espèce à un congrès, à un comité, à une association, à une revue, produisant eux aussi des corpus particuliers de textes. Il est impératif de ne pas s'arrêter là : les textes consciemment recueillis dans des corpus, il faut les lire pour les interpréter.
II/ Un cas particulier: le foyer pragois du structuralisme fonctionnel
Il n'est guère possible d'empêcher les philologues du monde entier de se servir du terme « Ecole de Prague ». Or il y a eu deux ou trois écoles de Prague de phonologie, au moins deux écoles de Prague de perspective fonctionnelle de la phrase (articulation actuelle de la phrase en thème et rhème), et autant d'écoles de Prague de grammaire structurale, une école de Prague d'esthétique structurale, une autre d'histoire littéraire, voire une école de Prague de sinologie… Elles sont toutes issues d'un seul foyer dont le forum institutionnel était le Cercle linguistique de Prague.
Pour comprendre l'unité de tant d'écoles diverses il faut avoir bien à l'esprit les particularités de ce foyer, qui se qualifie de structuralisme fonctionnel. Son fonctionnalisme consiste dans l'omniprésente réciprocité des deux pôles philologiques : textes concrets (concrets en tant que faits sociaux et culturels) d'un côté, et système abstrait de langue (qui d'ailleurs est un système de systèmes) de l'autre. En découle une équivalence intime de la linguistique et de la stylistique, opposées entre elles par le seul sens de leur orientation, allant l'une des textes au système, l'autre du système aux textes. En outre, cela permet de concevoir toute une œuvre poétique en tant que signe linguistique un et complexe, en exigeant que la signification en soit étudiée comme résultant du concours de composantes systémiques très diverses, et que la valeur en soit établie en fonction de tout un ensemble de normes culturelles et sociales, caractéristiques d'un collectif particulier. Le foyer a su garder les deux pieds sur terre en préférant des descriptions de grammaire « raisonnables » aux «révolutionnaires », aussi bien que garder la mesure en reléguant la phonologie en dehors du système de langue proprement dit, tout en élevant l'écriture et l'orthographe en un système auxiliaire autonome d'éléments de l'expression, homologue de la phonologie.
— Anna ISANINA (Saint-Pétersbourg / Lausanne) : La traductologie soviétique des années 1920-1930 : entre l’art et la science
Bien que, selon une histoire simplifiée, les années 1920-1930 en URSS soient souvent identifiées comme une période de crise en sciences du langage, cette époque est marquée par une atmosphère de quête dans ce domaine, par une circulation intense de nombreuses idées différentes. En outre, pendant les années 1920 se développent les fondements idéologiques de la science soviétique. Cela se reflète, entre autres, dans le fait que l’on cherchait en linguistique une base théorique pour des autres disciplines du cercle philologique (p.e., la stylistique linguistique, la poétique linguistique). La traductologie soviétique des années 1920-1930 n’a pas fait exception.
Devenue soviétique, elle a relayé la tradition antérieure russe sous beaucoup des rapports, tels que: l’accent sur la traduction littéraire, une interaction étroite entre la théorie et la pratique (au moins parce que la réflexion théorique sur les problèmes de la traduction était toujours typique pour les traducteurs eux-mêmes), un rôle important de la critique, les constructions théoriques ont été de nature descriptive et analytique.
Les tentatives d’intégrer la traductologie et la linguistique n’ont mené à la formation de la théorie de la traduction dite «linguistique» que vers la 2e moitié du XX siécle, mais au début elles étaient modestes est portait une caractère plutôt déclaratif.
Il faut mentionner l’article de R. O. Šor «Sur la base scientifique de la traduction littéraire», où l’auteur démontre que ni la théorie ni la pratique de la traduction ne peuvent se passer de connaissances scientifiques profondes: «Sans connaître ni les éléments de sémasiologie ni ceux de lexicologie, le traducteur ne parvient pas à trouver des équivalents sémantiques. Il dirige son vocabulaire, souvent assez modeste, de façon anarchique, à l’aveuglette»[1].
K. I. Čukovskij dans son article publié dans «Les principes de la traduction littéraire»[2] mentionne: «L’idéal de notre temps est une exactitude scientifique, objectivement définissable partout, même dans les moindres détails»[3].
Néanmoins, la nature n’est que postulée dans les travaux sur la traduction de cette période et ne s’exprime que dans des essais de grouper la problématique traductologique en conformité avec la division en niveaux linguistiques: l’on examine des problèmes de la traduction au niveau phonétique et rythmique, stylistique et au niveau de vocabulaire et de syntaxe.
Prenant en considération les particularités du développement de la traductologie en URSS, on se pose la question de savoir si l'on peut vraiment considérer comme «linguistique» la théorie de la traduction qui s’est formée plus tard , c’est-à-dire, ayant ses fondements scientifiques dans le domaine de la linguistique. Dans notre présentation on va essayer de répondre à cette question.
[1] Шор Р. О. О научной базе художественного перевода // Литературная газета, 17.XI.1933.
[2] Principy xudožestvennogo perevoda, 1920: Articles par F. D. Batjuškov, N. S. Gumilev, K. I. Čukovskij, 2e éd. Peterburg: Vsemirnaja literatura. [Principes de la traduction littéraire]
La 1e édition comprenant deux articles («Traductions prosaïques» par К. I. Čukovskij et «Traductions de vers» par N. S. Gumilev) a été publiée en 1919 en tant que matériel méthodique pour les traducteurs de la maison d’édition «Vsemirnaja literatura» et n’était pas mise en vente.
[3] Ibid., p. 51.
— Emanuel LANDOLT (Sankt Gallen) : Une réflexion herméneutique sur la langue dans le cours de Vladimir Bibikhin
A la chute de l’Union soviétique, la nécessité d’une redéfinition de la philosophie et de ses canons est apparue comme une question urgente. Plusieurs philosophes ont tenté de définir les voies à suivre pour une philosophie russe désormais libérée de son surmoi marxiste (Sergej Khoružij, Vladimir Bibikhin). Dans le domaine de la philosophie du langage en particulier, les questions d’identité philosophique et de tradition (Qui sommes-nous ? A quelle tradition appartenons-nous ?) ont trouvé une expression symptomatique dans les travaux du philosophe et traducteur Bibikhin (1938-2004). Secrétaire personnel de Losev pendant la période soviétique, il est l’incarnation du maintien d’une tradition vivante malgré le voilement de la philosophie à l’époque soviétique. La chute de l’Union soviétique lui aura donné tout son éclat, montrant tout l’apport de la culture non-officielle dans les débats philosophiques post-soviétiques. Par sa relecture de Heidegger, Wittgenstein, et de la philosophie grecque, il aura contribué à construire une langue et un style philosophique, ce qui représentait une certaine révolution pour l’époque, tout en prenant ses distances avec le postmodernisme. De 1989 à 2002 celui-ci donnera une série de cours à l’université de Moscou, cours qui auront un certain retentissement en ce qu’ils faisaient rentrer à nouveau l’histoire de la philosophie dans l’université. Nous examinerons dans cet exposé son cours de 1989 (Язык философии) consacré à la question des rapports entre philosophie et langage ou encore entre langage et pensée. Nous allons voir comment Bibikhin aborde l’ontologie du discours, le problème du mot, démontrant ainsi l’importance d’une réflexion sur la langue comme préalable à la constitution d’une philosophie, non pas à la manière du Cercle de Vienne et de son positivisme logique, mais plutôt autour d’une visée herméneutique fondamentale.
— Sébastien MORET (Lausanne) : Les espérantistes soviétiques à la recherche d’une nouvelle linguistique
Dans le contexte du renversement de l’ordre ancien souhaité par la Révolution dans les années 1920, l’Union soviétique se sentit aussi portée à renouveler les sciences. Dans l’URSS de ces années-là, l’idée était qu’il fallait remplacer les sciences bourgeoises, car elles ne servaient que la classe qui les avait engendrées ; de plus, elles se trouvaient tout engluées dans la théorie et très loin de la pratique prônée par Marx (cf. la 11e thèse sur Feuerbach), et surtout, elles semblaient dans l’impasse pour n’avoir pas prévu la Révolution. Il fallait donc l’éclosion de sciences marxistes ou prolétariennes.
L’URSS connut ainsi tout un courant de recherches d’une linguistique marxiste. On connaît la plupart de ses représentants : de Nikolaj Marr et sa « nouvelle théorie du langage », en passant par le groupe Jazykfront, Rozalija Šor ou Valentin Vološinov. Nettement moins connue est la participation de certains espérantistes soviétiques à la recherche de cette nouvelle linguistique marxiste.
Pour eux, cette nouvelle linguistique devait être monomaniaque, toute centrée sur le problème de la langue internationale qui allait de pair avec la révolution mondiale, mais aussi promouvoir une nouvelle méthode et une nouvelle temporalité des recherches. C’est à présenter cette nouvelle linguistique des espérantistes soviétiques que sera consacré le présent exposé. En conclusion, nous essaierons d’intégrer cette recherche d’une nouvelle linguistique dans le contexte de l’histoire de la linguistique dans les années 1920.
— Vladislava REZNIK (Varsovie) : Citizen Science Projects in Eighteenth-century Russia
Social networking and crowdsourcing may look like a prerogative of the modern age, with seemingly no relation to eighteenth-century Russia. And yet, it may be argued that similar communication practices were not unknown in Russia's Age of Enlightenment and were, in fact, instrumental in the popularisation of knowledge, in general, and in ensuring the success of a number of famous scientific projects of the time, in particular. It may be even suggested that the rapid advance of the Russian Enlightenment and the development of science and scholarship were made possible thanks in part to the active involvement of amateur scientists in what may be called the citizen science projects of eighteenth-century Russia. With citizen science understood as 'public participation in scientific research', this paper will focus on three major phenomena in the history of Russian scholarship: the establishment in 1759 of the corresponding membership in the Saint Petersburg Academy of Sciences, the publication in 1787-1789 of Catherine's II dictionary of all world languages (Linguarum Totius Orbis Vocabularia), and the creation of the Russian Academy Dictionary in 1789-1794. Catherine's ambitious linguistic research projects were characterised by the extensive involvement of non-professional researchers who collected data, compiled word lists and analysed linguistic material for the dictionaries. Similarly, the Academy of Sciences provided the platform for a few dozens amateur provincial scientists who contributed their observations and were recognised as the Academy's corresponding members for their role in the dissemination of scientific knowledge. The paper will seek to demonstrate that such (often) voluntary activities for the public good played an important role in laying the foundation for a civic society in Russia and in creating an educated elite, whose sense of public service in thirty-year's time transformed the meaning of the word 'citizen' [гражданин] from merely 'an urban resident' (as recorded in the Russian Academy Dictionary) to Kondratii Ryleev's famous socially conscious individual.
— Elena SIMONATO (Lausanne) : La linguistique sociale soviétique urbi et orbi
Cette communication abordera les recherches soviétiques sur le parler des paysans, entreprises dans les années 1930.
“La quasi totalité des ouvrages insistait sur la stabilité des parlers paysans”, constatait en 1935 Karinskij[1]. Deux raisons à cela, suppose-t-il: premièrement, la relative lenteur des processus langagiers à la champagne; deuxièmement, l’inadéquation des méthodes d’investigation. Or, il serait faux de croire à cette pseudo stabilité des parlers paysans.
Karinskij entreprend au début des années 1930 une série d’études de terrain dans la région de Moscou. Karinskij décrit et analyse le processus fort complexe de relations linguistiques entre ville et campagne, entre jeune et vieille génération, entre femmes et hommes. C’est à ses conclusions que nous consacrerons une partie de notre exposé.
[1] -- Н.М. КАРИНСКИЙ : «Из наблюдений над языком современной деревни», Литературный критик, 1935, 5, стр. 159-175.
— André STAHLHAUER (São Carlos (Brésil) / UNIL) : The political representation of languages in official websites: a discourse about language
We intend, in this work, to study the discourse about language on websites. Our goal is to observe the relationships Language / State / Nation as political regulations that focus on the sayings about languages. Discussing these relationships involves reflection on the policy that determines the functioning of the discourse about languages in relation to their historical processes as they are, under this view, shown in relation to the place(s) and the people(s) that speak them. In this perspective, we see the different types of processes that focus on representations by the State, on websites, as it includes or excludes the speakers to groups, communities or nations.
— Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) : La « question chinoise » et l’intervention de Staline dans la linguistique soviétique vues par Alexandre Soljénitsyne
Dans le roman d’Alexandre Soljénitsyne Le premier cercle [V kruge pervom] sont présentés plusieurs épisodes de l’histoire de la linguistique: la « nouvelle théorie du langage » de N.Ja.Marr, l’histoire de la phonétique expérimentale, ainsi que l’intervention de Staline dans la « libre discussion linguistique » en URSS en 1950. En particulier, Soljénitsyne y réfléchit aux raisons qui auraient pu provoquer la décision du dictateur soviétique de se prononcer contre le marrisme. Dans notre exposé, nous nous arrêterons plus particulièrement sur la « question chinoise » et son importance pour cette discussion, en essayant de montrer dans quelle mesure le point de vue de Soljénitsyne sur ce problème, réflété dans le roman, correspondait à la situation réelle de la politique extérieure de l’URSS à la fin des années 1940.