Accueil | Cours | Recherche | Textes | Liens

Centre de recherches en histoire et épistémologie comparée de la linguistique d'Europe centrale et orientale (CRECLECO) / Université de Lausanne // Научно-исследовательский центр по истории и сравнительной эпистемологии языкознания центральной и восточной Европы


-- Patrick Sériot : «Vološinov, la sociologie et les Lumières», in Bénédicte Vauthier (éd.) : Bakhtine, Volochinov et Medvedev dans les contextes européen et russe, Slavica Occitania, n° 25, 2008, p. 89-108




[89]

«L'homme n'existe que par la société, et la société ne le forme que pour elle.» Louis de Bonald

1. De la comparaison

Après un engouement hâtif dans les milieux marxistes d'Europe occidentale dans les années 1970, l'œuvre de Vološinov commence à être mieux connue et interprétée dans la complexité de ses sources d'inspiration. Il apparaît maintenant clairement que le filtre principal d'interprétation pour lire Marxisme et philosophie du langage est d'abord l'école de Vossler et
[90] 
Spitzer, ensuite, plus largement, W. von Humboldt et, finalement, un rapport ambigu envers le néo-kantisme de l'école de Marbourg .
Il existe cependant encore bien d'autres accès à cette œuvre touffue et complexe, d'autres lignes d'interprétation, moins directes, certes, mais permettant d'entendre ce que Vološinov appelait «les harmoniques», en accompagnement du thème principal. On proposera ici une comparaison a première vue incongrue, mais dont les effets peuvent s'avérer salutaires.
Le bon sens populaire dit que «ce qui se ressemble s'assemble», mais en même temps il a quelque prévention contre l'idée que ce qui se ressemble puisse avoir quelque chose en commun : «comparaison n'est pas raison». Omnis comparatio claudicat disent les juristes. Pourtant un éclairage croisé permet de faire apparaître des détails qui resteraient invisibles en éclairage direct.
L'œuvre de Vološinov est un enchevêtrement plus complexe qu'il n'y paraît de sources, d'allusions, de polémiques, de lectures, de réinterprétations en terrain russe de luttes d'idées venant d'Europe occidentale. Un très grand travail reste à faire pour démêler cet écheveau, mettre au jour ces couches enfouies, gratter le palimpseste. Il est fort regrettable que l'histoire des idées ait été, dans le monde francophone, si déconsidérée : «ideas do matter»…, surtout en Russie, où, à part une courte période entre 1905 et 1914, le pouvoir a toujours empêché toute interférence de l'opinion publique avec le domaine de la politique. Ces contraintes spécifiques à la Russie ont eu pour effet que les passions politiques n'ont pu y trouver une issue que dans le royaume des idées, qu'on ne peut plus dès lors considérer comme le simple reflet d'une situation socio-économique.
Je vais tenter de montrer qu'une de ces multiples strates profondes qui parcourent les textes de Vološinov est un conservatisme aussi opposé aux idéaux de la Révolution française et de la
[91]
philosophie des Lumières que celui des grands philosophes «réactionnaires» que sont Edmund Burke (1729-1897) en Angleterre, et Louis de Bonald (1754-1840) et Joseph de Maistre (1753-1821) en France. Mais cette approche n'a de sens que si on fait résonner en parallèle d'autres «harmoniques» comme le refus de Kant ou le positivisme d'Auguste Comte .

2. La sociologie conservatrice contre les Lumières

On partira de l'hypothèse que l'œuvre de Vološinov porte la trace affaiblie et localisée du grand débat sur la Révolution française qui a parcouru tout le XIXème siècle en Europe. Il est vraisemblable que Vološinov n'a jamais lu Joseph de Maistre, mais on ne peut imaginer qu'il n'ait pas connu les textes de penseurs russes qui partageaient certaines de ses idées, comme P. Čaadaev (1794-1856) et Vl. Odoevskij (1803-1869), les deux contemporains de de Maistre, qui le connaissaient bien. On n'a pas besoin d'une influence directe pour avoir des idées en commun. Quant à Auguste Comte, il était bien connu en Russie.
Remarquons que Joseph de Maistre a été une référence explicite constante chez un des admirateurs de Vološinov : Roman Jakobson, qui s'appuie sur l'autorité de de Maistre pour étayer son combat contre les deux piliers de l'enseignement saussurien qu'il trouvait particulièrement irrecevables : l'aléatoire dans la diachronie et l'arbitraire du signe. Chez J. de Maistre il s'agissait de réfuter Condillac :

«Les langues ne se forment que d'autres langues qu'elles tuent ordinairement pour s'en nourrir, à la manière des animaux carnassiers .
[92] 
Ne parlons donc jamais de hasard ni de signes arbitraires.» (Joseph de Maistre, 1821 [1980, p. 103])

Jakobson reprend à plusieurs reprises la dernière phrase de cette citation, depuis ses textes des années 1920-30 jusqu'à la fin de sa vie (Jakobson, 1971, p. 722; 1980, p. 87).
Mais ce qui importe ici est le parallélisme paradoxal entre le discours de la primauté du collectif sur l'individuel chez Vološinov et chez les ultra-conservateurs contre-révolutionnaires français et anglais du début du XIXème siècle. Dans les deux cas la langue est la marque d'une collectivité qui transcende et précède l'individu. Dans les deux cas, l'individu n'a pas d'existence en dehors du groupe social auquel il appartient.
Il est facile de tracer les limites de la comparaison : Vološinov n'est bien sûr pas un légitimiste catholique du temps de la Restauration des Bourbons. La plupart des termes-clés des traditionnalistes sont absents chez lui : propriété, religion, patriarcal, corporation, providence, Dieu. Mais il y a un «style de pensée» qui les rassemble, et surtout un ennemi commun : la Philosophie des Lumières, et, en général, le «rationalisme du XVIIIème siècle» et sa philosophie sociale, pour laquelle ils partagent une totale aversion. On s'en tiendra à une hypothèse minimaliste et prudente : avoir les mêmes adversaires n'implique nullement une identité, mais permet des rapprochement pour le moins surprenants.
L'origine de la sociologie dans la pensée conservatrice-traditionnaliste née du refus de la Révolution française a été affirmée à maintes reprises par Robert Nisbet (1944, 1952, 1966) et Karl Mannheim (1953, p. 94-119) :

[93] 
«La sociologie, tout autant que le traditionnalisme, est née essentiellement comme réaction aux événements de la Révolution» (Nisbet, 1944, p. 320).

Nisbet insiste sur le fait que la pensée de Saint-Simon et de Comte, qui ont tant participé à l'avènement de la sociologie, reposait sur un programme de réorganisation de la société, pour venir à bout de l'anarchie et de la désorganisation causées par la Révolution. Mais même Durkheim est vu par Nisbet dans la continuité de la pensée de Bonald :

«[Durkheim] partage les opinions de Bonald sur l'essence morale de la société et la priorité de la société sur l'individu. […] C'est dans la religion et la société que Durkheim, pas moins, assurément, que Bonald, découvre l'origine de nos principales valeurs, idées et catégories de pensée. Développant les positions de Bonald, Durkheim trouve la source de nos catégories d'espace, de temps, de causalité et de classe dans l'action qu'exerce la société sur l'individu» (Nisbet, 1944, p. 322).

Une des valeurs fondamentales de la Révolution française a été la suppression de tout groupe constitué faisant obstacle à la relation directe entre l'individu et l'Etat. Pour les penseurs des Lumières, la famille patriarcale, les guildes, les «états», les corporations, l'Eglise,
[94] 
sont des obstacles irrationnels à la liberté des individus. Turgot, Helvetius, Sieyès, Condorcet, tous affirment qu'un Etat rationnel doit faire disparaître ces groupes intermédiaires. Même la famille, sous sa forme traditionnelle, est une tyrannie et un anachronisme, «contre la nature et contraire à la Raison».
La loi Le Chapelier (1791), qui abolissait les corporations, est à cet égard peut-être une de celles qui ont le plus marqué le changement de régime et qui ont suscité le plus de résistance de la part des traditionnalistes (son abrogation a été un des actes symboliques du régime de Vichy). Pour Louis de Bonald, sans la famille, l'Eglise et les corporations pour lier les individus ensemble, il ne peut résulter que désordre et tyrannie. Or c'est précisément l'appartenance de l'individu à un groupe social que revendiquaient Bonald et les traditionnalistes, non pas comme instrument d'oppression, mais au contraire comme protection naturelle de l'individu contre la tyrannie d'un Etat rationaliste, dans lequel l'individu est isolé est donc livré à l'arbitraire. On va voir que cette notion de groupe social est précisément la base du «sociologisme» de Vološinov.

3. Vološinov : qu'est-ce qu'un homme?

3.1. L'homme en soi vs l'homme en groupe

Faire une lecture «anti-Lumières» de Vološinov est loin de tout expliquer dans le dédale de ses textes, mais a l'avantage de donner une voie d'accès à un monde perdu, rendu inaccessible en France par un filtre biaisé : le marxisme althussérien de ses lecteurs parisiens des années 1970 , qui fut pendant longtemps une grille interprétative fort inadéquate. On insistera sur deux principes de
[95] 
travail : une recontextualisation fine du texte, une approche comparative .
Ici encore, on va partir d'un thème constamment martelé par Joseph de Maistre, à savoir que l'Homme, ça n'existe pas, du moins «l'homme abstrait» des philosophes.

«Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes. Je sais même grâce à Montesquieu qu'on peut être Persan; mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu», Considérations sur la France, 1796, (1989, p. 145).

Vološinov reprend cette idée régulièrement dans la plupart de ses textes pour expliquer la «réfraction idéologique, c'est-à-dire sociale», ou le fait que le sujet n'est pas divisé, mais pris comme partie d'un Tout que le dépasse :

«Une personne isolée, en son propre nom, à ses risques et périls, ne peut avoir affaire avec l'histoire. Ce n'est que comme membre d'un tout social, dans sa classe et par sa classe qu'elle devient historiquement réelle et active. Pour entrer dans l'histoire, il ne suffit pas de naître physiquement (c'est ainsi que naît un animal, mais sans entrer pour autant dans l'histoire), il faut une seconde naissance, une naissance sociale. Ce n'est pas un organisme biologique abstrait qui naît, mais un paysan ou un propriétaire foncier, un prolétaire ou un bourgeois, et c'est là l'essentiel; ensuite, on naît russe ou français, etc., enfin en 18.. ou en 19.., et ce n'est qu'à partir de là que commence l'histoire, c'est là que naît l'idéologie. Toutes les tentatives de passer outre cette seconde naissance sociale et de tout faire partir du fait biologique de la naissance et de la vie d'un organisme pris isolément sont sans espoir, elles sont d'avance condamnées à l'échec : aucun acte de l'homme pris comme un tout, aucune construction idéologique ne peuvent être expliqués et compris par cette voie et même des questions étroi-
[96] 
tement spécialisées de biologie ne sauront être résolues de façon exhaustive sans tenir compte de la place sociale de l'organisme humain étudié dans sa particularité.» (PTS187)

«Le biologique ou le psychologique ne sont que des catégories abstraites. […] C'est du trop général (ce qui est commun à tous les hommes ou même à l'ensemble des êtres vivants) ou du trop particulier (de l'individuel) qu'on parle le moins. L'un va sans dire, l'autre est inintéressant.» (PTS210)

«Tout besoin naturel, pour devenir un désir humain vécu et exprimé, doit obligatoirement passer par un stade de réfraction idéologique, par conséquent, sociale, tout comme un rayon de soleil ou d'étoile, qui ne peut parvenir jusqu'à nos yeux qu'après avoir été inévitablement réfracté dans l'atmosphère terrestre. En effet, l'homme ne peut pas dire un mot en étant juste un homme, un individu naturel (biologique), une espèce bipède du royaume animal. La simple expression de la faim : j'ai faim, ne peut être dite (exprimée) que dans une langue particulière (ne serait-ce que dans un langage linéaire ou manuel) , elle sera dite avec une intonation et une gesticulation particulières.» (ČTO60)

«Même une œuvre poétique est étroitement inserée dans le contexte non dit de la vie. Si l'auteur, l'auditeur et le héros se rencontraient pour la première fois comme des personnes abstraites, sans être liées par aucun horizon commun, et qu'ils prenaient les mots du
[97] 
dictionnaire, on n'obtiendrait pas une œuvre prosaïque, et à plus forte raison une œuvre poétique». (SVŽ257)

«Le signe ne peut surgir que sur le terrain interindividuel, lequel, du reste, n'est pas 'naturel' au sens propre de ce terme : entre deux homo sapiens un signe ne va pas apparaître spontanément. Il faut que deux individus soient socialement organisés, qu'ils constituent une collectivité : c'est seulement à cette condition que peut se former entre eux un milieu sémiotique. Non seulement la conscience individuelle ne peut pas expliquer quoi que ce soit, mais, au contraire, c'est elle-même qui doit être expliquée par le milieu idéologique et social.» (MPL 16-17)

«C'est que l'énoncé se construit entre deux individus socialement organisés, et s'il n'y a pas d'interlocuteur réel, alors on le présuppose, pour ainsi dire, en la personne, d'un représentant normal du groupe social auquel appartient le locuteur. Le Mot est orienté vers l'interlocuteur, il dépend de qui est cet interlocuteur : quelqu'un du même groupe social ou non, un supérieur ou un inférieur hiérarchique, lié ou non au locuteur par des liens sociaux plus ou moins étroits (père, frère, mari, etc.). Il ne peut y avoir d'interlocuteur abstrait, pour ainsi dire, d'homme en soi ; avec lui, en effet, nous n'aurions pas de langage commun ni au sens propre ni au sens figuré.» (MPL86-87)


3.2. Qu'est-ce qu'un groupe?

Chez Vološinov comme chez de Bonald, un terme-clé est «groupe social». Pour de Bonald, les individus n'ont ni droits ni même existence en dehors de leur groupe, qui seul a des droits . Vološinov ne s'intéresse ni au droit ni à l'organisation d'une société ou d'un Etat, mais il partage avec de Bonald l'idée que
[98] 
l'individu n'a aucune existence en dehors du «groupe social» auquel il appartient. Ce dernier terme n'est jamais défini, et il faut en reconstituer le sens au fur et à mesure de ses emplois. Ce sont par exemple les groupes qui produisent la connaissance instinctive des «genres de la parole quotidienne» : «On trouve encore d'autres types dans les veillées de village, les fêtes populaires en ville, le bavardage des ouvriers pendant la pause à l'heure du déjeuner, etc. » (MPL99). On apprend, par exemple, que la «conversation d'un mari avec sa femme, d'un frère avec sa sœur» forme un groupe (KON68). Chez Vološinov il y a essentiellement ces groupes, qui sont par définition homogènes : l'hétérogénéité est reportée à un autre niveau, entre les groupes.
Vološinov répète régulièrement que l'individu «isolé» (de son groupe) soit ne peut pas être étudié, soit est une simple chimère, soit, s'il existe, ne peut être que «fou ou idiot»:

«Il reste un dernier cas, lorsqu'une personne a perdu son auditeur intérieur, et que dans sa conscience se sont dissouts tous les points de vue stables et solides, que son existence, sa conduite sociale ne sont plus dirigées que par des penchants et impulsions absolument contingents, irresponsables et sans principe. On assiste alors à un phénomène de chute idéologique de la personne hors de son milieu de classe, qui suit habituellement le déclassement total de l'homme. Dans certaines conditions sociales particulièrement défavorables, semblable arrachement de la personne au milieu idéologique qui l'a nourrie peut mener en fin de compte à une désagrégation complète de la conscience, à la folie ou à l'idiotie». (KON71)

On peut ici effectivement penser au livre de Durkheim : Le suicide (Paris, 1897). Nisbet (1944, p. 323) y voit un parallélisme saisissant avec les positions de Bonald concernant l'individualisme : le suicide exprime l'affaiblissement des liens du groupe et l'isolement de l'individu par rapport aux normes de la société.
Pour Bonald comme pour les romantiques allemands (Fichte), la société est un organisme vivant, et non un assemblage d'individus naturellement libres dans une «société» prise abstraitement comme pour Hobbes ou Locke. La société n'est donc pas une
[99] 
collection d'individus, mais un ensemble organique hiérarchisé de «groupes sociaux» par lesquels et dans lesquels vivent les individus. Pour Bonald comme pour Vološinov, la réalité de l'individu n'est pas la «société» au sens abstrait, mais le groupe social concret dans lequel il vit. Il s'agit d'un niveau intermédiaire entre l'individu et la société globale. Chez Vološinov, le groupe intermédiaire est la dimension sociale exacte de l'individu.
On peut ici faire une nuance dans la comparaison : chez Vološinov la société n'est pas organique, puisque il y a lutte perpétuelle, en revanche, ce qui est «organique», au sens d'harmonieux, de non conflictuel, c'est bien le groupe, décrit en termes de «milieu» (au sens écologique, et non d'une sociologie différentialiste). Mais les gens de «groupes différents» ne se parlent jamais. On ne «communique» qu'entre «gens» qui appartiennent au même groupe. Or c'est cela qui fait de Vološinov un bien étrange marxiste, lui qui, à la différence de Gramsci son contemporain, ne s'intéresse nullement à la politique. Dans cette socialité généralisée, aucune singularité, aucune asocialité n'est possible sauf à devenir «fou ou idiot».
Comme chez de Bonald, le social est tout, le politique n'est rien, puisqu'on ne peut pas sortir de son groupe social ni s'élever contre lui. L'individu est pris dans les rêts d'un strict déterminisme, qui définit de façon circulaire le groupe par la compréhension et inversement. Ce qui importe en effet pour lui est la «compréhension mutuelle» des membres d'un groupe, lequel, comme dans toute théorie minimaliste de la communication, commence à deux.
Vološinov ne procède à aucune enquête, il ne recueille aucun fait. Tous ses exemples sont soit empruntés à la littérature, soit inventés de toute pièce. Il n'en produit que deux en tout et pour tout, qui ont pour but de souligner la même évidence, à savoir que les «gens» qui ont le même «vécu» se comprennent à demi-mot. Ainsi, dans l'article de 1926 «Le Mot dans la vie et le Mot dans la poésie», il produit un «énoncé concret» : «tak!» ('eh bien!'), dont le sens, dit-il, est totalement inaccessible par les moyens linguistiques traditionnels d'analyse phonétique et morphologique. Mais la connaissance commune de la «situation» par les participants de ce «dialogue» rend «entièrement compréhensible», cet énoncé, qui prend tout son sens quand on sait que les deux protagonistes sont assis dans une pièce, qu'à la fenêtre on voit la neige tomber, qu'on est au mois de mai, et que le mot «tak» est prononcé avec une ironie lasse. Tout est donc clair : il est temps que le prin-
[100] 
temps arrive. La récupération du non-dit par la connaissance commune de la situation est ce que Vološinov appelle «l'enthymème» : il est inutile de tout énoncer, le «vécu» commun supplée au non-explicite.
On voit que le «groupe social» chez Vološinov est d'une très grande souplesse. Parfois il s'agit de personnes qui parlent, parfois il s'agit de groupes socialement constitués, mais l'important est que les «gens» y communiquent toujours sans entraves. On va ainsi trouver, dans l'énumération des groupes sociaux, aussi bien un couple d'interlocuteurs (un professeur et un étudiant lors d'un examen oral à l'université) que des gens rassemblés dans une occupation commune (des ouvriers discutant à la pause du déjeuner à la cantine de leur usine). Mais, curieusement, le «groupe» le plus souvent exemplifié est celui de la famille, celui-là même qui était le fondement de l'ordre social pour Bonald et de Maistre.

«La famille est un corps; elle est même plus qu'un corps, car elle est une société, et autant société que l'Etat lui-même, dont elle est, par sa constitution native le germe, le type, et même la raison, puisque l'Etat existe après la famille, par la famille, pour la famille, et constitue comme la famille.» (Bonald, 1859, t. II, p. 200)

Vološinov ne s'intéresse pas à l'Etat, mais beaucoup à la famille, dont il donne une description saisissante, par exemple dans sa critique du complexe d'Œdipe chez Freud. Pour lui, la famille de l'époque capitaliste se définit du fait que le père est le chef d'entreprise, le fils l'héritier. Mais à l'époque du meurtre perpétré par Œdipe, «la mère était le chef (survivance du matriarcat), et seule la main de la mère donnait droit au trône (transmission de l'héritage par la voie matrilinéaire). Le fils ne pouvait que s'écarter ou éliminer le père. […] Freud a sexualisé ce motif, et, de ce fait, a éliminé la famille» (PTS210).
Mais la plupart du temps, la famille est donnée comme une évidence an-historique :

[101] 
«Ce qui est social est, dans ses fondements mêmes, entièrement objectif : c'est en effet avant tout l'unité matérielle du monde, lequel entre dans l'horizon des locuteurs (une pièce, la neige à la fenêtre dans notre exemple), et l'unité des conditions de vie réelles, engendrant une communauté d'évaluations : l'appartenance des locuteurs à une même famille, profession, classe ou à tout autre groupe social, et enfin à une même époque, puisque les locuteurs sont des contemporains. Les évaluations sous-entendues sont par conséquent non pas des émotions individuelles, mais des actes nécessaires, qui possèdent leur loi interne sociale» (SVŽ251).
«Il y a le sous-entendu de la famille, du clan, de la nation, de la classe, de la journée, de l'année ou de toute une époque. A mesure de l'élargissement de l'horizon partagé et du groupe social qui lui correspond, les aspects sous-entendus de l'énoncé deviennent de plus en plus stables» (SVŽ252).

3.3. La hiérarchie

Vološinov n'est bien sûr pas un «conservateur» au sens strict : il ne dit pas que tout doit rester en l'état (puisqu'il y a «devenir constant»), mais il dit encore moins que la division en classes (et groupes sociaux) doit ou va disparaître. Chez lui, il y a des groupes, et il y a une hiérarchie. On va trouver dans ses textes une grande insistance sur la notion de hiérarchie de «la» société, sans aucune allusion à une situation concrète : on ne sait jamais s'il s'agit de l'URSS qui lui est contemporaine ou de l'«Occident» capitaliste.

«Une analyse plus approfondie nous montrerait l'importance considérable de la composante hiérarchique dans l'interaction verbale, la puissante influence qu'exerce l'organisation hiérarchique de la communication sur les formes de l'énoncé. Le respect de l'étiquette langagière, des règles de politesse verbale et d'autres formes d'adaptation de l'énoncé à l'organisation hiérarchisée de la société sont très importants aux fins de l'élaboration des principaux genres utilisés dans la vie quotidienne. » (MPL24)
« De plus, il faut toujours prendre en compte la position du Mot d'autrui rapporté dans la hiérarchie sociale. Plus le Mot d'autrui
[102] 
est perçu comme se plaçant à un haut niveau hiérarchique, et plus ses frontières sont nettes, moins il est accessible aux commentaires et aux répliques de ce niveau qui s'efforcent de le pénétrer.» (MPL121)

Parfois les groupes sociaux sont déterminés par la base économique, mais c'est toujours pour souligner qu'on ne se comprend qu'à l'intérieur du groupe :

«La base matérielle détermine la différenciation de la société et de sa structure socio-politique, elle répartit et dispose hiérarchiquement les individus qui y interagissent ; c'est cela qui détermine le lieu, le moment, les conditions, les formes, les moyens de la communication verbale, et tout cela à son tour détermine les vicissitudes de l'énoncé individuel à un moment donné de l'évolution de la langue, son degré d'impénétrabilité, le degré de différenciation des divers aspects qu'on y perçoit, le caractère de son individualisation sémantique et verbale.» (MPL151)
«Nous avons montré que tout l'ensemble des conditions d'une situation donnée et d'un auditoire donné (et surtout la distance socio-hiérarchique entre les locuteurs) a conditionné toute la construction de l'énoncé : le sens général de l'intervention verbale de Cˇicˇikov, les thèmes de cette intervention, l'intonation, le choix des mots et leur répartition.» (SOC43)


Vološinov insiste sur ce respect de la hiérarchie dans ses conseils aux écrivains débutants :

«Un mot et un geste de la main, une expression du visage et une pose corporelle, sont de la même manière soumis à la situation sociale, ils sont de la même manière organisés par elle. Avoir des 'mauvaises manières' c'est ne pas prendre en compte son interlocuteur, c'est ignorer les liens socio-hiérarchiques entre le locuteur et son auditeur, c'est l'habitude (souvent inconsciente) de ne pas changer l'orientation sociale d'un énoncé (par le geste et la parole) lorsqu'on change de cercle social, d'auditoire». (KON74)

[103] On voit ainsi apparaître un étonnant conformisme social : il faut parler en conformité avec les attentes sociales. Le marxisme de Vološinov n'a rien de très révolutionnaire.
Certes, il parle souvent de «lutte de classes». Mais d'une part dans la totalité du corpus il n'y a pas un seul exemple concret de lutte de classe dans la langue ou la parole : il n'y a jamais de conflit sur le sens des mots. D'autre part la notion de «classe» appartient aussi au langage des traditionnalistes : J. de Maistre dit, à propos de l'utilité des châtiments :

«Toutes les classes seraient corrompues, toutes les barrières seraient brisées : il n'y aurait que confusion parmi les hommes si la peine cessait d'être infligée ou l'était injustement» (1821 [1980, p. 31])

Notons que chez Vološinov les classes (ou groupes sociaux) ne se parlent jamais, elles s'ignorent superbement. Tout au plus arrive-t-il qu'elles se battent (cf. la police et les manifestants dans SOC). Mais elles ne se parlent pas, pour la simple raison qu'il faut un enthymème à la compréhension. Or sans compréhension, point de communication, donc point de dialogue. (A la différence de Bakhtine, il n'y a jamais non plus de communication inter-langue : il faut appartenir à la même communauté linguistique pour communiquer, mais ce n'est pas suffisant : il faut avoir un vécu en commun. )

3.4. Le refus du rationalisme du XVIIIème siècle

Vološinov participe du grand mouvement de discréditation du rationalisme, qui avait parcouru tout le XIXème siècle. Il s'oppose à de Bonald sur l'origine surnaturelle du langage, mais il partage sa profonde aversion pour le XVIIIème siècle rationaliste et pour Condillac en particulier :

« Ce n'est nullement de façon surnaturelle, ni par une «invention» consciente préméditée (comme on le pensait au XVIIIème siècle), que le langage est apparu dans la société humaine.» (ČTJ50)

C'est bien l'univers cartésien qu'on sent affleurer derrière sa critique du saussurisme, rebaptisé « l'objectivisme abstrait» :

«Il faut chercher les racines de cette orientation dans le rationalisme des
[104] 
XVIIème et XVIIIème siècles. Ces racines plongent dans le terreau cartésien.» (MPL59)
«L'idée de la langue en tant que système de signes arbitraires et conventionnels, de nature fondamentalement rationnelle, a été élaborée sous une forme simplifiée au XVIIIème siècle par les penseurs de l'époque des Lumières. Apparues sur le terrain français, les idées de l'objectivisme abstrait règnent encore aujourd'hui principalement en France. » (MPL60)


Ainsi, ignorer la spécificité du matériau sémiotique idéologique est une simplification qui n'explique que le contenu rationnel d'un phénomène idéologique (MPL21). Du point de vue de la langue, pour l'objectivisme abstrait, le changement historique des formes est irrationnel et dépourvu de sens (MPL59). Mais surtout,

«L'idée du caractère conventionnel, arbitraire de la langue, tout comme la comparaison du système de la langue avec le système de signes mathématiques sont caractéristiques de tout le courant rationaliste. L'esprit des rationalistes, orienté vers les mathématiques, ne s'intéresse pas au rapport du signe à la réalité qu'il reflète ou à l'individu qui en est à l'origine, mais au rapport du signe à un autre signe à l'intérieur d'un système clos, une fois qu'il a été adopté et admis. En d'autres termes, ils ne s'intéressent qu'à la logique in-
[105] 
terne du système de signes lui-même, considéré, comme en algèbre, tout à fait indépendamment des significations idéologiques qui en font le contenu. Les rationalistes ne sont pas opposés à prendre en considération le point de vue du récepteur qui cherche à comprendre, mais ils refusent celui du locuteur en tant que sujet qui exprime sa vie intérieure. Le signe mathématique, c'est sûr, peut moins que tout autre être interprété comme l'expression du psychisme individuel ; or le signe mathématique était, pour les rationalistes, l'idéal de tout signe, y compris du signe linguistique. Tout cela a trouvé son expression la plus claire dans l'idée leibnizienne de grammaire universelle.» (MPL59-60).

Pour Vološinov, le rationalisme du XVIIIème siècle se caractérise par son idée que le signe est arbitraire et conventionnel (deux qualificatifs qui sont toujours employés comme synonymes, cf. MPL59-60). Les idées de Saussure sont marquées par l'esprit du rationalisme, qui considère l'histoire comme un élément irrationnel venant troubler la pureté logique du système de la langue (MPL64). Enfin, le rationalisme est «mécaniste» (MPL83), parce qu'il ne peut pas expliquer l'histoire, «alors que la langue est un phénomène purement historique» (ib.). Ce qui est rationnel est en même temps «logique» (PTS207), mais c'est aussi Kant qui est visé, puisque la méthode d'analyse rationnelle est synonyme de «méthode transcendentale» (PTS188). La «pensée mécaniste» confond les signes et les signaux (MPL70). La compréhension mécaniste des phénomènes langagiers se marque dans l'intérêt de l'objectivisme abstrait pour les langues mortes.
On entre ainsi dans un univers métaphorique où la «vie» est toujours mise en regard de la «mort», de l'«inerte».

3.5. Le mécanique vs l'organique

Dans les mêmes termes que Jakobson, Vološinov accuse de «mécanisme» toute théorie qui n'est pas «vivante». Le mécanisme est «naïf» (MPL17), mais c'est essentiellement la catégorie de causalité qui
[106] 
est ici mise en cause : elle ne peut être que mécanique, et donc «positiviste» et «inerte» (MPL20-21, 28). Ce passage rappelle mot pour mot les nombreuses diatribes que Jakobson a écrites dans les années 1920-1930 contre «la notion positiviste de causalité mécanique» (cf. Sériot, 1999). Le linguiste vosslérien Kalepky «fait un pas en avant» dans l'étude du discours indirect libre en explorant ce phénoméne comme une nouvelle direction stylistique plutôt que comme «l'addition mécanique de traits abstraits des deux formes» (MPL141).
Bien entendu, ce qui n'est pas «mécanique» est «organique». C'est alors une dichotomie de valeurs parfaitement nette et fort classique qui se met en place : ce qui est organique, vivant, dynamique, entier, est systématiquement mis en regard de son pendant dévalorisé : le mécanique, le mort, le statique, le divisé. Une totalité, une unité sont organiques, mais la causalité est mécanique . Toutes ces notions sont présentes en abondance dans le romantisme en Allemagne, elles font pendant à l'opposition entre Gesellschaft et Gemeinschaft de Ferdinand Tönnies (1887).

«Ces produits idéologiques constitués [la morale sociale, la science, l'art, la religion] gardent toujours le lien organique le plus vivant avec l'idéologie du quotidien, ils se nourrissent de ses sucs, car en dehors d'elle ils sont morts, comme sont mortes, par exemple, une œuvre littéraire achevée ou une idée cognitive en dehors de leur perception évaluative vivante.» (MPL93).

Mais ce qui est le plus souvent organique chez Vološinov est le lien, qui est en même temps indissoluble (nerazryvnaja).
Encore une fois, nous sommes dans un monde profondément anti-kantien : il faut rassembler ce que Kant a séparé.

[107]
Conclusion

Il me semble avoir montré que la lecture du corpus de Vološinov peut s'effectuer à plusieurs niveaux. Sous la critique de Saussure et de l'«objectivisme abstrait» on peut déceler les échos de mouvements d'idées plus anciens, plus profonds, parfois échos lointains, parfois rappels criants d'un monde qui a refusé, en bloc, l'indidualisme des Lumières, le rationalisme cartésien, l'égalitarisme jacobin, et les catégories «abstraites» et «isolées» de Kant.
On peut aller plus loin et faire remarquer que Marxisme et philosophie du langage de Vološinov (1929) anticipe sur bien des points un livre dont le titre lui fait écho : Marxisme et questions de linguistique de J. Staline (1950).

«On dit que les pensées naissent dans la tête des gens avant d'être exprimées dans la parole, sans aucun support langagier, sans enveloppe langagière, pour ainsi dire, à nu. Mais c'est absolument faux. Quelles que soient les pensées qui apparaissent dans la tête des gens, et quel que soit le moment de cette apparition, elles ne peuvent exister que sur la base d'un matériau langagier, sur la base de termes et de phrases appartenant à une langue. Il n'existe pas de pensées nues, libres de tout support dans la langue» (Staline : «Réponse à la camarade Krašeninnikova», dans Staline, 1950, p. 80-81).

Aleksandr Etkind, dans son livre sur l'histoire de la psychanalyse en Union Soviétique, y voit une utopie «parfaitement totalitaire» :

(pour Vološinov comme pour Staline) «il n'y a rien chez l'homme qu'on ne puisse lire. […] Ce que l'homme se cache à lui-même, il le cache à la société. Il n'y a pas de place pour de tels soupçons : tout ce qui a quelque importance doit être sous contrôle; seul ce qui peut être lu peut être contrôlé; et ne peut être lu que ce qui est exprimé dans les mots… Cest pourquoi chez l'homme soviétique il n'y a rien qui ne soit exprimé en mots. 'Il n'y a pas de pensées nues', sans parler de sentiments. En dehors des mots, il n'existe rien. Voilà pourquoi pour les juges d'instruction l'aveu était si im-
[108]
portant : il n'existait pour eux aucune autre réalité que celle des mots» (Etkind, 1993, p. 399).

Ces rapprochements, ces comparaisons, laissent une impressions dérangeante. Elles n'expliquent rien, mais elles incitent à penser de façon différente, à faire reprendre les catégories dans leurs fondements.
Je ne peux alors que renvoyer à Lautréamont :
«Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire» (Chants de Maldoror, VI).



Bibliographie

L'ensemble du corpus de Vološinov est regroupé de la façon suivante :
- ČTJ : «Čto takoe jazyk?», Literaturnaja učeba, n°2, 1930, p. 48-66. [Qu'est-ce que la langue?]
- FRE : Frejdizm : kritičeskij očerk, Moskva-Leningrad : Gosizdat, 1927. [Le freudisme, essai critique].
- GRA : «O granicax poètiki i lingvistiki», in V bor'be za marksizm v literaturnoj nauke, pod red. Desnickogo V. i dr., Leningrad : Priboj, 1930, p. 203-240 [Les frontières de la poésie et de la linguistique]
- KON «Konstrukcija vyskazyvanija», Literaturnaja učeba, n° 3, 1930, p. 65-87. [La construction de l'énoncé]
- MPL : Marksizm i filosofija jazyka : Osnovnye problemy sociologičeskogo metoda v nauke o jazyke, Leningrad : Priboj, 1929. [Le marxisme et la philosophie du langage. Les problèmes essentiels de la méthode sociologique dans la science du langage]. 2e édition : 1930.
- NOV : «Novejšie tečenija lingvističeskoj mysli na Zapade», Literatura i marksizm, n° 5, p. 115-149, Moskva : Učenye zapiski Instituta Jazyka i Literatury, 1928. [Les nouveaux courants de la pensée linguistique en Occident].
- PTS : «Po tu storonu social'nogo», Zvezda, n° 5, 1925 [De l'autre côté du social].
- SOC : «Slovo i ego social'naja funkcija», Literaturnaja učeba, n° 5, 1930, p. 43-59. [Le mot et sa fonction sociale]
- SVŽ : «Slovo v žizni i slovo v poèzii : k voprosam sociologičeskoj poètiki», Zvezda, n° 6, 1926. [Le mot dans la vie et le mot dans la poésie : questions de poétique sociologique]

BERLIN Isaiah, 1978 : Russian Thinkers, New York : Viking.
BERLIN Isaiah, 1992 : The Crooked Timber of Humanity (Chapters in the History of Ideas), New York : Vintage books.
BONALD Louis de, 1859 : Œuvres complètes, Paris : Migne.
BRANDIST Craig, 2002 : «Two Routes 'To Concreteness' in the Work of the Bakhtin Circle», Journal of the History of Ideas, Vol. 63, N° 3., pp. 521-537.
CALVET Louis-Jean, 1975 : Pour et contre Saussure, Paris : Payot.
CERTEAU Michel de, 1975 : L'écriture de l'histoire, Paris : Gallimard.
ETKIND Aleksandr, 1993 : Eros nevozmožnogo. Istorija psixoanaliza v Rossii, Sankt-Peterburg : Meduza. [L'éros de l'impossible. Histoire de la psychanalyse en Russie, trad. fr. L'histoire de la psychanalyse en Russie, Paris : P.U.F., 1998]
FOUCAULT Michel, 1969 : L'archéologie du savoir, Paris : Gallimard.
FOUCAULT Michel, 1971 : L'ordre du discours, Paris : Gallimard.
GADET Françoise & PECHEUX Michel, 1981 : La langue introuvable, Paris : Maspero.
GARDIN Bernard, 1978 : «Volochinov ou Bakhtine ?», La Pensée, février 1978, p. 87-100.
HOUDENINE Jean-Louis, 1977 : Langage et marxisme, Paris : Klincksieck.
JAKOBSON Roman, 1971 : «Retrospect», Selected Writings-II, La Haye : Mouton, p. 711-722.
JAKOBSON Roman, 1980 : Dialogues avec K. Pomorska, Paris : Flammarion.
LAMENNAIS Hugues-Félicité Robert de, 1840 : Esquisse d'une philosophie, Paris.
LESTITION Steven, 2007 : «Countering, Transposing, or Negating the Enlightenment? A Response to Robert Norton», Journal of the History of Ideas, vol. 68, n° 4, p. 659-681
MAISTRE Joseph de, 1821 : Les soirées de Saint-Pétersbourg, reprint : Paris : La Maisnie, 1980, t.1.
MANNHEIM Karl, 1953 : Essays on Sociology and Social Psychology, London : Routledge & Kegan Paul.
MUEL-DREYFUS Francine, 2004 : «La rééducation de la sociologie sous le régime de Vichy», Actes de la recherche en sciences sociales, 153, p. 65-77.
NISBET Robert, 1944 : «De Bonald and the Concept of the Social group», Journal of the History of Ideas, vol. V, n° 3, p. 315-331.
NISBET Robert, 1952 : «Conservatism and Sociology», The American Journal of Sociology, n° 7, p. 167-175.
NISBET Robert, 1966 : The Sociological Tradition, New York : Basic Books. Trad. fr. : La tradition sociologique, Paris : P.U.F., 1993.
NORTON Robert E., 2007 : «The Myth of the Counter-Enlightenment», Journal of the History of Ideas, vol. 68, n° 4, p. 635-658
PIPES Richard, 2005 : Russian conservatism and its critics, New Haven & London : Yale University Press.
SERIOT Patrick, 1999 : Structure et totalité. Les origines intellectuelles du structuralisme en Europe orientale, Paris : P.U.F.
SERIOT Patrick, 2005 : «Si Vico avait lu Engels, il s'appellerait Nicolas Marr», in P. Sériot (éd.) : Un paradigme perdu : la linguistique marriste, Cahiers de l'ILSL (Université de Lausanne), n° 20, p. 227-254.
SERIOT Patrick, 2008 : «Généraliser l'unique : genres, types et sphères chez Bakhtine», LINX (Paris-X-Nanterre), n° 56, p. 31-47.
STALIN Josip, 1950 : Marksizm i voprosy jazykoznanija, Moskva : Gosudarstvennoe izdatel'stvo političeskoj literatury. [Marxisme et questions de linguistique]
TÖNNIES Ferdinand, 1887 : Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie; trad. fr. : Communauté et société, Paris : rééd. Retz-C.E.P.L..