11 Ec doct
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— 9 h 00 | Accueil des participants |
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— 9 h 15 | Patrick SERIOT (Lausanne) |
Présentation de l'école doctorale et du CRECLECO (Centre de recherches en épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale) Présentation du site web du CRECLECO |
— 9 h 30 | Pierre SWIGGERS (Louvain) |
I/ Questions et quêtes de l'historiographie de la linguistique |
— 12 h | fin de l'exposé | |
— 12 h 30 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 15 h 00 | Tatjana ZARUBINA (Lausanne) |
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— 15 h 30 | Emmanuel LANDOLT (Saint-Gall) |
Le linguistic turn d’Andrej Monastyrskij |
— 16 h 00 |
pause |
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— 16 h 30 | Ekaterina ALEKSEEVA (Lausanne) |
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— 17 h | Sébastien MORET (Lausanne) |
L’espéranto ou l’ido ? Discussions soviétiques sur la forme de la langue internationale des travailleurs |
— 17 h 30 | Elena SIMONATO KOKOCHKINA (Lausanne) |
Язык ― платье, по которому встречают / Le langage fait le moine |
— 9 h 00 | Alain BERRENDONNER (Fribourg) |
I/ Pourquoi je lis des vieilles grammaires? |
— 11 h 30 | Margarita SCHOENENBERGER (Lausanne) |
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— 12 h 30 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 15 h | Elisa CAMAGNI (Milan - Lausanne) |
The Linguistic Thought of I. I. Meščaninov: Syntactic Stadiality and Functional Semantics |
— 15 h 30 | Silvi SALUPERE (Tartu) |
Y. Lotman’s Typologies of Culture |
— 16 h | pause |
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— 16 h 30 | Patrick FLACK (Berlin) |
Le moment phénoménologique de la linguistique structurale |
— 17 h | Julija PODOROGA (Mainz) |
Linguistique et philosophie: la pertinence des idées de Gustave Guillaume pour l'analyse de la "durée" bergsonienne" |
— 17 h 30 | Alessia TOMAINO (Palermo) |
Paroles qui fonctionnent. Influences esthétiques dans la psychanalyse |
— 9 h 00 | Anne-Marguerite FRYBA (Berne) |
I/ La classification des sciences et la délimitation de la linguistique |
— 11 h 30 | Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) | |
— 12 h 30 | repas |
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Après-midi : présentation des travaux de thèse |
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— 15 h 00 | Inna TYLKOWSKI (Lausanne) |
Les notions de dialogisme, de polyphonie et l'approche sociologique dans les "Problèmes de l'œuvre de Dostoïevski" de Bakhtine. |
— 15 h 30 | Kateřina CHOBOTOVA (Lausanne) |
La théorie de la langue littéraire tchèque à travers manuels et grammaires scolaires |
— 14 h 00 |
Bilan et perspectives |
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— Ekaterina ALEKSEEVA (Lausanne) : La présence des idées des philosophes occidentaux (W.Humboldt, E.Husserl, E. Cassirer) dans la philosophie russe du nom de la première moitié du XXème siècle (S.Bulgakov, A. Losev, P. Florenskij)
Les philosophes religieux russes de la première moitié du XXème siècle (S. Bulgakov, A. Losev, P.Florenskij) se réfèrent souvent à des auteurs européens occidentaux. Il faut surtout mentionner les idées sur la langue comme activité spirituelle du peuple et de la personne de W. von Humboldt, la phénoménologie d’E. Husserl et le réalisme symbolique d’E. Cassirer.
L’analyse des ouvrages des penseurs russes nous permettra de répondre à certaines questions concernant la spécificité du développement de la philosophie russe du nom au début du XXème siècle et de savoir de quelle manière ce transfert philosophique et linguistique a marqué les sciences humaines russes à cette époque et lesquels de ses traits sont présents actuellement encore dans la sémiotique en Russie.
— Alain BERRENDONNER (Fribourg) :
I/ "Pourquoi je lis des vieilles grammaires?"
II/ "Critique de la raison normative: aspects historiques, idéologiques et sociologiques".
Tout au long de l’histoire de la grammaire française (16e-21e siècles), ont coexisté deux types de discours sur la langue : l’un ayant pour but déclaré d’influer sur les usages (discours normatif. DN), l’autre visant à décrire et expliquer les usages (discours descriptif-spéculatif, DDS). L’exposé abordera cette dualité sous trois aspects :
(1) Son développement historique. Comment les tenants de chaque conception se sont-ils eux-mêmes définis, et comment ont-ils défini la conception adverse ? Quels rapports se sont établis entre les deux courants (conflits vs hybridations) ? Comment les grammaires scolaires se sont-elles situées par rapport à l’opposition normatif / descriptif ?
(2) Les contenus idéologiques véhiculés par le DN. Sur quelles valeurs fonde-t-il ses prescriptions ? Comment argumente-t-il pour les imposer ? Quels objectifs avoués ou inavoués vise-t-il ? (Son but n’est sans doute pas d’éradiquer les faits de variation, comme on l’a parfois soutenu). Dans le cas particulier de la grammaire scolaire, comment se fait-il que les manuels prescrivent relativement peu des usages, et beaucoup plus des notions descriptives ?
(3) Les aspects sociolinguistiques de la circulation des discours normatifs : existence d’agents socialement légitimés pour proclamer les normes ; le discours normatif comme ‘violence symbolique’ au sens de Bourdieu ; formes actuelles diffuses du DN ; position des « linguistes » dans le champ des lettres.
— Elisa CAMAGNI (Milan) : The Linguistic Thought of I. I. Meščaninov: Syntactic Stadiality and Functional Semantics
The aim of my speech is to propose a critical analysis of the main trends characterizing the linguistic thought of I. I. Meščaninov (1883-1967), a scarcely known scholar whose works and theories have been unjustly underestimated. As N. Ja. Marr's (1864-1934) dearest and best student, I. I. Meščaninov is usually remembered for faithfully supporting as well as for interpreting and developing Marr's enigmatic thought. Nevertheless, I. I. Meščaninov's capacity to problematise general and theoretical linguistic issues has received very little attention so far.
By removing the ideological patina of the years 1920-1950, I propose to subdivide I. I. Meščaninov's thought into two different, yet paradoxically converging phases: in the former phase, spanning from 1929 (year of publication of Vvedenie v jafetidologiju) and 1947 (year of publication of Problema stadial’nosti v razvitii jazyka), I. I. Meščaninov gave birth and subsequently got rid of a revolutionary stadial scheme named “Syntactic Stadiality”. In the latter phase, spanning between the years 1940 and 1967, I. I. Meščaninov described the criteria that were needed to elaborate the theory of the “Functional Semantics”, as emerges from the study entitled Členy predloženija i časti reči (1945), which clearly pertains to the tradition of linguistic typology.
By typologically analyzing I. I. Mesˇcˇaninov's works I aim at showing how he refused Marr's concept of “stadial correspondence” and suggested the idea that perceiving analogies and differences as manifestations of the same glottogonic process was much more important than detecting the single stages to which each language might be attributed.
— Kateřina CHOBOTOVA (Lausanne) : La théorie de la langue littéraire à travers manuels et grammaires scolaires
Confrontant la théorie de la langue littéraire à sa mise en pratique dans divers manuels et grammaires de l’époque, nous nous proposons d’interroger la notion de langue littéraire et ses changements en Tchécoslovaquie.
La théorie de la langue littéraire est développée dans le cadre du Cercle linguistique de Prague dans les années 1930. Cette discussion scientifique à propos de la notion de langue littéraire est toujours accompagnée d’une discussion pédagogique et didactique traitant la question de la mise en pratique de la recherche scientifique. Dans les années 1930, Bohuslav Havránek prépare une nouvelle édition des manuels en harmonie avec la notion structuraliste de langue littéraire.
Les théories structuralistes, y inclus la théorie de la langue littéraire, sont mises en doute suite à l’intervention stalinienne dans la linguistique en 1950. La critique du structuralisme exige une certaine modification de la théorie en question.
En analysant le discours sur la théorie de la langue littéraire après 1950 et en le confrontant à l’analyse de nouveaux manuels, censés respecter la nouvelle recherche scientifique, dite marxiste, nous essayerons d’éclaircir la mesure de l’influence de cette nouvelle recherche sur la notion de langue littéraire.
— Patrick FLACK (Berlin) : Le moment phénoménologique de la linguistique structurale
L'objectif de cet exposé est de revenir sur les enjeux de la rencontre de la linguistique structurale et de la pensée phénoménologique, advenue à Prague dans les années 1920 et d’explorer l’hypothèse qu’il y a eu – certes confusément et fugacement – un véritable « moment phénoménologique » de la linguistique structurale qui a cependant été rapidement résorbé par la montée en puissance du cognitivisme.
Mon intention, autant le dire d’emblée, ne sera pas d’isoler et de décrire de façon précise les empreintes conceptuelles laissées par la phénoménologie sur la linguistique structurale. Une telle analyse serait d’une part trop complexe pour être tentée ici et, d’autre part, n’est pas nécessaire d’un point de vue méthodologique, dans la mesure où d’autres (Dennes, Holenstein, Mauthauser) ont déjà suffisamment définis les grandes lignes de la rencontre entre structuralisme et phénoménologie (notamment la filiation Husserl – Sˇpet – Jakobson) pour que l’on puisse la considérer comme avérée. Mon objectif sera donc bien plutôt de mettre en lumière certains traits généraux particulièrement intéressants du « structuralisme phénoménologique » proposé par les linguistes Praguois, notamment leur conception moniste du signe et l’importance donnée à la dimension autonome et irréductible du langage comme phénomène expressif. Je me propose aussi de discuter l’impact (ou l’absence d’impact) de leur vision structuraliste et phénoménologique du langage dans l’histoire subséquente de la linguistique, notamment cognitiviste.
— Anne-Marguerite FRYBA (Berne) :
I/ La classification des sciences et la délimitation de la linguistique
Sciences historiques versus sciences naturelles ? Geisteswissenschaften versus Naturwissenschaften ? Positivisme versus Idéalisme ? Linguistique versus Philologie ?
Les débats autour de la classification des sciences et de la délimitation de la linguistique ont connu un vif succès dans l'Europe de la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle. A Genève, un élève de Saussure publie, après avoir passé une dizaine d'années en Allemagne et en Bohême, un ouvrage qui attire l'attention de la communauté européenne des linguistes, philologues, philosophes, psychologues: il s'agit de Programme et méthodes de la linguistique théorique. Psychologie du langage (1908) d'Albert Sechehaye (1870-1947). Nous nous intéresserons en particulier à la réception de cet ouvrage dans la perspective de transferts culturels et serons amenés à nous interroger, de façon plus générale, sur les mécanismes à l'œuvre lors de l'apparition d'une nouvelle discipline en voie d'institutionnalisation.
A Halle, paraît, toujours en 1908, une somme philosophique de grande importante pour la linguistique: ce sont les Investigations sur le fondement d'une grammaire générale et d'une philosophie du langage. Son auteur, Anton Marty (1847-1914), est professeur à l'Université allemande de Prague et réfléchit depuis plus de trente ans au rapport entre la psychologie, la philosophie et la linguistique: indépendamment l'un de l'autre, Marty tout comme Sechehaye formuleront des critiques sévères contre la psychologie de Wundt et “l'idéalisme” de Vossler.
II/ “Dégasconner” la Cour?
La nouvelle base de données “Corpus des remarques sur la langue française” (dirigée par Wendy Ayres-Bennett chez Garnier numérique) présente un intérêt indéniable pour l'histoire de la langue française et des idées linguistiques. Sources, réseaux, œuvres, citations et exemples sont affichés en l'espace de secondes, non seulement à partir d'un ouvrage, mais dans tous les ouvrages numérisés de la collection. Cette masse de données apportera, pour le moins, un éclairage nouveau sur la façon dont les “Remarqueurs” ont travaillé et pensé le “bon usage”.
Quelques échantillons de métalangage dans les Observations sur la langue française (1675 et 1676) de Gilles Ménage (1613-1692) permettront d'apprécier la réflexion pondérée d'un savant (dont on s'est beaucoup moqué à son époque) passionné non seulement par la question de la norme, mais aussi par l'histoire et la comparaison des langues.
— Emmanuel LANDOLT (Saint-Gall) : Le linguistic turn d’Andrej Monastyrskij
Concepteur du pavillon russe à la Biennale de Venise de cette année, le Poète, artiste-performer, installateur, Andrej Monastyrskij (né en 1949) occupe une position centrale dans la vie intellectuelle et artistique des années 70. Inconnu quasiment du monde francophone, il aura initié avec son groupe KD (kollektivnije deijstvija), dont l’ensemble des écrits constitue une somme théorique passionnante, une révolution théorique et philosophique comparable à celle initiée par Wittgenstein. Cette rupture avec la tendance métaphysique qui régnait dans la sphère intellectuelle moscovite de la fin des années 60, nous renseigne sur une révolution silencieuse, mais aussi sur la richesse et la diversité de la sphère soviétique non-officielle.
— Sébastien MORET (Lausanne) : L’espéranto ou l’ido ? Discussions soviétiques sur la forme de la langue internationale des travailleurs
L’accusatif est-il un cas bourgeois ? Les signes diacritiques seraient-ils contraires aux intérêts du prolétariat ? C’est autour de ce genre de questions que se disputèrent, au début des années 1920, les partisans soviétiques de l’ido et de l’espéranto, deux langues artificielles à vocation internationale qui furent un temps en concurrence. A partir d’articles parus en ido, espéranto et russe, nous allons exposer les idées qui furent au centre de ces discussions, avant de montrer leur évolution et d’intégrer cette dernière dans le contexte général de l’époque.
— Julija PODOROGA (Mainz) : Linguistique et philosophie: la pertinence des idées de Gustave Guillaume pour l'analyse de la "durée" bergsonienne
En m’appuyant sur les textes de Gustave Guillaume et dans la lignée de ma thèse, je tente de m’approcher du concept bergsonien de durée et de sa définition du point de vue des structures formelles du langage. Ce concept, central pour la philosophie de Bergson, n’y reçoit pourtant pas de définition systématique. Il développe ses significations au fur et à mesure que Bergson l’emploie, selon le problème métaphysique qu’il s’agit de résoudre. La durée a ainsi une structure complexe qui se déroule sur plusieurs plans ou registres temporels. Dans le but de dégager et de mieux analyser cette structure, je me propose de partir de la conception guillaumienne du temps opératif qui marque le moment de la construction du temps, de sa genèse (« chronogenèse », comme l’appelle Guillaume). Selon l’hypothèse que je tenterai d’avancer, au-delà de la proximité de réflexion entre ces deux auteurs, les nuances dans la structure temporelle des verbes que parvient à démêler et à expliciter Guillaume peuvent servir de fil conducteur en vue d’entrer dans le concept de durée par la voie inédite de recherche proprement linguistique.
— Silvi SALUPERE (Tartu) : Y. Lotman’s Typologies of Culture
Texts written by Yuri Lotman between 1968 and 1992 will be surveyed, discussing the possibility of typologies of culture. According to Lotman, the prerequisite for composing a structural-typological history of a culture is the distinction between the content of texts (speech) and their structure (language). In this case the purpose of a typology of culture would be to describe the basic codes of a culture (of which there should only be a few), on the basis of which the “languages” of individual cultures are formed, the comparison of which allows the determination of the universals of human culture. A general table brings out the “core model” of Lotman’s different typologies of culture, a certain invariant that was never explicitly presented by Lotman himself.
The distinctive features of Lotman’s typologies of culture will also be discussed.
— Margarita SCHOENENBERGER (Lausanne) : La théorie des langues «littéraires» en linguistique soviétique et postsoviétique : théorie scientifique et représentations sociales
A partir d’un questionnement des données relatives au concept linguistique de langue «littéraire», concept central d’une théorie scientifique prospère en Union soviétique à partir des années 1960 jusqu’aujourd’hui, je cherche à proposer des explications qui pourraient rendre compte de l’ensemble des données analysées dans ma thèse. Je présenterai mes conclusions sous trois angles : épistémologique (ou la genèse et l’évolution du concept), historique et sociologique.
L’étude du contexte historique de la cristallisation du concept de langue «littéraire» et l’examen de sa validité peut déboucher, à mon avis, sur une étude des opinions socialement partagées sur la langue russe. Il y a, en effet, de fortes présomptions de concevoir qu’il existe dans la société russe d’aujourd’hui une représentation sociale de la langue dite «littéraire» qui contient plusieurs éléments du concept linguistique du même nom et qui est partagée par des groupes sociaux plus larges que celui de professionnels du langage. Les méthodes de repérage des processus et du contenu de la représentation sociale permettent de proposer les contours de cette représentation à partir des textes de linguistes russes et soviétiques consacrés à la langue «littéraire» russe.
Ainsi, une étude historique d’une théorie linguistique particulière présenterait un autre intérêt que celui de dresser un récit cohérent des événements et des influences, qui ont constitué et dirigé le développement de la théorie en question, à savoir d’approcher à travers un corpus de textes de linguistes le domaine d’opinions des locuteurs russes sur leur usage langagier.
— Elena SIMONATO KOKOCHKINA (Lausanne) : Язык ― платье, по которому встречают / Le langage fait le moine
Au cours des premières décennies du XXe siècle, l’horizon de la linguistique russe s’élargit bien au-delà des frontières géographiques du monde russophone. Les villes deviennent le centre d’attraction de la vie politique et économique où les langages se forment et agissent. Ceci donne lieu à une confusion féconde des langues et des langages.
Plusieurs linguistes soviétiques dont Boris Larin (1893-1964) et Evgenij Polivanov (1890-1937) se proposent d’étudier les langages des métropoles sous des angles divers. Ils fondent une nouvelle direction de recherches que l’on pourrait nommer « la linguistique urbaine », et qui étudie le koïnè de la ville, le bilinguisme citadin, et l’argot.
Dans notre communication, nous présenterons les recherches de ces deux chercheurs et leurs conclusions, qui ont très probablement servi de base aux recherches ultérieures de Viktor Zˇirmunskij. Leur « linguistique urbaine » apparaît comme une science qui a engendré une profusion de nouvelles problématiques qui ont été explorées par toute une pléiade de sociolinguistes à l’étranger.
I/ Questions et quêtes de l'historiographie de la linguistique
L’exposé sera construit autour d’un nombre d’interrogations :
(a) Qu’est-ce que l’historiographie de la linguistique ?(b) Comment le champ de l’historiographie de la linguistique est-il structuré ?
(c) Quelle est la place de l’historiographie de la linguistique dans l’ensemble des disciplines linguistiques (« sciences du langage ») ?
(d) Selon quelles modalités peut-on pratiquer l’historiographie de la linguistique ?
(e) Quels sont les (types de) profils que peut assumer l’historiographie de la linguistique ?
L’exposé permettra d’aborder un certain nombre de problèmes théoriques et méthodologiques, tels que
(1) la compréhension (et la description) de la dynamique en linguistique ;
(2) l’importance d’un travail analytique prenant comme objet le métalangage (la terminologie) de linguistes ; la reconstruction de réseaux intellectuels.
II/ Regards dialectiques sur la vie du langage : la « biogéographie » linguistique de Jules Gilliéron
Si la linguistique néo-grammairienne a suscité et déclenché un investissement considérable – aux plans individuel et institutionnel – dans le domaine des études dialectologiques, l’analyse des patois dans leur contexte géographique et dans leur dimension « communicationnelle » a fini par saper l’édifice théorique de la grammaire historico-comparative d’empreinte néo-grammairienne.
Après avoir rappelé les critiques fondamentales de Hugo Schuchardt – critiques prenant leur point d’appui dans un travail de « paléo-dialectologie » – on voudrait examiner ici l’apport critique et innovateur de J. Gilliéron, conceptualisateur de l’Atlas linguistique de la France et figure de proue de la « géographie linguistique », telle qu’elle s’est élaborée dans le premier tiers du XXe siècle.
On s’intéressera particulièrement aux innovations théoriques et méthodologiques de l’œuvre gilliéronienne :
(a) la conception et la pratique de la géographie linguistique comme une étude géologique et biologique ;
(b) la mise en rapport de la diversification spatiale et de la stratification dans le temps ;
(c) l’approche ‘ensembliste’ de mots (comme signes expressifs), au détriment des sons ;
(d) l’activité consciente attribuée aux locuteurs ;
(e) la dialectique « existentielle » inhérente au langage.
On terminera par une réflexion sur le rapport entre l’œuvre de Gilliéron et celle d’un autre Suisse : Ferdinand de Saussure.
— Inna TYLKOWSKI (Lausanne) : Les notions de dialogisme, de polyphonie et l'approche sociologique dans les "Problèmes de l'œuvre de Dostoïevski" de Bakhtine".
L'exposé portera sur les notions de "dialogue", de "dialogisme" et de "polyphonie" élaborées par Mikhail Bakhtine dans les "Problèmes de l'oeuvre de Dostoïevski" (1929). Dans le premier temps, sera analysé le contenu de ces notions et l'articulation entre elles. Par la suite, il sera question de leur source sociologique. Enfin, sera examiné la facette sociologique des réflexions bakhtiniennes sur la notion de "polyphonie" chez Dostoïevski, gommée dans les "Problèmes de la poétique de Dostoïevski" (1963) et, de ce fait, méconnue des chercheurs francophones n'ayant accès qu'à la traduction de la version de 1963 de l'ouvrage bakhtinien sur la particularité des romans de l'écrivain russe.
— Alessia TOMAINO (Palermo) : "Paroles qui fonctionnent. Influences esthétiques dans la psychanalyse"
Pourquoi beaucoup de psychanalystes s’occupent-ils d’art dans leurs œuvres ? La réponse classique à ce type de question est normalement la suivante: ce type particulier de médecins qui soignent leur patients avec des mots se réfèrent à l’art (et à l’univers de l’esthétique) comme à une source d’inspiration du moment que par exemple les poètes savent donner, mieux que tous les autres, voix aux émotions. Notre objectif dans le présent contexte c’est d’essayer de montrer que le rapport entre esthétique (comme domaine de l’art) et psychanalyse est bien plus profond qu’un simple recours passionnel. Notre idée c’est que les deux disciplines, qui d’ailleurs sont complètement différentes, partagent un particulier et spécifique usage du langage. C'est-à-dire: même si le recours aux artistes est occasionnel – et il faut remarquer, par exemple, que dans les ouvrages freudiens, cela arrive avec une certaine fréquence – la raison qui explique tout ceci, c’est que, en celle qui est connue comme la talking cure, la chose qui compte est d’avoir un échange de mots dans lequel patient et analyste partagent le même rythme. Parfois, c’est même une question d’écoute si la personne sous traitement arrive à guérir. Cela nous porte à considérer le rapport entre certains facteurs esthétiques et la psychanalyse à partir d’un autre point de vue, c'est-à-dire à partir du côté linguistique. Pour comprendre ce qu’arrive souvent pendant la cure, il est intéressant d'étudier ce que certains auteurs appellent la communication poétique. Une approche linguistique de ce rapport problématique est fondamental pour permettre la compréhension d’un usage de la langue qui s’éloigne, la plupart des fois, de l’usage normal, et pourtant qui porte la communication à ses limites de fonctionnement. Seulement un regard linguistique peut éclaircir le fait qu’il y a des pratiques essentiellement linguistiques qui arrivent à soigner une personne malade. Comment fonctionnent ces paroles ? Elles circonscrivent le trauma ou elles aident à lui donner une forme et à l’accepter ? Et avec quelle méthode ? Notre impression est que cette perspective linguistique peut nous aider à maitriser les règles (hétérodoxes) d’un type de communication qui d’ailleurs nous montre comme la communication tout court fonctionne. À partir de la torsion poétique du langage est alors possible considérer la force d’une pratique comme celle psychanalytique qui travaille essentiellement avec le langage et dans le langage.
— Ekaterina VELMEZOVA (Lausanne) : L’histoire de la linguistique dans l’histoire de la littérature: exposé d’un problème méthodologique pour l’enseignement de l’histoire des idées linguistiques
En enseignant l’histoire des idées linguistiques, l’une des techniques (qui permet à l’enseignant de captiver l’attention et l’intérêt des étudiants durant toute l’année) pourrait consister à s’appuyer sur la littérature.
En général, il existe différentes façons d’étudier comment la linguistique se reflète dans les œuvres littéraires. L’une des directions de recherches suppose l’analyse des théories linguistiques présentes dans la littérature: l’intérêt de cette étude s’explique déjà par le fait que, même si les écrivains ne transposent que très rarement la linguistique dans leurs œuvres, on pourrait y distinguer quelques régularités qui se répètent d’un livre à l’autre. Cela permet de parler d’un texte de la linguistique (dans le sens de l’Ecole sémiotique de Moscou-Tartu) dans la littérature.
Dans notre exposé, nous aborderons quelques œuvres littéraires dont les personnages principaux sont des linguistes; ces œuvres contiennent des passages «linguistiques». Dans ces extraits, il est possible de reconnaître les théories qui dominaient dans les sciences du langage à telle ou telle époque (ce que les étudiants sont invités à faire à nos cours d’histoire des idées linguistiques), ainsi que des linguistes particuliers – même si les prototypes réels des personnages correspondants ne sont pas toujours ceux dont les auteurs prétendent s’être inspirés.
— Tatiana ZARUBINA (Lausanne) : Le filtre invisible. L’obstacle du Sujet
Ma thèse est un travail de comparaison qui essaie de s’affranchir des dogmes ambiants afin de trouver une nouvelle voie, une autre façon de comprendre la culture intellectuelle en Russie. La présente recherche s’inscrit dans le cadre de l’épistémologie comparée dont l’objectif principal est d’éviter un travail par oppositions et de mettre en évidence les différences et les ressemblances des systèmes de connaissances dans deux mondes intellectuels : la Russie et le monde francophone.
La question posée dans ce travail concerne le Sujet en philosophie en Russie, plus précisément la façon dominante de le voir et de le théoriser, qui joue un rôle important dans la formation de l’horizon d’attente intellectuelle. On trouve l’impact de cette attente intellectuelle particulière lors des transferts « culturels » des théories et des idées quand certaines de ces dernières passent et d’autres provoquent des résistances. Qu’est-ce qui définit alors le seuil de passage et quel obstacle (invisible ?) est la cause des malentendus ?
La réponse trouvée est simple dans sa complexité : le dispositif de la *personne intégrale. Il s’agit d’un ensemble de discours et de pratiques qui valorise et rend possible certains comportements mettant en avant les idées de fusion et de collectivisme à différents niveaux de la vie sociale, par rapport à l’homme et à ses relations dans la société, et décourageant les idées d’individualisme au sens large du terme.
Le dispositif de la *personne intégrale nous a permis de constater et d’expliquer une certaine continuité des valeurs et de la doxa dans les théories du Sujet au XIXe siècle en Russie, à l’époque soviétique et après la dissolution de l’URSS, ce qui, à première vue, pouvait paraître paradoxal. Les ruptures idéologiques importantes qu’a connues la Russie auraient dû susciter des changements dans la vision du Sujet. Or, d’une façon étonnante, aussi bien les slavophiles, les anarchistes que les marxistes soviétiques cherchaient à construire une théorie du Sujet fondée sur les principes d’organicisme, d’intégralité et d’ontologisme. Autrement dit, la conception matérialiste du Sujet à l’époque soviétique n’était pas fondamentalement distincte de celle que le XIXe siècle lui avait léguée. C’est la raison pour laquelle la période postsoviétique manifeste autant d’intérêt pour les valeurs d’intégralité, d’organisme vivant et d’ontologisme, qui trouvent leur place dans une grande partie des critiques adressées aux idées « postmodernes » proclamant une tout autre façon de voir les choses : le décentrement, la déconstruction, le multiple et l’hétérogène, ce qui ne peut que provoquer un grave conflit de valeurs.
Il y avait une énigme à résoudre : qu’est-ce qui fait obstacle à la réception des théories du Sujet divisé ? Cette énigme, nous avons essayé de l’élucider en rassemblant patiemment les bribes entrelacées d’un gigantesque tissu, en tentant d’en montrer la paradoxale cohérence. Un autre travail reste à faire, qui consisterait à construire une hypothèse autrement hardie, celle qui saurait expliquer pourquoi un tel dispositif s’est mis en place en Russie à cette époque et pas ailleurs.